P.L.F 2021 : un budget d’exception qui fait peur, sans réellement répondre aux enjeux.

17 décembre 2020

Ce PLF 2021 reste un PLF exceptionnel avec un niveau de déficit record, avec une dégradation de tous nos fondamentaux. Le déficit sera en prévision pour 2021 de 8,5% du PIB, après un solde négatif pour 2020 qui s’établit à -11,3% du PIB. Rappelons-nous qu’il y a quelques mois seulement, nous imaginions impensable de demeurer à -3%, Maastricht oblige, et que le Président de la République ambitionnait de revenir à 0 au terme de son mandat, alors que l’Allemagne est excédentaire depuis déjà 3 ans. Comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre ? Le « quoi qu’il en coûte » va laisser des traces durables et profondes. La tache de la commission sur l’avenir des finances publiques dont la présidence a été confiée à Jean Arthuis sera quasi impossible et pourtant tellement indispensable. Je m’inquiète aussi des conditions du plan de relance européen et de ce qu’il en coutera pour notre pays. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet et aurai l’occasion d’y revenir début 2021 dans le débat qui aura lieu au parlement.

Près de 430 milliards d’euros de dépenses de fonctionnement et moins de 28 milliards d’investissement, mais aussi près de 130 milliards de remboursement de dette, un déficit de près de 160 milliards d’euros et prés de 280 milliards d’euros d’emprunt nouveau et un ratio d’endettement qui va être de 122,4% du PIB, ce budget fait peur, même si chacun en connait le contexte.

La richesse d’une démocratie c’est d’accepter les divergences de points de vue. C’est s’écouter et débattre. Nous avons dû étudier cette année quatre projets de loi de finances rectificatives et un projet de loi de finances. L’esprit de responsabilité a toujours prévalu. Mais le Gouvernement n’a pas suffisamment entendu les revendications du Sénat qui porte la voix des communes, des métropoles, des agglomérations, des bourgs-centres, de l’ensemble des territoires.

A la suite de nos trois semaines de travaux et de l’examen de 2600 amendements, puis de l’échec des négociations de la commission mixte paritaire sur les 285 articles restant à discussion, le Sénat a étudié le 16 décembre la nouvelle version du texte revue par l’Assemblée nationale après sa deuxième lecture.

Nous ne pouvons que déplorer la suppression de nombreux amendements, parfois adoptés à l’unanimité par le Sénat en première lecture. Il est notamment regrettable que l’Assemblée nationale soit revenue sur toutes les mesures adoptées par le Sénat pour renforcer le plan de relance et lui faire porter ses fruits à plus court terme, telles que le report en arrière des déficits dans la limite de 5 millions d’euros, les dispositifs spécifiques de suramortissement ou encore la contemporanéisation du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCVTA) qui permet de soutenir l’investissement local. Le Gouvernement n’a pas réalisé les efforts de maîtrise des dépenses publiques nécessaires pour redresser les comptes publics et l’impact à moyen terme sera important. Enfin, l’écologie et la crise sociale qui enflent ne sont pas considérées avec l’attention qu’elles méritent.

L’absence d’effort de maîtrise des dépenses publiques au cours des années passées, alors que les indicateurs économiques du pays étaient encore favorables, n’a pas permis à la France de retrouver les marges de manœuvre budgétaires utiles pour répondre le plus efficacement possible à toute nouvelle crise telle que la crise sanitaire, sociale et économique résultant de la pandémie de Covid-19.

Alors que l’État se finance désormais autant par l’endettement (près de 280 milliards d’euros) que par l’impôt (plus de 270 milliards d’euros), il convient de garder à l’esprit l’impact de nos décisions actuelles sur l’état de nos finances publiques à moyen terme et le fait que toute hausse de taux d’intérêt pourrait très rapidement devenir insoutenable. A ce titre, le Gouvernement aurait dû privilégier des mesures temporaires, puissantes et mieux ciblées pour favoriser la sortie de crise dans le cadre du plan de relance. Plus globalement, ce plan de relance paraît trop tardif et mal calibré, tout en s’appuyant insuffisamment sur la réalité des territoires.

Indépendamment de la nécessité de soutenir spécifiquement certains secteurs qui restent durement affectés par la crise, à l’instar des professionnels de la restauration, du commerce, de l’événementiel, des exploitants de remontées mécaniques des stations de ski ou de certains acteurs de la culture, le Sénat ne peut que déplorer le fait que le Gouvernement ait fait le choix d’attendre la nouvelle lecture à l’Assemblée nationale pour abonder de 5,6 milliards d’euros le Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire, pour créer un nouveau programme « Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la covid-19 » doté de 430 millions d’euros, et pour renommer le programme 357 « Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire » afin de tenir compte du fait qu’il devrait désormais couvrir la prise en charge de congés payés de certains salariés et une aide exceptionnelle aux actifs « permittents » saisonniers ou extras.

Sans revenir sur la réforme des impôts de production prévue par le projet de loi de finances, dans la mesure où les entreprises, en particulier dans le secteur industriel, doivent voir leur niveau d’imposition se réduire pour rester compétitives, le Sénat rappelle qu’il importe aussi d’assurer une juste et pérenne compensation aux collectivités territoriales. Certaines mesures tendant à améliorer la situation financière des collectivités territoriales auraient mérité d’être conservées, notamment pour couvrir les baisses de recettes tarifaires des régies municipales dotées de la seule autonomie financière ou encore les hausses de dépenses sociales pour les départements. Ce n’est hélas pas le cas. Il est aussi regrettable que l’Assemblée nationale n’ait pas conservé la compensation de la perte de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) subie en 2021 par les départements et le bloc communal, identique à celle prévue pour les régions dans le cadre de la réforme des impôts de production.

L’Assemblée nationale a en outre fait le choix de supprimer les deux contributions exceptionnelles adoptées par le Sénat et visant, d’une part, les assureurs et, d’autre part, les grandes plateformes de la vente à distance, alors que l’impératif de solidarité nationale aurait dû imposer de tels efforts. Au contraire du ministre de l’économie, des finances et de la relance qui a exclu l’instauration d’une assurance pandémie, le Sénat considère qu’une couverture assurantielle applicable au risque sanitaire, avec une répartition des responsabilités entre les assureurs d’une part, et l’État d’autre part, serait seule capable de garantir l’ensemble des entreprises contre un tel risque.

La majorité gouvernementale a également refusé les dispositifs proposés par le Sénat pour renforcer l’aide aux plus précaires et à ceux qui se trouvent le plus en difficulté face à la crise, comme par exemple une aide à l’embauche pour six mois supplémentaires, un fonds de solidarité renforcé pour mieux couvrir les charges fixes, ou encore les nombreuses mesures destinées à soutenir des secteurs particulièrement affectés.

Du point de vue de la fiscalité écologique et énergétique, les mesures prises par la majorité gouvernementale ne permettent pas d’accompagner le changement nécessaire, en particulier s’agissant de la hausse du malus automobile sur trois ans qui, cumulée à la création du malus « poids », intervient alors que le secteur automobile traverse difficilement la crise et que les ménages ne pourront pas tous adapter leur comportement d’achat. A ce titre, l’étalement de la hausse du malus sur cinq ans, accompagné d’un renforcement de la prime à la conversion, préconisés par le Sénat, aurait permis d’inciter davantage les automobilistes à faire le choix de solutions plus respectueuses de l’environnement sans tomber dans la fiscalité punitive.

Le Sénat s’était à la quasi-unanimité opposé à plusieurs dispositions du projet de loi de finances qui ont, depuis, été rétablies par l’Assemblée nationale, à l’instar de l’article 7 relatif à la suppression progressive de la majoration de 25 % des bénéfices des entreprises qui n’adhèrent pas à un organisme de gestion agréé (OGA), pour lequel je m’étais personnellement investi, ou de l’article 47 qui prévoit une ponction d’un milliard d’euros sur la trésorerie d’Action Logement.

Le Sénat a également rejeté les crédits des missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Immigration, asile et intégration » et « Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que des comptes d’affectation spéciale « Participations financières de l’État » et « Développement agricole et rural » dont les crédits ont été rétablis par l’Assemblée nationale sans réponse aux objections qui avaient été soulevées.

Certes l’Assemblée nationale a par ailleurs conservé, en nouvelle lecture, plusieurs apports du Sénat de première lecture, à l’instar du prolongement pour un an du plafond à 1 000 euros de la réduction d’impôt au titre de dons aux organismes d’aide aux personnes en difficulté, dit dispositif « Coluche », de la suspension, pendant l’état d’urgence sanitaire, de l’application du jour de carence pour les agents publics dont l’arrêt maladie est directement lié à l’épidémie de Covid-19, des aménagements apportés au nouveau crédit d’impôt aux bailleurs consentant des abandons de loyers à des entreprises particulièrement touchées par la crise, en vue de prévoir son application dès 2021 et d’élargir le périmètre des bailleurs éligibles et des entreprises locataires susceptibles d’en ouvrir le bénéfice, ou encore des 66 millions d’euros de crédits votés par le Sénat en faveur du fonds de péréquation postale, permettant de compenser les conséquences de la réforme des impôts de production sur ce fonds. Pour autant, l’Assemblée nationale est revenue sur beaucoup des amendements adoptés par le Sénat, même lorsqu’ils ont été votés à une très grande majorité voire à la quasi-unanimité, notamment dans le secteur du logement, mais aussi en revenant sur des engagements antérieurs de l’Etat (tarifs du photovoltaïque, compensation des charges des Départements les privant d’un milliard d’euros…).

Le Sénat a donc décidé de ne pas poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2021, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture. Le sens des responsabilités appelle à doter l’Etat des moyens de faire face aux multiples crises qui traversent notre pays et le Sénat a su le faire et continuera à le faire. Pour autant, cela n’empêche ni de mieux respecter la démocratie, ni de traiter la situation structurelle de nos finances publiques car il n’y a pas d’argent magique comme je l’ai déjà dit, ni de prendre des mesures justes, socialement et écologiquement responsables.

Le contexte appellera sans doute et hélas plusieurs PLFR au cours de l’année 2021 qui nous permettront de revenir sur plusieurs de ces sujets et sur d’autres dans l’objectif de protéger d’abord, d’accompagner ensuite et de donner des perspectives enfin, à tous nos concitoyens et d’abord aux plus fragiles.

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