🚄SNCF : une situation toujours aussi atypique malgré un changement de statut et un État toujours aussi illisible dans sa politique de transports.

15 décembre 2021
▶️ L’actualité ferroviaire du moment est triple :
📍 Des annonces du Ministre des transports relatives au train de nuit,
📍 Une annonce hélas traditionnelle d’un mouvement de grève à la veille des vacances,
📍 Et un état du réseau ferroviaire toujours aussi inquiétant.
▶️ Tous ces éléments sont parfaitement en phase avec le diagnostic que nous avons posé avec mon collègue Hervé Maurey dans le cadre de notre mission de contrôle sur la situation financière de la SNCF et ses perspectives. Nous aurons l’occasion fin février 2022 de présenter nos propositions pour répondre à ces enjeux et tenter enfin de donner de donner de la lisibilité et de la cohérence à notre politique ferroviaire.
Revenons brièvement sur ces 3️⃣ sujets d’actualité dont il faut ni être dupe, ni ignorer la réalité.
1️⃣ Train de nuit:
Le Ministre des transports, Jean-Baptiste Djebbari, a présenté ce week-end les ambitions de l’Etat pour la réouverture des trains de nuit en France et en Europe. Ces annonces sont triplement trompeuses et décevantes:
📍Chacun sait d’abord que les retards accumulés sur les investissements dans le matériel roulant font qu’aujourd’hui il n’y a plus qu’un constructeur en Europe, en Autriche en l’occurrence, et qu’il n’y a donc aucune disponibilité en la matière. Par ailleurs, la rénovation des anciens wagons, qui ne bénéficie que d’un seul atelier en France et de peu de moyens, ne saurait palier l’absence de nouveaux matériels « modernes, confortables et sécurisés » comme le dit lui-même le Ministre.
📍Ensuite, et c’est sans doute la conséquence du point précédent, ces annonces sont faites avec une échéance fixée à 2030, autant dire qu’on se moque du monde. Quelle urgence à communiquer une enieme fois sur un sujet, alors qu’aucun engagement nouveau à court ou moyen terme n’est réellement pris?
📍Enfin, c’est un coup dur porté au Massif Central et au Cantal. C’est surtout une nouvelle remise en cause de la parole du Ministre des transports et du Premier Ministre, qui s’est engagé lors de son déplacement récent dans le Cantal. La carte jointe, telle que présentée par le Ministre lui même, le montre clairement et amèrement. Quelle crédibilité donnée à la parole publique dans ce cadre? Pour autant, nous allons nous battre et exiger du Premier Ministre qu’il tienne sa parole, à savoir de donner le calendrier de la réouverture du train de nuit Aurillac – Paris d’ici avril prochain. Nous verrons si cet engagement est tenu et surtout si le calendrier est acceptable pour un des territoires qui a le plus besoin de solutions de désenclavement, qu’elles soient ferroviaires, aériennes ou routières.
2️⃣ Un mouvement de grève inacceptable et d’un autre âge :
Rien dans la situation actuelle des cheminots ne justifient un tel mouvement de grève. Le dialogue social peut traiter des revendications salariales sans prendre en otage les usagers dans une sorte de réflexe pavlovien qui remonte à avant la réforme de la SNCF. En effet, aujourd’hui le statut a évolué, préservant les situations antérieures tout en adaptant le nouveau cadre à la concurrence et aux nouvelles exigences, mais aussi à la réalité actuelle du travail des cheminots. L’Etat, c’est à dire nous tous contribuables français, a repris 35 milliards de dette de la SNCF pour accompagner les réformes et la délester du poids du passé pour lui permettre de se moderniser et de relever les nouveaux défis d’une mobilité verte et accessible à tous. Nous sommes donc en droit d’attendre un nouveau mode de fonctionnement plus respectueux des usagers. Cela montre aussi combien nos observations sur les insuffisances d’un management toujours pas rénové au sein du groupe sont d’actualité. La gestion demeure encore trop en lien avec l’ancien statut, alors que de nouvelles souplesses ont été introduites pour répondre à la fois aux besoins de services et aux attentes nouvelles du personnel. Cette rénovation du management au sein du groupe sera une de nos préconisations fortes.
3️⃣ Enfin, les déclarations récentes de Luc Lallemand, PDG de SNCF Réseau, vient nous confirmer que le principal obstacle à la concurrence est l’état vieillissant du réseau ferroviaire français.
SNCF Réseau, la princpale des cinq sociétés anonymes composant le groupe SNCF, coiffe 28.100 kilomètres de lignes en France, 53.000 salariés, et un objectif annuel d’investissements de renouvellement de 3 milliards d’euros.
Après le frêt depuis 2006, plusieurs compagnies souhaitent entrer sur le marché français des voyageurs, et le rôle de SNCF Réseau est de leur attribuer des sillons horaires en toute impartialité.
Plus il y aura de trains qui circulent, plus SNCF Réseau percevra de péages supplémentaires. Plus il y aura de trains qui circulent, plus la contribution à la transition écologique sera forte.
La concurrence devient un fait, avec cette semaine Trenitalia sur Paris-Milan, et d’autres demain comme Transdev en région Paca, Railcoop ou Renfe.
Au titre de cette régénération et modernisation du réseau, la question se pose de savoir s’il ne faut pas aller plus loin dans la séparation des activités de SNCF Voyageurs et celles de Réseau, qui gardent des liens financiers qui interrogent. Le législateur a confié à Réseau une mission claire : celle d’assumer l’attribution des sillons et la tarification de l’infrastructure. Il s’agit d’assurer à tous les clients des décisions justes, impartiales et équitables. Ces principes de base sont appliqués depuis longtemps, et toutes les demandes de capacités de nouveaux acteurs sont examinées comme les autres.
Beaucoup s’inquiètent de savoir si la concurrence aura bien lieu, mais en réalité, on se trompe de cible : le principal obstacle au développement de la concurrence, c’est l’état vieillissant du réseau ferroviaire français. Car tous ces nouveaux entrepreneurs, il faut qu’ils puissent créer de la valeur pour leurs clients, avec des temps de parcours intéressants par rapport à la voiture, et sans aléas techniques sur les voies. La responsabilité de Réseau, mais aussi de l’Etat, est de remettre le réseau en état. D’autant qu’en France, le prix élevé des péages ferroviaires sur le réseau TGV est un paradoxe et un frein. En effet en France, l’Etat a considéré comme modèle de financement que la régénération se ferait sur la base de la marge opérationnelle générée par Réseau. Cependant, les péages en France sont plutôt dans le peloton de tête en Europe, et les nouveaux entrants, comme SNCF Voyageurs, trouvent cela cher.
Pour continuer à réduire les coûts et accroître la productivité, nous avons insisté sur la nécessité de financer par-delà la nécessaire régénération des voies deux programmes majeurs de modernisation :
📍 Celui dit de « Commande centralisée du Réseau », qui permettrait de réduire le nombre de postes d’aiguillages pour passer des 2200 actuels à 15, comme chez nos boisins allemands ou suisses, et ainsi limiter les coûts de maintenance et supprimer des technologies datant de l’après-guerre.
📍 Celui du système européen de gestion du trafic ferroviaire (en anglais, European Rail Traffic Management System, ERTMS) qui est une initiative européenne qui vise à harmoniser la signalisation ferroviaire en Europe. Celle-ci permet de davantage densifier le trafic sur les voies et donc d’accroître l’offre et la desserte. Ce sont là plus de 30 milliards d’euros qu’il va falloir mobiliser sans évoquer par ailleurs, plusieurs grands projets de LGV qui s’annoncent, comme les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, ainsi que Montpellier-Perpignan, en contradiction totale avec les annonces du Gouvernement de 2018 mettant fin au tout TGV et privilégiant enfin nos moyens sur les voies de desserte du territoire.
C’est un point d’incohérence qu’il faudra très vite levé.
▶️ Toutes ces questions vont se retrouver dans le nouveau « contrat de performance » entre Réseau et l’Etat, attendu de longue date et qui doit être bientôt signé. Il semble déjà décevant puisque n’opérant toujours aucun choix en termes de stratégies d’investissement et avec un niveau d’enveloppe inférieur à 3 milliards d’euros par an, toujours aussi déconnecté des moyens nécessaires. Ce n’est pas avec cela que l’on parviendra à stopper le vieillissement du réseau qui doit garder un objectif fort d’aménagement du territoire et de développement du frêt.
▶️ Nous aurons l’occasion de revenir sur ces points dans nos propositions, avec comme clé de voûte la question du financement du réseau pour répondre à une triple ambition:
📍Celle du développement à des tarifs accessibles et transparents pour tous les usagers,
📍Celle du maillage fin du territoire,
📍Celle de développement du frêt qui a besoin de sillons et ne peut rester la variable d’ajustement des travaux qui limitent l’usage du réseau.
C’est sans doute un des enjeux majeurs du prochain mandat présidentiel.
Retrouvez mon ci-dessous mon interview télévisée sur la Chaîne Public Sénat :
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