Proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires

12 avril 2023

🏛️ Proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires.

🕚 J’ai rapporté ce matin en commission des finances la proposition de loi de mes collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot, déposée au titre du groupe socialiste, écologiste et républicain, visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires. Son passage en séance publique aura lieu le mercredi 3 mai.

🕚 La discussion de ce texte intervient dans un contexte marqué par la tentation d’une renonciation aux espèces, qui contreviendrait à la liberté de choix des moyens de paiement et frapperait d’abord les ménages les plus pauvres, et par une inflation qui affecte plus encore les personnes les plus fragiles.

1️⃣ Le chapitre 1er de la proposition de loi concerne l’accessibilité territoriale bancaire. Il vise à confier à la Poste une mission de couverture territoriale complète en distributeurs automatiques de billets (DAB) financée grâce à un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale, dont les recettes proviendraient essentiellement de prélèvements sur les banques.

2️⃣ Le chapitre 2, constitué des articles 3 à 6, concerne l’inclusion bancaire. Il s’attache à renforcer les obligations d’information pesant sur les établissements de crédit en matière de droit au compte et d’offre spécifique, et à proportionner aux revenus de leurs bénéficiaires certains frais bancaires.

3️⃣ Enfin, le chapitre 3, composé du seul article 7, vise à renforcer l’effectivité du droit au compte en imposant à la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) l’adoption de sanctions pécuniaires en cas de non-respect de leurs obligations en la matière par les établissements de crédit.

🕚 Les articles 1 et 2 visent à confier une nouvelle mission de couverture territoriale en DAB à La Poste financée par un fonds chargé de garantir leur accès en moins de quinze minutes. Si l’on constate une tendance progressive à la fermeture des DAB, dont le nombre est passé de 49 000 en 2020 à 48 000 en 2021, soit une baisse de 2 %, les données publiées depuis 2018 par la Banque de France n’indiquent pourtant pas de dégradation de l’accessibilité aux DAB. Les fermetures de DAB se font en effet la plupart du temps dans des zones déjà denses.
Ainsi, depuis 2018, plus de 99 % de la population vit à moins de 15 minutes en voiture d’un DAB : l’objectif d’accessibilité aux espèces est donc largement satisfait, même si quelques situations peuvent encore présenter des difficultés.
🔜 Au contraire, la nouvelle mission attribuée à La Poste par l’article 1er pourrait être à l’origine d’un effet d’aubaine conduisant au désengagement des banques avant l’entrée en vigueur de la loi – un désengagement dont le poids financier serait in fine supporté par La Poste, malgré le fonds de garantie de la présence bancaire territoriale prévu à l’article 2.
🔜 Les recettes du fonds seraient divisées en trois composantes : les contributions volontaires des collectivités territoriales, une taxe sur les bénéfices des établissements bancaires et une contribution des établissements à l’occasion de la fermeture des DAB. 🔜 Ce mécanisme de financement est critiquable pour plusieurs raisons, l’adoption d’une nouvelle taxe est contestable en ce qu’elle ne concernerait pas les néobanques et risquerait de conduire à un renchérissement des services bancaires.
🔜 C’est toutefois le principe d’une contribution des banques à l’occasion de la fermeture d’un DAB qui paraît le plus problématique : elle frapperait les banques de façon indifférenciée selon l’endroit de fermeture. Or, si l’on peut estimer que la fermeture des DAB « solitaires » doit être découragée, il n’en va pas de même sur les territoires denses où cette fermeture n’aurait aucun impact sur l’accès aux espèces et où le versement d’une contribution serait donc injustifié. De même, faire contribuer aujourd’hui les banques qui ont maintenu une présence sans impliquer celles qui ont quitté les territoires depuis longtemps paraît injuste. L’anticipation de cette contribution renforcerait ainsi le désengagement territorial des banques, ce qui alourdirait la charge de La Poste.
🔜 Au total, le financement de ce nouveau fonds paraît inéquitable, mal réparti et trop mal défini pour soutenir de façon pérenne un élargissement des missions de La Poste qui, au demeurant, vise à remplir un objectif aujourd’hui largement satisfait.
Autant de raisons pour lesquelles je demanderai la suppression de ces articles en séance.

🕚 Dans la lignée du rapport sénatorial de mars 2021 sur l’avenir des missions de service public de La Poste, qui avait exclu toute nouvelle obligation légale de service public visant à garantir l’accès de la population aux DAB sur l’ensemble du territoire, il importe plutôt de privilégier d’autres solutions, comme le cashback, qui permet de retirer des espèces chez un commerçant lors d’un achat, et surtout – toujours en bon français – le cash-in-shop (25.000 points d’accès) qui permet à un établissement de crédit de mandater des commerçants partenaires pour délivrer de la monnaie à ses clients. Seuls quatre groupes bancaires proposent actuellement ce service, mais des travaux de Place sont menés pour permettre aux clients d’autres banques d’y accéder. Il est par ailleurs dans l’intention du Gouvernement d’orienter la révision de la directive « DSP2 » de façon à pouvoir inscrire l’universalisation de l’accès au cash-in-shop dans le droit français, ce qui est actuellement impossible.

​🕚 Au niveau de l’information, des carences sont bien observables au sujet de l’information relative au droit au compte. Introduit en 1984, le droit au compte permet à toute personne qui se voit refuser l’ouverture d’un compte auprès d’un établissement de crédit de saisir la Banque de France pour qu’elle désigne un autre établissement tenu de lui donner accès à des services bancaires de base. Mauvaise volonté des banques ou méconnaissance des procédures, 25 à 30 % des bénéficiaires du droit au compte indiquent avoir eu des difficultés à obtenir une lettre de refus d’ouverture de compte, alors qu’il s’agit d’une obligation pour l’établissement de crédit et d’un préalable obligatoire à la saisine de la Banque de France. De même, alors que l’établissement de crédit doit proposer à la personne à qui elle a refusé l’ouverture d’un compte d’agir pour son compte auprès de la Banque de France, cette procédure « simplifiée » ne concernait en 2021 que 5 % des demandes – signe probable d’un manque d’information des personnes concernées.
Je proposerai de renforcer le contenu de cette charte, de façon à ce qu’elle définisse les informations que devraient fournir les banques à leur clientèle sur les services rendus en matière d’inclusion bancaire par la Banque de France, mais aussi les informations relatives à la procédure de surendettement, au micro-crédit, à l’existence de l’offre spécifique. Cette charte pourrait aussi définir les conditions dans lesquelles certains professionnels sociaux, les « publics relais », pourraient bénéficier d’une formation pour qu’ils puissent informer les potentiels bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique.

🕚 L’article 4 prévoit que les plafonds spécifiques sur les frais d’incident réservés aux bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte soient proportionnels aux revenus. Ces plafonds sont actuellement de 4 euros par opération et 20 euros par mois : l’établissement d’une proportionnalité par rapport au revenu paraît dès lors trop complexe à mettre en œuvre. Elle supposerait par ailleurs la connaissance par la banque de l’ensemble des revenus de la personne, ce qui porterait atteinte à la confidentialité des données fiscales.
Toutefois, la mise en place de « sous-plafonds » pour les bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte dont la situation financière est la plus délicate semble envisageable par amendement, en se référant non pas au revenu mais au flux créditeur mensuel, bien connu des banques. La Banque Postale propose ainsi systématiquement l’offre spécifique aux clients dont le flux créditeur mensuel moyen est inférieur au seuil de pauvreté.

🕚 L’article 5 vise à introduire dans l’offre spécifique une autorisation de découvert sans frais, là encore proportionnelle aux revenus. J’exclus ici aussi l’introduction d’un dispositif de proportionnalité aux revenus. Par ailleurs, cette disposition est contestable non seulement en ce qu’elle pourrait faire courir le risque d’une spirale d’endettement, mais aussi en ce qu’elle introduirait un « droit au crédit » encore inexistant dans le droit français. L’établissement de crédit est en effet libre d’accorder ou non un crédit ou une autorisation de découvert.
En revanche, nombre de clients craignent de perdre leur autorisation de découvert au moment de souscrire l’offre spécifique : il pourrait à cet égard s’avérer utile de préciser explicitement dans la loi que ces deux phénomènes sont indépendants.

🕚 Enfin, afin d’éviter un report vers d’autres frais entraîné par les articles 4 et 5, l’article 6 prévoit que les frais bancaires soumis à la dénomination réglementaire existante sont limités, pour les bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique, au tiers des facturations appliquées par l’établissement de crédit, et sont plafonnés par mois et par opération en fonction du revenu des personnes.
La limitation des frais à un tiers des facturations paraît porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle des établissements de crédit et semble redondante avec les plafonds par mois et par opération proposés par ailleurs. Le plafonnement par mois semble, lui aussi, excessif dans la mesure où les frais bancaires mentionnés ici incluraient les frais de gestion. Néanmoins, l’introduction d’un simple plafonnement des frais par opération, dont le niveau serait fixé par le pouvoir réglementaire, et qui serait réservé aux bénéficiaires de l’offre spécifique ou du droit au compte, ne me paraît pas excessive. L’article 6 pourrait être utilement modifié en ce sens.

🕚 Au total, dans la mesure où nous ne sommes pas parvenus à un accord avec le groupe socialiste sur les articles qui me paraissent devoir être supprimés, j’ai demandé et obtenu le rejet du texte au stade de la commission. Il contient toutefois des dispositions qui me paraissent pouvoir être amendées au stade de la séance : si mes propositions étaient retenues, j’appellerais alors à son adoption.

🏛️ Outre le rapport de cette PPL, la journée a été marquée par la poursuite des auditions sur les AOM, avec SNCF Voyageurs, et les travaux en commission des finances avec le Président de la Cour des Comptes, Pierre Moscovici, autour de l’installation des agriculteurs et du projet de loi de programmation militaire.



Contact permanence
04 71 64 21 38
1 rue Pasteur, 15000 Aurillac
Contact
04 71 64 21 38
1 rue Pasteur, 15000 Aurillac