





– Ne pas alourdir davantage le niveau de prélèvements obligatoires, même si des ajustements doivent être opérés à l’intérieur du périmètre,
– Réduire les dépenses qui ne sont pas productives de services publics ou redondantes,
– Introduire des innovations systémiques que la situation politique instable peut paradoxalement permettre.













Je propose ici un septième et dernier volet de réforme structurelle. Le constat est fait de longue date que la France est le pays de l’OCDE où le poids de la dépense sociale est le plus élevé (plus de 32% du PIB contre 27 au niveau européen, soit un écart de plus de 5 points), sans pour autant être toujours plus efficace. Le constat est aussi fait que l’essentiel du poids de la dépense publique, du déficit et de la dette provient de notre système social, hérité de 1945 mais qui est désormais en danger faute d’être réformé.
J’en expose le poids, les ressources et les propositions ci-après.

Chaque année, le 20 février, est célébrée la Journée mondiale de la justice sociale. La justice sociale vise à garantir l’égalité des droits et est basée, entre autres, sur la nécessité d’une solidarité collective entre les personnes, la promotion du travail décent, une mondialisation équitable ou bien encore les protections sociales. À cette occasion, Statista se penche sur la répartition des prestations sociales en France.
La protection sociale correspond à l’ensemble des mécanismes qui permettent aux citoyens de surmonter financièrement les conséquences des risques sociaux, c’est-à-dire les événements pouvant entraîner une baisse des ressources ou une hausse des dépenses (maladie, vieillesse, accidents, handicap, chômage, maternité,…).
Selon les statistiques de la direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), la France a consacré 32,2 % de son produit intérieur brut (PIB) à la protection sociale en 2022, soit 848,9 milliards d’euros, ce qui correspond environ 12 550 euros par habitant. Toujours rapporté au PIB, la France est le pays européen qui consacre le plus à la protection sociale, juste devant l’Autriche (29,7 % en 2021), l’Italie (29,6 %) et l’Allemagne (29,2 %).
Comme le rapporte la Drees, les dépenses de protection sociale ont retrouvé leur niveau d’avant la pandémie en 2022, et ont augmenté de 2,5 % en moyenne dans l’Union européenne et de 1,7 % en France. Les dépenses de maladie, qui représentaient près de 29 % du montant total des prestations sociales en 2021, en lien notamment avec les campagnes de vaccination et de dépistage du Covid-19, ont continué d’augmenter en 2022, pour atteindre 31,1 % du total des dépenses.
Les dépenses de survie et de retraites représentaient la part la plus importante des prestations sociales en 2022 : 44,2 %, soit plus de 375 milliards d’euros. Ceci peut en partie être attribué au vieillissement de la population française, puisqu’un quart d’entre elle est aujourd’hui âgée de plus de 60 ans, contre 17 % en 1980.

Les ressources qui servent à financer la protection sociale se sont élevées à 913,3 milliards d’euros (Md€) en 2022, en hausse de 5,0% par rapport à l’années précédente (La protection sociale en France et en Europe en 2022). Elles se répartissent en trois catégories principales : les cotisations sociales ; les impôts et taxes affectés (ITAF) ; les contributions publiques de l’État et des collectivités territoriales.
=> Les cotisations sociales :
Les cotisations sociales (versements obligatoires effectués par les employeurs et les salariés, ainsi que les non-salariés pour acquérir des droits à des prestations sociales) représentent toujours une part prépondérante des ressources de la protection sociale (492,6 Md€ en 2022, soit 54%).
Depuis les années 1990, la tendance est à la baisse de la part des cotisations sociales dans le financement de la protection sociale, au profit des ITAF et notamment de la contribution sociale généralisée (CSG). Pour autant, je l’ai exposé dans la première rubrique de ce dossier, il faut aller plus loin pour accroître le salaire net sans accroître le coût du travail.
Les cotisations sociales s’inscrivent dans la logique assurantielle du système de protection sociale, donnant droit à des prestations contributives.
=> Les impôts et taxes affectés :
Le financement fiscal par les impôts et taxes affectés (ITAF) fournit une part croissante des ressources (278,7 Md€, soit 31% en 2022). Contrairement aux cotisations sociales, ces prélèvements n’ouvrent pas de droits spécifiques et s’inscrivent plutôt dans une logique d’universalité et d’assistance.
Les ITAF sont, comme leur nom l’indique, des ressources fiscales affectées au financement des prestations sociales ou des dépenses spécifiques de certains régimes d’assurances sociales. Parmi la cinquantaine d’ITAF existants (44 dans le PLF pour 2022), la contribution sociale généralisée (CSG), créée en 1991, est le principal (141,6 Md€ en 2022). On peut citer également la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), créée en 1996, ainsi que diverses contributions dues par les entreprises, des taxes sur les produits considérés comme nuisibles à la santé (alcool, tabac) ou la contribution solidarité autonomie (CSA) à la charge des employeurs et affectée à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
La TVA, dont une fraction est affectée au financement de la protection sociale, est la deuxième ressource fiscale en poids relatif (57 Md€ en 2022). Je propose d’aller plus loin sur ce point.
Chaque année, le jaune budgétaire « Bilan des relations financières entre l’État et la protection sociale », annexé au projet de loi de finances, récapitule l’ensemble des ITAF, ainsi que les organismes bénéficiaires correspondants.
=> Les contributions publiques :
Les contributions publiques de l’État et des collectivités territoriales (116,4 Md€, soit 13% du total des ressources de la protection sociale en 2022) financent notamment des dépenses de solidarité (ex. : revenu de solidarité active, Fonds de solidarité vieillesse), une partie des exonérations de cotisations employeurs pour les bas salaires, et subventionnent des régimes de façon permanente ou en cas de difficultés (ex. : les régimes de retraite de certaines professions dans lesquelles le nombre d’actifs cotisants est inférieur au nombre de retraités).
Le reliquat correspond à des produits financiers ou des ventes de biens ou services ou encore des reprises sur successions. Ces recettes représentent moins de 2% des ressources de la protection sociale.

Les artisans du bâtiment le savent, la toiture se change quand il fait beau, pas quand le temps s’assombrit. Sur le plan de notre protection sociale, c’est tout l’inverse que nous allons vivre dans les prochaines années. Nous allons devoir refaire de fond en comble la charpente et la couverture alors que la tempête s’abat sur nous. Les décisions sages d’aujourd’hui procureront la sécurité et la prospérité de demain. Cette évidence fut oubliée par nos gouvernants durant près de 45 ans, et ce dans la plupart des domaines d’action de l’Etat. Nous avons laissé partir notre industrie à l’étranger, abandonné nos agriculteurs et notre souveraineté alimentaire, négligé notre savoir-faire en matière de soins et de médicaments, accepté la dégradation de l’éducation nationale, réduit le temps de travail et anticipé l’âge de départ en retraite alors qu’il fallait travailler plus pour maintenir notre niveau de vie.
Durant toutes ces années, l’Etat a écarté ceux qui savaient faire en matière de retraite et d’assurance santé – les partenaires sociaux, les mutuelles et les opérateurs privés – pour s’immiscer dans tous les aspects du sujet. Avec le plan Juppé de 1995 instaurant les lois annuelles de financement de la Sécurité sociale, toute modification tenant au financement, à la santé, à la prévoyance et à la retraite devint du même coup un sujet politique. L’interventionnisme de l’Etat devient sans limite pour des résultats affligeants : des déficits chroniques et une dette immaîtrisable ; la déresponsabilisation des acteurs de soins et des patients, qu’il s’agisse de la généralisation du tiers payant ou du 100 % santé, réformes apparemment vertueuses mais ayant fait perdre à chacun la notion du coût de la santé ; une crise permanente de la retraite pour laquelle chaque réforme met dans les rues les manifestants par millions.
Il serait si simple d’appliquer le principe de l’équilibre pour les dépenses sociales qui ne préparent en rien l’avenir, ne constituent pas un investissement, mais répondent à logique nécessaire des besoins d’aujourd’hui. Donc pas de déficit social ! Et pourtant, il est aujourd’hui de plus de 20 milliards d’euros !
Face à l’incapacité politique d’une gestion responsable de la protection sociale, face au blocage politique auquel nous a conduit la dissolution de l’Assemblée Nationale, mais surtout au refus des Français d’affronter de vrais problèmes, nos gouvernants constatent l’impasse de la gouvernance des réformes. En difficulté pour sortir de l’impasse politique sur les retraites, François Bayrou a lancé un conclave qui n’a trompé personne, voulant repasser les décisions impopulaires aux partenaires sociaux. Ces derniers ne se montrent d’emblée guère enthousiastes au vu de ce qu’ils ont vécu depuis des années avec l’assurance-chômage, l’Etat voulant s’arroger la réalité de la décision.
Le système actuel, trop complexe, empêche toute réforme à la hauteur des enjeux et les Français n’y comprennent rien. Pourtant nous n’avons encore rien vu de la tornade qui va frapper l’Europe et plus particulièrement la France, imposant des choix financiers drastiques. Les dépenses sociales obligatoires vont devoir baisser de plusieurs points de PIB pour financer l’impératif de défense nationale et plus largement de sécurité, mais aussi les transitions qui climatiques, énergétiques, numériques qui sont déjà en cours.
Il devient urgent de désengager l’Etat de ce qui n’est pas son coeur de métier – la protection sociale notamment – pour le concentrer sur les tâches régaliennes qu’il accomplit de manière très insuffisante (cf. Une autre rubrique précédente). La crise majeure qui s’annonce n’est-elle pas une opportunité pour revoir en profondeur la gouvernance de la protection sociale ?
Les groupes de protection sociale, les mutuelles et les assureurs seraient aujourd’hui beaucoup plus qualifiés pour gérer efficacement la protection sociale obligatoire, à condition de leur laisser la réalité du pouvoir. Il est temps d’examiner sérieusement cette option pour réformer en profondeur la gouvernance de notre sécurité sociale et de nos retraites obligatoires, seul moyen d’en réformer le financement. Très peu de temps nous reste pour un sursaut à la hauteur de l’enjeu. Faute de quoi, les événements s’imposeront à nous dans toute leur rigueur.
Voilà donc un septième et dernier volet de réforme qui touche d’abord à la gouvernance pour traiter le financement. En fait, cette question de gouvernance est centrale pour réformer l’Etat, s’engager vers une démocratie décentralisée d’une part et sociale d’autre part. Il est urgent de désengager l’Etat de la protection sociale, comme de beaucoup d’autres champs pour qu’il se concentre vraiment sur ce qu’il doit faire, le régalien, plutôt que de continuer à prétendre être présent partout de manière indigente et pourtant autoritaire.
Ainsi s’achève cette série budgétaire de propositions de réforme systémique de nos finances publiques, alors que s’ouvre les discussions sur la préparation du PLF 2026. J’espère qu’elles pourront utilement les nourrir.