🗳️Jour d’élection à l’Assemblée nationale.
❗️En ce jour d’élection à l’Assemblée nationale qui va se dérouler dans la plus grande confusion :
– on ne se sait pas où est la majorité ni l’opposition (à l’exception du RN),
– après ces trois élections annonçant des changements profonds on risque de se retrouver avec les mêmes,
– on parle de pacte législatif mais surtout pas de programme ou de contrat de gouvernement…
Bref sans doute une nouvelle journée des dupes qui va précipiter encore davantage notre pays dans le chaos alors qu’il est déjà dans l’impasse au moins pour une année…
❗️Au quarantième jour post-dissolution de l’Assemblée nationale, on cherche toujours en vain la clarification de la vie politique française, pourtant l’objectif principal d’Emmanuel Macron lorsqu’il lança son opération kamikaze. L’Assemblée est divisée en trois blocs irréconciliables, sauf à imaginer une improbable fissuration de l’un de ces trois môles. Les candidats au Perchoir n’auraient pas songé, pour la plupart, avoir un jour la chance de figurer sur une telle liste. Quant aux noms des Premier ministres putatifs, ils sont une parfaite illustration de la règle du « Plus petit commun dénominateur » puisque l’essentiel, pour accéder à Matignon, sera non pas d’avoir derrière soi une majorité (elle n’existe plus), pas davantage d’avoir à son actif une carrière émérite au service du pays, encore moins d’avoir une autorité politique. Non, il faudra ne déplaire à personne. Vaste programme. L’inverse d’un éclaircissement.
C’est la raison pour laquelle, il sera de notre responsabilité de législateur de faire des propositions pragmatiques en responsabilité. Je compte bien y prendre ma part.
↪️ En ce jour donc, j’ai préféré me plonger dans l’histoire en rencontrant mon ami Pierre Manenti, grand connaisseur du gaullisme et auteur de plusieurs ouvrages dont le dernier en date, « les barons du gaullisme », pour partager avec vous une page d’histoire…
↪️ L’élection du premier président de l’Assemblée nationale de la Cinquième République, en décembre 1958, ne s’est pas passée comme prévue. Un candidat s’est en effet imposé au nez et à la barbe du général de Gaulle. Pierre Manenti nous raconte cette histoire incroyable ! ⤵️
💬 « Nous sommes en décembre 1958. Fin novembre, les premières élections législatives de la Vème se sont tenues et le camp présidentiel a fait le plein avec une majorité de sièges. L’union est cependant hétéroclite : 206 gaullistes, 117 indépendants, auxquels s’ajoutent des représentants de l’Algérie et du Sahara ainsi que des démocrates-chrétiens.
Le général de Gaulle verrait bien son vieil ami Paul Reynaud prendre la présidence de l’Assemblée nationale, le fameux Perchoir. Après tout, Reynaud a présidé le Comité constitutionnel mis en place à l’été 1958. Il se souvient aussi de son soutien au moment des jours terribles de mai-juin 1940. Antoine Pinay, son ministre des Finances, l’assure du soutien et du vote des indépendants.
Pas question cependant pour les gaullistes, qui trouvent que Reynaud est l’homme de la IIIe République. Jacques Chaban-Delmas, député-maire de Bordeaux, ancien ministre, longtemps radical-gaulliste, fait acte de candidature contre l’avis du Général. Ses compagnons le trouvent jeune et dynamique, en même temps que rôdé à l’exercice parlementaire.
Michel Debré, Olivier Guichard et Jacques Soustelle sont envoyés en mission pour le faire revenir sur sa décision. Chaban les écoute patiemment, le visage emprunt « d’une grande dignité » mais tient tête : « Mes chers amis, je regrette de ne pas pouvoir me conformer au vœu du Général, mais il est trop tard. Ma candidature est connue ; nombreux sont les amis qui se sont engagés envers moi et m’ont promis leurs suffrages. Ils ne comprendraient pas que je retire ma candidature à la dernière minute. »
Debré et Guichard appellent à la rescousse Jacques Foccart, Roger Frey et Georges Pompidou, mais Chaban retourne la situation. « Si le Général veut que je me retire. Il lui suffit de m’appeler. » Beaucoup des présents conviennent par ailleurs que Reynaud est l’homme d’un autre temps. « C’est la préhistoire du gaullisme. » Il y a une fenêtre de tir pour Chaban… contre l’avis du Général.
Chaban réunit donc les députés gaullistes au Palais d’Orsay pour obtenir l’investiture son groupe le 8 décembre. Raymond Triboulet est élu président du groupe mais ne transmet que « mollement » la consigne de voter Reynaud pour le Perchoir. Présent, Guichard n’est pas plus loquace. On fait mine de ne pas savoir la préférence du Général.
Et lorsqu’on l’évoque, beaucoup de députés refusent de l’entendre, affirmant « qu’ils ne sont pas des inconditionnels ». Faire battre Reynaud serait un signal de leur indépendance d’esprit. Seul le colonel Battesti émet des doutes : « Chaban, c’est la IVe ! C’est le symbole de tout ce contre quoi nous nous sommes battus. » De nombreux députés applaudissent.
Léon Delbecque, qui a été chef de cabinet de Chaban avant de participer aux événements d’Algérie de mai 1958, prend alors la parole : « S’il s’agissait de choisir selon l’admiration et l’affection que m’inspirent Battesti et Chaban, je serais bien embarrassé. Mais il faut choisir le plus apte à présider une Assemblée dominée par nos ennemis et nos faux amis, qui tous n’attendent que l’occasion de s’allier contre nous. Alors les critères de choix, ce sont l’expérience de la vie parlementaire, l’habileté manœuvrière. » Dans la foulée de sa prise de parole, Chaban est désigné comme le candidat des gaullistes… à l’unanimité !
Déterminé, il rend visite à Reynaud pour lui faire part de sa candidature, mais l’ancien président du Conseil explose : « Comment ? Vous n’êtes pas au courant de ma propre candidature et de ce qu’elle a l’appui du général de Gaulle ?!
– Je ne pourrai admettre quoi que ce soit sur ce sujet que si le Général me le dit, réplique Chaban.
– Il vous le dira, conclut Reynaud, furieux. »
L’appel du grand chef se fait toutefois attendre.
9 décembre 1958, toujours pas de coup de fil du Général. Sur la ligne de départ pour la présidence de l’Assemblée nationale, donc, Chaban, Reynaud, le socialiste Max Lejeune et le communiste Fernand Grenier. Le suspense est à son comble.
1er tour, Chaban obtient une large avance, en cumulant d’ailleurs des voix au-delà du seul groupe gaulliste :
Chaban : 250 voix
Reynaud : 168
Lejeune : 89
Grenier : 12
Après avoir demandé une suspension de séance, Reynaud jette finalement l’éponge.
2ème tour, victoire pour Chaban, qui pour autant ne récupère pas toutes les voix de Reynaud !
Chaban : 355
Lejeune : 132
Grenier : 16
Chaban s’installe dans le fauteuil de président de l’Assemblée nationale, évoquant « l’honneur » qui lui est fait mais aussi « ses devoirs » à la tête de cette institution. Il restera plus de dix ans au Perchoir… et y reviendra à deux reprises par la suite !
Furieux de cette déconvenue, le Général « boude » un temps Chaban jusqu’à ce que Reynaud ait un propos malheureux dans la presse, évoquant l’importance d’une alliance avec les États-Unis, ce qui irrite le président de la République au plus haut point.
Recevant Chaban, il clôt le sujet en quelques mots, n’y faisant plus jamais référence par la suite : « Oh, vous vous en tirez bien avec cette présidence de l’Assemblée nationale. Vous avez bien fait de ne pas suivre la préférence que j’avais pu esquisser. »
Fermez le banc. »
📚Si cette histoire vous a plu, vous pouvez suivre les chroniques de Pierre sur X ou vous plongez dans ses Barons du gaullisme parus début 2024 !