Proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires

3 mai 2023

🏛️🏛️🏛️ Accessibilité et inclusion bancaires : le Sénat a adopté, en première lecture, la proposition de loi visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires, présentée par Rémi Féraud, Jean-Claude Tissot et plusieurs de leurs collègues, dont j’étais rapporteur au nom de la commission des finances, après les modifications profondes mais fidèles à l’esprit que j’ai proposées d’y apporter.

🏛️ Dans un contexte marqué par l’inflation et par la tentation d’une renonciation aux espèces, qui frapperait d’abord les ménages les plus pauvres, nous avons examiné cet après-midi en séance la proposition de loi de nos collègues Rémi Féraud et Jean-Claude Tissot, visant à renforcer l’accessibilité et l’inclusion bancaires.
Ce texte, qui propose notamment de faciliter l’accès aux distributeurs automatiques de billets et de redéfinir les modalités de plafonnement de certains frais bancaires pour les plus fragiles, a été examiné dans les conditions du gentleman’s agreement. Avec les auteurs, nous avons acté que les points de divergence entre nous étaient trop importants, ce qui a mené au rejet du texte en commission. Nous avons donc examiné la proposition de loi dans sa version initiale.

🏛️Elle vise d’abord à confier à la Poste une nouvelle mission de couverture territoriale en distributeurs automatiques de billets (DAB) à La Poste – c’est l’article 1er – financée par un fonds chargé de garantir leur accès en moins de quinze minutes – c’est l’article 2. Nous avons supprimé ces articles, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, on n’observe pas de dégradation de l’accessibilité aux DAB, puisque plus de 99 % de la population vit à moins de 15 minutes en voiture d’un DAB (il y en a 48.000 en France) : l’objectif visé est donc largement satisfait. Au contraire, la nouvelle mission attribuée à La Poste par l’article 1er pourrait être porteuse d’un effet d’aubaine conduisant au désengagement des banques avant l’entrée en vigueur de la loi. Le rapport sénatorial de mars 2021 sur l’avenir des missions de service public de La Poste de nos collègues Chaize, Louault et Cardon, avait d’ailleurs exclu toute nouvelle obligation légale de service public visant à garantir l’accès de la population aux DAB sur l’ensemble du territoire. D’autant que d’autres solutions d’accès aux espèces existent et en particulier le « cashing-shop » permettant déjà dans un réseau de 25.000 commerces d’accéder à du cash. Le travail en cours pour permettre l’interoperabilité du système entre banques va encore y contribuer davantage.

🏛️ L’article 2 crée un fonds de garantie de la présence bancaire territoriale pour financer la nouvelle mission de La Poste : nous l’avons logiquement supprimé, d’une part parce qu’ayant supprimé l’article 1er il n’aurait plus d’objet, d’autre part en raison de modalités de financement critiquables. Outre les contributions volontaires des collectivités, les recettes de ce fonds comprendraient en effet une taxe sur les bénéfices des établissements bancaires et une contribution des établissements à l’occasion de la fermeture des DAB. Concernant la taxation des bénéfices des établissements bancaires, pour laquelle aucun taux n’est prévu, celle-ci ne concernerait pas les néobanques et risquerait de conduire à un renchérissement des services bancaires. C’est toutefois la contribution des banques à l’occasion de la fermeture d’un DAB qui est la plus problématique : elle frapperait les banques de façon indifférenciée selon l’endroit de fermeture. De même, faire contribuer aujourd’hui les banques qui ont maintenu une présence sans impliquer celles qui ont quitté les territoires depuis longtemps serait injuste.
Au total, le financement de ce nouveau fonds paraît inéquitable, mal réparti et trop mal défini pour soutenir de façon pérenne un élargissement des missions de La Poste qui, au demeurant, vise à remplir un objectif aujourd’hui largement satisfait.

🏛️Nous avons aussi supprimé l’article 7, qui vise à imposer à la commission des sanctions de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) le prononcé d’une sanction pécuniaire à l’encontre de l’établissement de crédit qui ne respecterait pas ses obligations en matière de droit au compte ou qui n’appliquerait pas la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement. Cette disposition serait en effet excessive : la commission des sanctions de l’ACPR – qui est une autorité indépendante – doit pouvoir rester souveraine dans le choix de la sanction la plus adaptée, dans un cadre contradictoire bien établi. Elle est aussi superfétatoire puisque la commission des sanctions dispose, y compris sur les sujets liés au droit au compte, d’un pouvoir de sanction pécuniaire dont elle a déjà fait usage.

🏛️Les articles 3 à 6 visent à enrichir l’information sur le droit au compte et l’offre spécifique ainsi qu’à réduire les frais bancaires des publics les plus fragiles. L’article 3 prévoit que la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement définit les conditions d’affichage au sein des agences bancaires de l’information relative au droit au compte et à l’existence de l’offre spécifique.
Cet article a pour objectif d’améliorer l’information des clientèles fragiles et du public. J’y souscris. L’information à disposition des clientèles fragiles présente en effet des lacunes, et nombreux sont nos compatriotes qui n’ont pas accès à des services adaptés à leurs besoins, faute de les connaître.
J’ai donc proposé de prolonger la réflexion de nos collègues auteurs de la proposition de loi sans en altérer l’esprit. Nous avons ainsi élargi le champ des informations que les banques seront tenues de fournir au public et aux personnes fragiles, pour inclure, outre les informations sur le droit au compte et l’offre spécifique, des informations sur la procédure de traitement du surendettement, le microcrédit, l’exercice du droit d’accès aux fichiers gérés par la Banque de France et les moyens de la contacter sur l’ensemble de ces sujets. La charte préciserait également les modalités de diffusion de cette information, par leur affichage en agence bancaire ou d’autres moyens selon ce qui paraît le plus pertinent. Enfin, cette charte devrait aussi définir les conditions de formation de certains professionnels sociaux, les « publics relais », afin de leur permettre d’orienter et d’accompagner aux mieux les potentiels bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique.

🏛️ L’article 4 prévoit que les plafonds spécifiques sur les frais d’incident réservés aux bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte soient proportionnels aux revenus, ce qui paraît trop complexe à mettre en œuvre et supposerait par ailleurs la connaissance par la banque de l’ensemble des revenus de la personne, portant ainsi atteinte à la confidentialité des données fiscales. j’ai proposé la mise en place de « sous-plafonds » pour les bénéficiaires de l’offre spécifique et du droit au compte dont la situation financière est la plus délicate.

🏛️L’article 5 vise à introduire dans l’offre spécifique une autorisation de découvert sans frais, là encore proportionnelle aux revenus. Outre le problème de la proportionnalité, cette disposition est contestable non seulement en ce qu’elle pourrait faire courir le risque d’une spirale d’endettement, mais aussi en ce qu’elle introduirait un « droit au crédit » encore inexistant dans le droit français. L’établissement de crédit est en effet libre d’accorder ou non un crédit ou une autorisation de découvert. En revanche, nombre de clients craignent de perdre leur autorisation de découvert au moment de souscrire l’offre spécifique : un amendement de la commission propose de préciser dans la loi que ces deux phénomènes sont indépendants.

🏛️Enfin, afin d’éviter un report vers d’autres frais entraîné par les articles 4 et 5, l’article 6 prévoit que les frais bancaires soumis à la dénomination réglementaire existante sont limités, pour les bénéficiaires du droit au compte et de l’offre spécifique, au tiers des facturations appliquées par l’établissement de crédit, et sont plafonnés par mois et par opération en fonction du revenu des personnes. La limitation des frais proposée paraissait porter une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle des établissements de crédit et semble redondante avec les plafonds par mois et par opération proposés par ailleurs. Néanmoins, l’introduction d’un simple plafonnement des frais par opération, dont le niveau serait fixé par le pouvoir réglementaire, et qui serait réservé aux bénéficiaires de l’offre spécifique ou du droit au compte, ne me paraît pas excessive. J’ai présenté un amendement en ce sens, qui encore était enrichi en séance.

🏛️ Au total, le texte poursuit des objectifs louables et des orientations intéressantes.
J’ai écarté les propositions d’accessibilité territoriale car c’est déjà largement satisfait même si des ajustements pourraient être envisagés si les réseaux bancaires ne jouaient pas la carte de la couverture territoriale.
J’ai proposé d’enrichir et de rendre plus efficaces les mesures en faveur de l’inclusion bancaire pour que nul ne soit hors du champ et surtout pour alléger les coûts pour les publics les plus fragiles.
Je me réjouis que les propositions de la commission de finances que j’ai portées aient été retenues.
Cela a permis l’adoption d’un texte, pourtant profondément modifié, par l’ensemble des groupes politiques du Sénat y compris par les dépositaires du texte initial qui en ont accepté les modifications.

🏛️ Un grand merci à mes collègues pour leur confiance et aux administrateurs du Sénat pour leur travail d’accompagnement.
🏛️ Une très belle satisfaction d’avoir pu conduire ce travail parlementaire sur le fond, dans le dialogue et l’écoute, mais aussi le respect d’un cadre législatif, pour aboutir à un projet équilibré et utile. La navette parlementaire avec l’Assemblée nationale est enclenchée.




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