La Loi 3DS devait répondre, après la crise des « gilets jaunes » et à l’issue du Grand débat, à l’engagement pris par le Gouvernement d’un acte fort de décentralisation, après un début de mandat qui avait assez largement ignoré les territoires et les élus locaux. Ce texte manque d’ambition et de souffle, nous l’avons dit depuis le début de son examen.
Il n’ouvre pas une nouvelle étape de décentralisation et de confiance faite aux territoires, alors que nous avons plus besoin que jamais de proximité, de débureaucratisation et d’efficacité de l’action publique.
Le Sénat a donné une impulsion plus forte au projet de loi lors de son examen, un élan décentralisateur en phase avec les propositions pour le plein exercice des libertés locales que le Sénat avait formulées. Les principales avancées adoptées lors de la Commission Mixte Paritaire (CMP) dont est issu le texte final soumis à l’Assemblée nationale et au Sénat les 8 et 9 février, sont résumés ci-après et proviennent des travaux du Sénat. Elles ne sont pas négligeables et elles permettront sans doute de régler quelques sujets importants. Ce texte a été adopté et il lui reste à être promulgué.
Pour autant, pour ma part j’ai décidé de ne pas voter ce texte pour deux
raisons.
La première est une question de principe. Ce texte ne répond pas à l’absolu besoin de Décentralisation que notre pays réclame. C’est un des sens premiers de mon engagement et je ne peux me résoudre à adopter un texte aussi peu ambitieux qui ne donne ni liberté nouvelle, ni responsabilité accrue, aux territoires et aux élus.
La deuxième raison est très pragmatique et correspond à une « ligne rouge » qui est aussi un engagement politique. Je ne peux voter un texte qui maintient la date fatidique et obligatoire du transfert de la compétence « eau » et « assainissent » des communes aux intercommunalités en 2026, même si des assouplissements ont été introduits, notamment quant au maintien par défaut des syndicats infra-communautaires.
Fidèle à mon engagement de clarté et de cohérence, j’ai voulu vous en rendre compte et m’en expliquer. Il importe désormais d’obtenir dans le prochain quinquennat la mise en œuvre d’un véritable acte de décentralisation politique, de différenciation territoriale et de vraie simplification.
Vous trouverez ci-dessous les principaux éléments les objectifs votés par le Parlement dans cette loi.
DIFFÉRENCIER LES POLITIQUES LOCALES POUR LES ADAPTER
AUX RÉALITÉS TERRITORIALES
- Acter l’existence d’un principe de différenciation dans la loi
Définir et inscrire dans la loi le principe de différenciation ;
Permettre aux collectivités de formuler des propositions de modifications législatives ou règlementaires pour donner corps au principe de différenciation ;
- Assouplir le cadre rigide des relations entre collectivités
Permettre aux communes de transférer « à la carte » des compétences à leur intercommunalité́ ;
Soumettre l’exercice de la compétence « voirie » à un intérêt communautaire ou métropolitain dans les communautés urbaines et les métropoles ainsi que pour la compétence « cimetières » dans les communautés urbaines ;
Ouvrir aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité́ propre la possibilité́ de déléguer leurs compétences aux Départements et Régions ;
Permettre aux élus locaux de fixer eux-mêmes la composition des conférences territoriales de l’action publique (CTAP) ;
- Doter les collectivités territoriales de moyens concrets pour donner corps à la différenciation
Renforcer le pouvoir règlementaire des collectivités, outil concret de différenciation des politiques territoriales ;
Élargir les possibilités de restitution aux communes de la compétence « tourisme » ; Élargir les possibilités de transfert entre collectivités territoriales de la maitrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement du domaine routier ;
Favoriser le maintien des syndicats infra-communautaires et l’association des communes à la gouvernance des compétences « eau » et « assainissement » ;
Faciliter le financement des compétences « eau » et « assainissement » par les communes et EPCI à fiscalité́ propre ;
Rénover le fonctionnement de la Métropole Aix-Marseille-Provence, notamment pour restituer à ses communes membres des compétences de proximité́ ;
ACCENTUER LA DÉCENTRALISATION POUR DONNER TOUTE SON AMPLEUR
AU PRINCIPE DE SUBSIDIARITÉ
- Logement
> Loi SRU
Pérenniser et adapter la loi relative à la solidarité́ et au renouvellement urbain (SRU) pour permettre à un plus grand nombre de communes d’atteindre les objectifs à terme, la date butoir de 2025 étant supprimée ;
Mettre fin à la reprise par le Préfet du droit du maire d’attribuer des logements sociaux et restitution au cas par cas, à la demande du maire, du droit de préemption et de l’attribution des permis de construire, dans le cadre des sanctions prévues par la loi SRU. La majoration automatique de 100 % des pénalités en cas de 2e carencement est supprimée ;
Conclure un contrat de mixité́ sociale (CMS) entre le Maire et le Préfet, sans avis ou veto de la Commission nationale SRU, pour adapter les objectifs sur une période pouvant aller jusqu’à neuf ans. Un CMS peut être maintenu au-delà̀ de cette durée pour les communes de moins de 5 000 habitants ou souffrant d’un taux d’inconstructibilité de leur territoire urbanisé compris entre 30 % et 50 %. Le CMS prend en compte les difficultés rencontrées par les communes et les besoins d’intérêt général identifiés ;
Créer une possibilité́ de mutualisation intercommunale des objectifs de la loi SRU ;
> Attributions de logements
Fixer dans la convention intercommunale d’attribution un objectif d’attribution aux personnes exerçant une activité́ professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité́ de la vie de la Nation, c’est-à-dire intégrer les travailleurs-clefs à la politique d’attribution des logements sociaux ;
Protéger les résidences fragiles en permettant de ne pas y attribuer de logements sociaux à des ménages qui aggraveraient les difficultés identifiées ;
Considérer comme prioritaires les personnes handicapées ne disposant pas d’un logement social adapté ;
> Autres dispositions
Prolonger et préciser l’expérimentation de l’encadrement des loyers tout en permettant à d’autres villes de candidater ;
Reconnaitre un EPCI comme autorité́ organisatrice de l’habitat ;
- Urbanisme
Conforter l’action des établissements publics fonciers d’État, mais aussi locaux, en facilitant leur extension à de nouveaux territoires ;
Faciliter la transformation des résidences de tourisme pour revitaliser les centre-bourgs des zones touristiques ;
Prolonger de six mois les délais pour modifier les documents d’urbanisme en application des mesures de la loi Climat et résilience vers le «ZAN» (zéro artificialisation nette) ;
- Transports
Garantir un transfert des routes nationales concerté et respectueux des compétences des départements en la matière ;
Faciliter le transfert des petites lignes ferroviaires en garantissant la transmission à la Région des règles de maintenance et sécurité́ nécessaires à l’exercice de ses missions ;
Transférer temporairement aux collectivités et aux groupements volontaires la maitrise d’ouvrage d’opérations d’aménagements routiers ;
Permettre aux collectivités et à leurs groupements d’installer des radars automatiques sur leur domaine routier ;
- Énergie
Renforcer dans le plan local d’urbanisme (PLU) les prérogatives du maire en matière d’implantation d’éoliennes ;
- Aménagement
Renforcer le rôle des Régions en matière d’aménagement aéroportuaire, en y dédiant un volet du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’Egalité des territoires (SRADDET) ;
Déléguer aux Régions volontaires tout ou partie des fonds « chaleur » et « économie circulaire » de l’Agence de transition écologique (ADEME) ;
Renforcer le rôle du Conseil Départemental dans la création de sites Natura 2000 ;
Attribuer aux présidents de conseils départementaux et régionaux une autorité́ fonctionnelle sur les gestionnaires de collèges et de lycées ;
Donner corps à la compétence de garant des solidarités territoriales du Département en prévoyant la création d’un schéma de solidarité́ territoriale ;
Protéger les chemins ruraux en facilitant leur entretien et en luttant contre leur disparition ;
- Social
Engager la réflexion sur le nécessaire transfert de la médecine scolaire aux conseils départementaux ;
Renforcer la place des représentants des collectivités territoriales dans la gouvernance des agences régionales de santé (ARS) ;
Sécuriser la participation financière des collectivités territoriales aux investissements des établissements de santé ;
Donner compétence au département pour coordonner le développement de l’habitat inclusif et l’adaptation des logements au vieillissement de la population ;
- Économie
Élargir les possibilités d’octroi par les Départements, en complémentarité́ avec les Régions, d’aides financières à la filière halieutique ;
Renforcer les prérogatives des Régions en matière de coordination des acteurs du service public de l’emploi ;
Ouvrir la possibilité́ aux intercommunalités de porter des accords aménageant les horaires d’ouverture des commerces de centre-ville ;
- Représentation des élus locaux au sein d’instances locales
Améliorer la représentation des élus locaux, notamment des maires ruraux, au sein des CTAP, de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), du conseil d’administration de l’ADEME et des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ;
Améliorer la représentation des élus municipaux et intercommunaux au sein des commissions départementales des impôts directs ;
RENFORCER L’ÉTAT TERRITORIAL, EN PARTICULIER AU NIVEAU DU DÉPARTEMENT
Renforcer le rôle du Préfet de Département dans l’attribution de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) ;
Faire du Préfet de Département le délégué́ territorial de l’Office français de la biodiversité́ (OFB) et du Préfet de Région le délégué́ territorial de l’ADEME ;
Garantir un droit d’information des collectivités territoriales en cas de fermeture de services publics territoriaux ;
Renforcer le rôle du Préfet de département dans la gouvernance des agences de l’eau ;
Expérimenter, dans les Départements volontaires, la recentralisation du financement, de l’attribution et du contrôle du revenu de solidarité́ active (RSA) ;
SIMPLIFIER LES NORMES ENSERRANT L’ACTION PUBLIQUE SUR LE TERRAIN, EN PARTICULIER CELLES APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
- Offrir aux élus siégeant au sein d’organismes extérieurs un cadre juridique clair et sécurisé́
Poser en principe que les élus qui, en application de la loi, représentent leur collectivité́ auprès d’un organisme extérieur ne sont pas en situation de conflit d’intérêts ou de prise illégale d’intérêt lorsque leur collectivité́ délibère sur ses relations avec l’organisme ;
Fixer des règles de déport claires et limitées pour les élus concernés ;
- Entreprises publiques locales : concilier contrôle et souplesse
Renforcer le contrôle des collectivités actionnaires sur les risques financiers pris par les entreprises publiques locales (SEM, SPL…) sans entraver le fonctionnement de celles-ci ;
Fixer le statut des élus qui siègent au conseil d’administration de filiales d’entreprises publiques locales ;
- Transparence de la vie publique : veiller à la proportionnalité́ des règles
Alléger les obligations déclaratives des élus locaux auprès de la Haute Autorité́ pour la transparence de la vie publique (HATVP) :
- – remplacer l’obligation de déposer une nouvelle déclaration d’intérêts auprès de la HATVP moins de six mois après une précédente déclaration par une simple mise à jour ;
- – dispenser les élus qui quittent leurs fonctions après moins de deux mois de l’obligation d’adresser à la HATVP des déclarations de situation patrimoniale et d’intérêts ;
Relever de 20 000 à 100 000 habitants le seuil d’application des obligations déclaratives des représentants d’intérêts auprès des communes et EPCI (« registre des lobbyistes ») ;
- Mettre les outils numériques au service d’une action publique plus efficace
Élargir les échanges de données entre administrations, afin de simplifier les démarches de l’usager et mieux garantir l’attribution de ses droits ;
Permettre la mutualisation de la gestion des archives publiques dont les archives numériques, au bénéfice, notamment, des collectivités territoriales ;
- Encourager la coopération transfrontalière entre collectivités territoriales
Promouvoir la coopération sanitaire transfrontalière ;
Permettre et encourager le développement de l’apprentissage transfrontalier ;
Autoriser les collectivités territoriales étrangères à participer au capital de sociétés publiques locales (SPL) françaises, quel qu’en soit l’objet social ;
- Moderniser le cadre de la gouvernance des collectivités territoriales
Encourager la participation démocratique locale sans alourdir la charge procédurale pour les collectivités territoriales ou leurs groupements ;
Faciliter l’usage de la visioconférence pour les réunions des organes délibérants des EPCI à fiscalité́ propre, départements et régions ;
Attribuer aux chambres régionales des comptes un rôle d’évaluation des politiques publiques territoriales ;
Renforcer la portée des avis du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) et en assouplir le fonctionnement ;
- Assouplir les conditions de gestion et de financement des projets des collectivités territoriales
Ouvrir la faculté́ pour les Régions et les autorités organisatrices de la mobilité́ de confier par convention de mandat à des tiers, notamment des plateformes de prêts d’honneur l’encaissement et le paiement de certaines recettes et de certaines dépenses ;
Étendre les facultés des collectivités territoriales et de leurs groupements à recourir au financement participatif pour financer leurs investissements ;
- Renforcer l’effectivité́ des pouvoirs de police administrative des Maires et Présidents d’Intercommunalité́
Permettre aux agents de police municipale, aux agents spécialement assermentés par les communes et aux gardes champêtres d’exécuter les décisions prises par le Président de l’intercommunalité́ pour l’exercice des pouvoirs de police transférés par les maires ;
Placer les agents des services communs des intercommunalités et des communes membres sous l’autorité́ fonctionnelle du Président de l’EPCI ou du maire en fonction de la mission exécutée ;
- Sécuriser l’action des communes en matière de droit funéraire
Assouplir les conditions de reprise des concessions en état d’abandon et de transport de corps ;
Préciser le statut des métaux issus de la crémation et simplifier les règles applicables aux opérateurs funéraires ;
- Assouplir l’application de normes pesant sur l’action des collectivités
Allègement de la responsabilité́ des propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public ;
Transfert de la propriété́ des canalisations de gaz naturel, des propriétaires vers le gestionnaire du réseau public de transport de gaz naturel, en 2026 au plus tard pour les cas les plus complexes et dès 2023 pour les autres ;
Mieux associer les maires à la procédure d’autorisation pour porter atteinte à un alignement d’arbres et simplifier ladite procédure pour les arbres malades ;
Faciliter l’acquisition des biens sans maitre et des biens en état manifeste d’abandon ;
ADAPTER LES POLITIQUES PUBLIQUES AUX SPÉCIFICITÉS DES TERRITOIRES ULTRA-MARINS
Créer un état de calamité naturelle exceptionnelle outre-mer pour mieux faire face aux crises ;
Créer un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) compétent en matière de formation professionnelle dans chacune des Régions d’outre-mer ;
Ouvrir aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) la possibilité́ de recourir au financement participatif ;
Accélérer l’opération d’intérêt national en cours en Guyane en facilitant la cession d’immeubles de l’État à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane (EPFAG)
Adapter l’organisation des Conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) en Guyane et Martinique aux spécificités locales ;
Confier aux communes de Nouvelle-Calédonie la compétence « bornes de recharge électrique » et permettre son transfert facultatif aux EPCI ;
Permettre aux officiers de marine de constater les infractions en matière environnementale en Nouvelle-Calédonie ainsi qu’en Polynésie Française ;
Associer les maires au congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe ;
Créer un statut spécifique à Clipperton.