P.L.F 2023 : quelles réponses pour les collectivités territoriales.

28 septembre 2022
🔻 Les premiers retours du questionnaire que j’ai adressé aux communes pour mesurer l’impact de l’inflation pour les collectivités locales du Cantal, montrent qu’il est encore difficile de vraiment le mesurer pleinement même s’il est d’ores et déjà bien réel : offre unique de fournisseurs d’énergie, coût multiplié par 3, poids variable au sein du budget mais sensible (parfois plus de 25%… Certaines communes ont déjà fait des choix de gestion pour s’adapter au contexte : extinction partielle de l’éclairage public, choix de LED, baisse de chauffage, engagement de travaux d’amélioration de performance énergétique ou études en cours pour les faire… L’impact de la hausse des carburants est aussi conséquent, tout comme la difficulté à réaliser des investissements avec des niveaux de dépenses en hausse sans réajustement des subventions. Même si les retours sont encore partiels (environ 15% des communes), ils donnent déjà des indications et confirment la nécessité d’accompagner les communes pour leur permettre de conserver un niveau d’autofinancement suffisant, leur permettant de continuer à investir. Je reviendrai plus en détail sur l’analyse de ces retours.
🔻Cela confirme déjà la nécessité, par-delà les mesures conjoncturelles de 2022, de prévoir de nouveaux accompagnements en 2023 et de construire des réponses plus structurelles pour garantir notre maillage territorial et une réelle capacité d’action de nos communes. Il importe donc d’examiner de près les mesures majeures concernant les collectivités du projet de loi de finances pour 2023, présenté hier en conseil des ministres puis à la commission des finances du Sénat. Le secteur local devra bien participer à l’effort de redressements des comptes publics via des pactes de confiance, mais pas à n’importe quel prix ni sans conditions.
🔻Suppression de la CVAE (Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises) :
Le PLF propose la disparition de la CVAE pour alléger les impôts de production qui pèsent sur nos entreprises, en France plus qu’ailleurs. La suppression de la CVAE se fera pour des raisons budgétaires en deux fois (2023 et 2024), représentant deux parts égales de l’ordre de 4 Md€ (moitié Départements, moitié bloc communal). Après de nombreux échanges avec les associations d’élus et les parlementaires, le Gouvernement a prévu de compenser la suppression de la CVAE en retenant la moyenne des trois dernières années et en lui appliquant la dynamique de la TVA dans les années à venir. Dans le souci de garder un lien avec l’attractivité économique des territoires, il est proposé de prendre comme critère les bases de CFE, qui sont aujourd’hui l’un des critères de répartition de la CVAE. Afin de respecter les demandes formulées par chaque strate, il est possible qu’il y ait une distinction dans la compensation entre les départements et le bloc communal. La vigilance sera de mise lors des débats au Senat pour garantir la dynamique et la territorialisation de la compensation.
🔻Nouveau fonds vert :
Le gouvernement a annoncé un fonds vert doté de 1,5 Md€ de crédits nouveaux, dont on a besoin collectivement, Etat et collectivités locales, d’investir plus fort pour la transition écologique. Ce fonds soutiendra des projets concrets liés à la transition écologique et devra être simple d’accès et d’utilisation. C’est la raison pour laquelle le fonctionnement par appel à projets ne devrait pas être retenu, mais une mise en œuvre simple, déconcentrée, avec les préfets comme interlocuteurs des collectivités. Le Gouvernement confirme qu’il s’agit bien de crédits nouveaux pour les collectivités. C’est une enveloppe distincte de la DSIL, mais qui pourra s’appuyer sur les CRTE. Il faudra bien s’en assurer pour éviter l’effet d’annonce et le réel accompagnement des collectivités dans la transitins énergétique.
🔻Réponse face à l’inflation :
L’un des principaux soucis des collectivités concerne l’inflation (cf. Retour des questionnaires communaux).
📍Un bouclier tarifaire a été voté, notamment à l’initiative du Sénat, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2022, qui devrait concerner 30.000 collectivités, soit plus de 80 % d’entre elles. Cela devra toutefois être vérifié lors de l’application effective sur la base des CA 2022. Toutes les collectivités font face à une augmentation des prix de l’énergie, des prix de l’alimentation pour les cantines, qui peuvent entraîner des difficultés pour certaines. Et c’est tout le sens du filet de sécurité qui a été voté cet été : identifier les collectivités pour lesquelles les difficultés sont les plus importantes et les accompagner. Il y a deux critères d’entrée : la capacité d’autofinancement à la fin de l’année 2021, et la perte de capacité d’autofinancement dans le courant de l’année 2022. Pour ces communes-là, l’aide pourra aller jusqu’à 70 % de l’augmentation du prix de l’électricité, du gaz ou de l’alimentation, et 50 % de l’impact du point d’indice.
📍Pour 2023, la première aide qu’il convient d’apporter aux collectivités locales dans le contexte de l’inflation, c’est de faire baisser les prix de l’électricité et du gaz sur le marché. Certaines collectivités doivent renouveler des contrats et cela les met en risque, face à des prix augmentant de 150, 200 ou 300 %. Le Gouvernement les invite à attendre le plus possible avant de signer leur contrat, le temps qu’il agisse au niveau européen pour refroidir le marché. Un conseil européen de l’énergie doit se tenir le 30 septembre à ce titre, notamment pour revoir le mécanisme de fixation du prix de l’électricité et le décorréler du prix du gaz pour faire baisser les prix sur les marchés. Ensuite, en fonction de la situation, il conviendra de voir comment agir. Pour ma part, j’entends revendiquer l’application du tarif réglementé aux collectivités afin de réduire leurs coûts.
Cette question reste encore un angle mort et pourtant essentiel du PLF 2023. J’y reviendrai.
🔻La DGF:
La demande d’augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF), jusqu’à son alignement sur l’inflation, serait souhaitable. Elle n’est pas prévue à ce stade, mais nous pourrions l’introduire par amendement. Le Gouvernement ne travaille à cette heure qu’à un dispositif de sanctuarisation, non pas uniquement au niveau global et national, mais aussi plus protecteur au niveau individuel. Il s’agit de garantir une sanctuarisation de la DGF au niveau individuel tout en permettant un soutien aux dotations de solidarités urbaines et rurales (DSU et DSR) sans passer par un écrêtement de la DGF. C’est tout l’enjeu de l’adaptation de l’enveloppe normée.
🔻Les autres dotations :
Les transferts financiers de l’Etat seraient aussi sanctuarisés. Les dotations de soutien à l’investissement local de droit commun (DSIL, DETR, DPV et DSID) sont maintenues à un niveau de 2 milliards d’euros en autorisation d’engagement.
Le FCTVA n’est pas réformé, même si des ajustements de dépenses éligibles sont envisagés. La question de la contemporaineisation sera sans doute encore posée par amendements.
🔻Le pacte de confiance :
Dans les années qui viennent, on a besoin d’investir massivement dans notre pays, notamment pour la transition écologique, Etat et collectivités main dans la main. Il faut donc garder des marges de manœuvre pour investir, sans accroître les déficits, la dette, ni augmenter les impôts. Il est tout de même « amusant » que ce soit l’Etat qui le dise… Il faut donc réduire la voilure sur les dépenses de fonctionnement pour dégager les marges de manœuvre nécessaires.
📍L’Etat a ainsi prévu, dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques 22 – 27 que, sur la durée du quinquennat, l’Etat et les collectivités modèrent la hausse de leurs dépenses de fonctionnement. Les Contrats de Cahors n’avaient pas, dans leur application et dans leur fonctionnement, reçu une très grande adhésion de la part des collectivités qui y étaient soumises. Il est donc proposé qu’ils cèdent leur place aux pactes de confiance. Ainsi, la loi de programmation des finances publiques fixe un objectif de dépenses locales traduisant ce qu’il y a dans le programme de stabilité, et qui nous permet de revenir sous les 3 % de déficit en 2027, la France étant le dernier pays européen à le faire. Il s’agit d’introduire une modération de la progression des dépenses de fonctionnement à hauteur de l’inflation moins 0,5 % sur la durée du quinquennat. Ce qui veut dire que les dépenses de fonctionnement des collectivités vont tout de même continuer à augmenter.
📍Après l’année 2023, l’Etat regardera si cet objectif a été tenu au niveau de chaque catégorie de collectivités. Si on constate que, globalement, la catégorie a tenu l’objectif, quand bien même certains auraient dépensé plus et d’autres un peu moins, à ce moment-là, on verra que le contrat de confiance a fonctionné et il ne se passera rien. Mais, si on constate que pour une catégorie de collectivités locales, l’objectif n’est pas tenu, on regardera au sein de cette catégorie et parmi les 500 plus grandes collectivités, c’est-à-dire celles ayant un budget supérieur à 40 millions d’euros, les collectivités qui ont poussé au débordement. A ce moment-là s’engagerait d’abord une analyse des structures de la dépense de fonctionnement de cette collectivité, puis un travail pour un retour à une trajectoire financière de maîtrise des dépenses de fonctionnement avec le représentant de l’Etat.
📍Chacun est bien conscient de la nécessité de garder des marges de manœuvre pour investir et que l’autofinancement est primordial. Pour autant, il ne s’agit pas d’accepter un quelconque retour à la tutelle. On anticipe dans le projet de loi de finances pour 2023 une inflation à 4,3 %. Donc cela signifie que la progression attendue des dépenses de fonctionnement doit être de 3,8 %. C’est l’inflation moins 0,5 %. Cet objectif semble très en deça de la réalité et pourrait être réajusté.
📍Ensuite, il faut qu’il y ait un cadre qui s’installe pour que, si jamais des collectivités et des strates ne font pas l’effort de maîtrise de la hausse de leurs dépenses de fonctionnement, il puisse y avoir une incitation. La première année, ce sera l’absence d’accès à toute dotation de l’Etat (DSIL, DETR, fonds vert,…) pour les collectivités n’ayant pas respecté l’objectif, au sein d’une catégorie qui ne l’a pas atteint non plus. Ensuite, si manifestement, il n’y a vraiment pas de volonté de s’inscrire dans cette trajectoire alors que les autres collectivités le font, il pourrait y avoir des reprises.
📍Cette mesure devra être débattue car elle impose une contrainte aux collectivités alors que celles-ci ne sont en rien responsables de la dégradation des comptes publics et que seul l’Etat ne parvient pas à voter son budget à l’équilibre depuis 1974. Le PLF 2023 fait état d’un déficit prévisionnel de 155 Md € et d’un recours à l’emprunt de 270 Md€ qui ne semblent guère signer un retour à une plus forte orthodoxie financière de sa part, d’autant qu’il poursuit son addiction à la dépense de fonctionnement et que les taux d’intérêt sont déjà à 2,8% alors que le budget est bâti sur une hypothèse à 2,5%. Comment exiger des collectivités un effort que lui-même ne réalise que très partiellement ? Nous aurons l’occasion d’y revenir en responsabilité mais aussi avec exigence.
📍Notons toutefois que seules les collectivités ayant un budget supérieur à 40 millions d’euros seront concernées, soit au global environ 500 collectivités, même si l’objectif d’évolution de la dépense locale est un objectif qui vise à guider et à embarquer tout le monde. Il est donc rassurant de constater que les communes de notre département ne seraient pas touchées par la mesure. Il conviendra de s’en assurer dans le le débat.
🔻Actualisation des bases locatives :
📍S’agissant de l’actualisation des bases locatives commerciales, il convient de s’interroger sur la manière dont les bases sont mises à jour et de sans doute en différer l’application. En effet, ce qui remonte aujourd’hui c’est le fait que la fiscalité pourrait être alourdie pour des commerces en centre-ville et allégée pour des hypermarchés de périphérie. Ce n’est pourtant pas l’objectif. Il faut peut-être réinterroger le modèle et voir si d’autres critères ne pourraient pas être retenus pour atténuer cet effet-là que personne ne souhaite.
📍Par ailleurs, chaque année les bases de la fiscalité locale sont revalorisées avec l’inflation de l’année précédente. C’est la règle légale. Il importe de ne pas revenir sur ce principe et de laisssr la liberté aux collectivités d’ajuster leur taux si elles le peuvent et le souhaitent. Cela permettrait aux collectivités de disposer d’une marge de revaloraisation des bases se situant entre 6 et 7 %, ce qui peut être nécessaire pour certaines, ou permettre à leur niveau de rendre du pouvoir d’achat aux contribuables en baissant les taux pour d’autres. Cette disposition doit être maintenue avec cette liberté sans que l’augmentation soit capée par le Gouvernement. J’y veillerai.
🔻TVA :
Pour l’année 2022, au niveau des rentrées de TVA, le Gouvernement évalue la hausse à 9,6 %. Et, donc dans le 12ᵉ de fiscalité du mois d’octobre qui sera versé le 20 octobre, il y aura une très forte augmentation des recettes pour les collectivités. C’est 2,5 milliards d’euros de plus pour les collectivités (1 milliard d’euros pour les régions, 1 milliard pour les départements, 500 millions pour les intercommunalités et la Ville de Paris). Il n’y aura pas de plafonnement de recettes lié aux fractions de TVA pour les collectivités. C’est une très bonne nouvelle qui hélas ne concerne pas les communes et qui montre que le choix d’affectée aux collectivités une part d’impôt national dynamique est judicieux.
🔻Indicateurs financiers :
La demande de neutralisation des indicateurs financiers en 2023 du comité des finances locales et des Départements de France doit encore être examinée avant décision.
🔻Autonomie financière :
La question de l’autonomie fiscale et de la libre administration des collectivités restent des questions centrales. Les collectivités locales ont un rôle fondamental en matière de lien social, d’investissement, plus largement pour le dynamisme de notre pays. Il convient donc de définir de nouvelles relations entre elles et l’Etat . Le débat sur les zonages territoriaux et les exonérations sociales et fiscales de ces zonages, je pense en particulier aux ZRR essentielles pour notre département, ne devrait pas avoir lieu lors du PLF 2023, les mesures actuelles courants jusqu’à fin 2023, mais d’ici le PLF 2024. Si la révision des niches fiscales et sociales est nécessaire, elle ne doit pas remettre en cause la reconnaissance des aménités rurales mais au contraire la renforcer.
🔻Groupe de travail décentralisation :
Ces questions seront au cœur des travaux du groupe de travail « Décentralisation » auquel je participe sous l’égide du Président Larcher et qui débutera ses travaux le 5 octobre. Il y sera notamment question des relations financières entre l’Etat et les Collectivités territoriales bien sûr, mais aussi de différenciation, de déconcentration et du traitement de la question des métropoles en complément de l’approche rurale. L’objectif est d’aboutir d’ici la fin du premier trimestre 2023 susceptible d’alimenter un projet de réforme d’ampleur concernant notre organisation territoriales et nos institutions comme le Président de la République s’y est engagé.
🔻Examen du PLF 2023 :
Nous allons maintenant engager l’examen du PLF en commission, lors d’auditions puis en séance en cherchant à l’améliorer sans accroître le niveau de dépense globale, ni celui des prélèvements obligatoires et en rendant la dépense plus efficace. Je pense en particulier à nos services publics et à notre investissement public. J’aurai l’occasion d’y revenir.

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