Par delà la résilience.

16 décembre 2020

La France éternelle, la France fraternelle

Par-delà la résilience, un nouveau chemin pour notre pays : la fraternité.

 

Liberté et égalité se livrent un combat dans lequel l’une et l’autre s’égarent.

Oser enfin la fraternité pour retrouver le sens du collectif au service d’un nouvel humanisme pour refaire société.

 

Michel Serres dans son ouvrage « Le Contrat naturel » a choisi d’illustrer notre actualité, puisqu’elle n’est pas vraiment récente, avec un tableau de Goya datant de 1820, exposé au musée du Prado à Madrid. Qui voit-on ? Un couple d’ennemis brandissant des bâtons se bat au beau milieu des sables mouvants. Attentif aux tactiques de l’autre, chacun répond coup pour coup et réplique contre esquive. Hors du cadre du tableau, nous autres spectateurs observons la symétrie des gestes au cœur du temps : quel magnifique, et banal, spectacle !

 

Or le peintre, Goya, enfonça les duellistes jusqu’aux genoux dans la boue. A chaque mouvement, un trou visqueux les avale, de sorte qu’ils s’enterrent ensemble graduellement. A quel rythme ? Cela dépend de leur agressivité : à lutte plus chaude, mouvements plus vifs et secs qui accélèrent l’enlisement. L’abîme où ils se précipitent, les belligérants ne le devinent pas : au contraire de l’extérieur, nous le voyons bien… En tierce position, extérieure à leur chamaille, nous repérons un troisième lieu, le marécage, où la lutte s’envase…

 

L’accord des ennemis pour entrer en guerre fait, sans accord préalable, violence aux choses mêmes qui peuvent en retour faire violence à leur accord. Cette violence aveugle est, chacun le voit, omniprésente dans nos vies, seulement mise en sommeil au pic des crises sanitaires mais toujours latente, fruit de cette lutte acharnée entre la liberté et l’égalité avalées par notre rapport à la sécurité.

 

Comment élargir le champ, comment réconcilier, comment retisser le lien, comment faire société ?

 

La résilience est une des grandes énigmes de la nature humaine et plus largement de nos sociétés. Depuis le début de la crise sanitaire, tout est pourtant résilience ! Tant et si bien que ce terme si riche, si beau, devient presque repoussoir, comme tous ces mots valises qui entrent dans la novlangue. Pourtant il n’en reste pas moins vrai que c’est bien le niveau de résilience qui détermine la réussite ou l’échec. La France éternelle en dispose, son histoire le montre, même si elle croit l’avoir oublié depuis quelques décennies et plus encore depuis quelques années.

 

Alors comment garder cette réalité, trop longtemps ignorée et tout ce qu’elle revêt, aujourd’hui devenue un simple slogan ?

Revenons aux racines, à ce qui est constitutif de la résilience :

 

L’acceptation résolue de la réalité, et avouons que même après bientôt un an de crise nous en sommes loin.

L’existence de la profonde conviction, adossée à des valeurs, que la vie a un sens. Là aussi l’absence de cap, de cohérence depuis des mois nous en éloigne.

– Les remarquables qualités d’innovation ou dit autrement la capacité à « bricoler » des solutions plutôt que de rechercher sans fin la solution idéale. Là encore, le centralisme, la bureaucratie, la volonté de tout régenter par décret, nous en écarte.

 

La sincérité et le sens (dans ces trois acceptions : orientation, signification et sensibilité) articulés autour d’un principe de réalité, nous propose un premier périmètre, une première définition de la fraternité.

 

Cette fraternité, comme valeur cardinale de note République, est d’abord frugale. C’est à dire qu’elle donne davantage qu’elle ne reçoit, elle est donc aussi solidaire et respectueuse du vivant. Elle met en ce sens les devoirs avant les droits, la responsabilité et l’autonomie avant l’obligation et la contrainte.

Cette fraternité est ensuite ambidextre, c’est à dire à la fois dans la réalité et l’opérationnalité du quotidien, mais aussi en capacité d’innover, d’inventer.

Cette fraternité est assise sur un pacte social privilégiant la reconnaissance, la responsabilité, le droit à l’erreur, la visibilité de la place et du rôle de chacun dans le dessein commun.

Cette fraternité enfin puise dans le passé pour dessiner l’avenir autour d’un récit commun et avec un retour au temps long, permettant de s’inscrire dans la durée.

 

Cette nouvelle fraternité, véritable ancrage d’une nouvelle société, est précieuse. Elle appelle donc à la vigilance permanente dans un environnement de plus en plus complexe. Il importe ainsi d’interroger sans cesse notre système, nos vulnérabilités, comme l’actualité ne cesse de nous le montrer.

Elle repose bien évidemment sur l’interdépendance, sur la nécessité de maintenir des réserves de précaution pour éviter l’optimisation à outrance. La proximité, la relocalisation, la relation équilibrée au vivant, sont à la base de ce nouveau projet.

Cette fraternité repose sur une bonne coordination, une capacité à faire circuler l’information, à coordonner les réponses. La confiance et la sincérité y sont essentielles.

Cette fraternité s’appuie sur des individus autonomes et non infantilisés. Elle repose sur une décentralisation accrue, sur une agilité qui écrase les strates qui favorise la subsidiarité.

Elle est enfin apprenante. C’est dans ses gènes mêmes. L’éducation est centrale dans ce projet. Toute perturbation est perçue comme une opportunité. Elle élève dans le sens où elle permet à chacun de trouver son chemin, comme la liberté et l’égalité permettaient jadis à chacun de prendre « l’ascenseur social ». Ce temps est fini, chacun le voit bien.

 

Il nous appartient donc de créer des repères pour répondre à ces enjeux, pour bénéficier de nouveaux automatismes, afin de mieux nous adapter au changement plutôt que d’être toujours dans la friction, dans la tension, voire le refus. C’est une boussole.

Cette fraternité doit aussi nous permettre de prévenir les réactions en chaîne. Aujourd’hui nous n’avons ni sas, ni gouvernance, pour éviter les effets domino. C’est une alarme.

La fraternité est consubstantielle d’un capital relationnel accrue permettant de créer du lien autour d’une vraie cohésion, d’une cause commune supérieure, d’une culture assise sur la confiance, d’un partage vrai et non d’une communication feinte. C’est un repère.

La fraternité est le meilleur moyen de raffermir notre collectif dans l’après crise. Pour cela il importe de libérer l’expression de chacun, de clairement identifier les dysfonctionnements en cause, de ne pas attendre pour le faire, et enfin de toujours focaliser sur l’avenir. C’est un cap.

 

Ce modèle de nouvelle société ne se contente pas de soigner, de panser, d’agir sur le « care ». Il honore aussi au sens où il assume son passé mais devient dans sa réparation plus résistante, plus beau, plus précieux. Cette idée d’honorer, d’élever, est essentielle pour sortir du seul soin de notre société, de notre démocratie, pour retrouver une raison d’être qui nous fait tant défaut.

 

Les vieilles règles sont mises en pièce et l’expérience que l’on vit depuis quelques mois, quelques années, et qui semble s’accélérer, montre que ce que l’on croyait impossible peut se réaliser. Le leurre du « en même temps » a explosé au révélateur des crises sanitaires, sécuritaires, économiques, sociales, environnementales que nous traversons.

Depuis 10 mois, nous avons par exemple vu advenir :

 

– l’enseignement et le travail à distance,

– la mise en place d’un quasi « revenu minimal »,

– la libération de certains carcans administratifs, même si beaucoup reste encore à faire,

– l’ajustement des déplacements,

– l’avènement d’un capitalisme numérique.

 

Pour le meilleur ou pour le pire, avec des aspects positifs mais aussi sans doute d’autres plus inquiétants, l’impossible devient ordinaire. Pour sortir des peurs qui génèrent des violences, nous avons le devoir de répondre à ce besoin de repère. Pour endiguer ce délitement, répondre à une crise d’autorité qui ébranle notre pays, mettre un terme aux lâchetés publiques dont nous sommes coupables, éviter demain la remise en cause du consentement à l’impôt, nous avons le devoir de dépasser les réponses bureaucratiques pour enfin offrir un vrai projet politique. Ce besoin, ce projet, a pour socle la fraternité.

 

Nous avons ainsi le choix entre la perte de notre humanité et la refondation d’un nouvel humanisme.

Le choix est clair. Pour refonder ce nouvel humanisme, ce nouveau projet de société, la fraternité est le chemin.

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