
« Hormis les départements, les collectivités locales s’en sortent bien ». Voilà le constat dressé par l’ancien rapporteur général (Renaissance) de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, Jean-René Cazeneuve, dans son bilan annuel dévoilé en exclusivité par le journal « L’Opinion ». Un état des lieux qui contraste avec le discours alarmiste des principales associations de collectivités, toujours prêtes à dénoncer les efforts démesurés qui leur sont réclamés par l’Etat, même si j’ai toujours dit que celles-ci doivent nuancer leurs plaintes pour les rendre crédibles. Un état des lieux qui contraste aussi avec ce que nous défendons au Sénat où nous savons la place qu’elles occupent dans le quotidien de chacun, et qui rappelle le sempiternel feuilleton qu’on nous sert au moment où commence à se préparer le prochain PLF et qui ne manquera pas de donner encore des arguments au Gouvernement pour appeler à l’effort, sans doute plus conséquent que jamais, des collectivités locales au redressement des finances publiques du pays. Il est tellement plus facile de sanctionner les autres plutôt que de se réformer soi-même…

Alors que l’horizon économique s’obscurcit, Bercy pourrait déjà revoir ses prévisions pour 2025. Jusqu’à présent, le gouvernement misait sur un taux de croissance de 0,9 % en 2025. Ce chiffre, inscrit dans la loi de finances, s’appuyait sur les prévisions de la Banque de France, un brin plus optimistes que le consensus des économistes en début d’année. Face à la rapidité et à l’ampleur de la guerre commerciale déclenchée par l’administration Trump, elle ne mise plus que sur une hausse du PIB français de 0,7 % en 2025. Une croissance inférieure de 0,2 point, cela se traduit par un déficit dégradé d’environ 0,1 point de PIB, soit 3 milliards d’euros. Face à cette équation complexe, un paramètre pourrait toutefois faciliter la tâche du gouvernement. Il n’est pas impossible que l’on ait une bonne surprise lors de la publication par l’Insee du déficit annuel pour 2024. Si l’on ne démarre pas l’année avec un déficit de 6 % du PIB comme attendu, mais avec un déficit un peu moindre, il sera plus facile d’atteindre l’objectif gouvernemental de le ramener à 5,4 % en 2025.
Pour autant, on le sait le PLF 2026 exigera de nouveaux efforts plus conséquents encore.

L’année dernière, la capacité d’autofinancement des collectivités, soit la différence entre leurs recettes et leurs dépenses de fonctionnement, a pourtant baissé de 7 %. Mais cette diminution a été portée « quasi exclusivement » par les départements. L’épargne brute de l’ensemble des collectivités, soit les sommes dégagées pour investir, reste, elle, à un niveau qui est jugé « élevé » (32,6 milliards d’euros) par les « porte parole » de Bercy. On devrait plutôt s’en réjouir plutôt que d’imaginer aller « taper dans leur caisse ».

A partir de données quasi définitives sur l’année 2024, l’élu macroniste souligne en effet que leurs dépenses de fonctionnement et d’investissement ont augmenté de 4,5 %, soit 2,5 points de plus que la hausse des prix, mais bien moins que les 9% annoncés en juillet dernier. « Alors que l’Etat a stabilisé ses dépenses, illustrant un effort clair de maîtrise budgétaire, les collectivités territoriales gardent une trajectoire nettement plus dynamique », souligne-t-il.

Il plaide en conséquence en faveur d’une plus forte mise à contribution des collectivités locales afin de redresser les finances publiques tandis que celles-ci dénoncent des normes toujours plus tatillonnes. Il est aberrant de résonner toujours en évolution tendancielle, plutôt que de s’interroger sur la valeur absolue et l’efficacité de la dépense d’un État omnipotent et impuissant.

Quant aux dépenses d’investissement locales, elles ont bondi l’an dernier de 5,7 % par rapport à 2023 pour atteindre « un niveau inédit » de 85,2 milliards d’euros. Là encore, la dynamique sur plusieurs années est bonne : entre 2018 et 2024, soit deux années comparables du cycle électoral qui rythme le mandat des élus, l’augmentation atteint encore 25 %, relève Jean-René Cazeneuve. Il oublie de rappeler que ce mandat, du fait du Covid, a décalé les investissements d’une part, et d’autre part l’inflation de 2023 et 2024 a considérablement accru les coûts. Comparaison n’est donc pas raison…

En face, leurs recettes ne se sont fort heureusement pas effondrées, à l’exception des droits de mutation à titre onéreux (les frais de notaires) dévolus aux départements (-13,2 %), à cause de la morosité du marché immobilier. Les recettes de fonctionnement de l’ensemble des collectivités ont augmenté de 2,1 % en 2024, soit à un rythme un tout petit peu plus élevé que l’inflation.

Au total, le déficit des collectivités (en fait ce terme est impropre, il s’agit du besoin de financement), qui n’est pas encore arrêté, devrait tourner autour de 15 milliards d’euros. Cela représente entre 0,4 et 0,6 points de PIB, quand le déficit public total, qui sera publié par l’Insee ce jeudi, devrait atteindre 6 % ou un peu moins. C’est mieux que ce qui avait été craint par le ministère de l’Economie et des Finances en septembre dernier, mais reste relativement important.
Rappelons que ce montant est assez stable et que c’est bien le déficit de l’Etat qui a explosé entre 2017 et 2024.

La situation reste bien sûr très variable d’une strate de collectivités à l’autre. Si la situation financière des régions se détériore légèrement, celle du bloc communal (communes et intercommunalités) « est toujours favorable », affirme l’ancien rapporteur général du budget de l’Assemblée nationale. En revanche, les départements connaissent « de grandes difficultés », souligne Jean-René Cazeneuve. Et ce, à cause de la baisse des frais de notaire et de l’augmentation de leurs dépenses sociales.

Pour Jean-René Cazeneuve, le redressement des finances publiques impose le retour à une forme de contrats entre l’Etat et les collectivités locale pour contenir l’augmentation de leurs dépenses, comme cela avait été le cas au début du premier mandat d’Emmanuel Macron, après que leurs dotations aient été baissées de 30% sous le mandat du Président Hollande, rappelons-le. C’est d’ailleurs ce qu’a annoncé le ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation. Avec sa collègue des Comptes publics, François Rebsamen va organiser, début avril, une « conférence financière des collectivités locales » réunissant parlementaires et élus locaux. L’objectif est de commencer à bâtir une trajectoire d’évolution des recettes et des dépenses des collectivités sur trois ans afin de permettre à la France de tenir son engagement européen de revenir sous la barre des 3 % de déficit public en 2029.

On ne peut s’y résoudre, tant il s’agit du dernier « moteur »de l’emploi et l’activité économique et sociale, garant des solidarités, dans notre pays.

Nous avons dans le cadre du PLF 2025 sauvé l’essentiel en limitant l’effort (notamment celui des départements comme a bien voulu le rappeler le ministre Rebsamen ce jour lors des questions d’actualité au gouvernement) et en inventant un dispositif, le Dilico, non confiscatoire.
Nous allons nous battre pour faire valoir la raison et la juste place des collectivités locales dans la dépense publique.
Rappelons pourtant que, représentant 20% du total des dépenses publiques en 2018, la part des dépenses publiques locales françaises est bien inférieure à la moyenne européenne (31%), et que la part des collectivités dans la dette publique locale est inférieure à 9% du total.

La spécificité française c’est d’abord et avant tout un niveau très élevé des dépenses et des dettes de l’Etat d’une part, et d’autre part le niveau très supérieur à la moyenne des dépenses sociales. C’est à cela qu’il faut s’attaquer et non aux collectivités territoriales qui sont les dernières garantes d’une efficacité de l’action publique, même si des ajustements peuvent toujours être opérés.