CHRONIQUE : Il s’appelait Georges … Et voulait arrêter d’emmerder les français ! Episode 1 : Gabrielle.

29 septembre 2023

Il s’appelait Georges …

… Et voulait arrêter d’emmerder les français !

 

Episode 1 : Gabrielle.

 

En avril 2024, dans six mois, nous commémorerons les 50 ans de la disparition de Georges Pompidou. Même si beaucoup a déjà été écrit sur l’homme politique, l’homme de lettre, l’homme amoureux… l’éclairage qu’il a porté sur notre société, l’action qu’il a conduite, restent encore trop ignorés. J’ai donc choisi à travers cette chronique en sept épisodes d’octobre à avril, d’aborder quelques aspects de l’œuvre humaniste de Georges Pompidou, et les rebonds qu’elle offre encore aujourd’hui.

Enfant du Cantal, la vie de Georges Pompidou appartient à d’autres lieux, même s’il a gardé toute sa vie l’ombre portée de ses origines. Il restera toujours ce paysan du Cantal, empreint de bon sens, d’humilité, de timidité, parfois d’un certain complexe. Président de la République, la vie de Georges Pompidou appartient à d’autres univers. Il fut un intellectuel. Homme, la vie de Georges Pompidou appartient à une humanité, à un humanisme, qui dépassaient sa personne pour l’élever. Georges Pompidou ne peut se résumer, et demeure un homme multifacette, inclassable, conservateur et moderne, sans doute en avance sur son temps et pourtant repoussant la nouvelle société … Il nous offre incontestablement un élan vers demain.

Ce projet est peut-être né d’une image, rapportée par son épouse Claude, celle du jour où Georges Pompidou a pris la reine d’Angleterre par le bras. « C’est là qu’on voyait qu’il était né à la campagne… Il fallait monter les marches pour rentrer dans l’Elysée ; il ne lui a pas vraiment pris le bras, il l’a soutenue, mais ça ne se fait pas et il ne le savait pas ». Cette liberté est si précieuse.

Et si lors de l’élection présidentielle de 1969, Georges Pompidou avait enfourché le projet de nouvelle société au lieu de le laisser, le 16 septembre 1969, à Jacques Chaban-Delmas ? Cette société « prospère, jeune, généreuse et libérée » est pourtant bien celle de Georges Pompidou. Les ambitions humaines sont majeures et qui mieux que Georges Pompidou, cet humaniste, pouvait conduire ce projet, oser cette rupture, ancrer l’idée de contrat dans la sphère publique. Par la faute à Juillet et à Garaud, nous en avons été privés, sinon la France d’aujourd’hui serait toute autre, mais on ne refait pas l’histoire…

Georges Pompidou a pourtant assoupli et modernisé le rôle de l’État en le rendant plus efficace : autonomie renforcée des services publics, des universités, amorce d’une véritable décentralisation, émancipation et épanouissement de l’individu dans la société, justice et dialogue social par la participation des salariés à la vie de l’entreprise…

Pour ce Cantalien de Paris, plus qu’un berceau, qu’un souvenir de famille, qu’une nostalgie, le Cantal est une demeure. Aussi loin que l’on remonte, Georges Pompidou plonge ses racines familiales dans ce département : un Cantal méridional, et déjà presque lotois, pour l’ascendance paternelle, un Cantal septentrional (l’Artense des marchands de toile) pour l’ascendance maternelle. Mais, outre la naissance et l’ascendance, un troisième lien, public et spectaculaire celui-là, se noue quand l’enfant prodigue, devenu Premier ministre du général de Gaulle, fait retour au pays.  C’est ainsi qu’il fut par deux fois élu député de la deuxième circonscription du Cantal.

Ce projet de chroniques est aussi peut-être né suite aux réponses de Georges Pompidou sur l’affaire Gabrielle Russier. Réagissant par exception à ce fait divers qui posait des problèmes de fond, le Président de la République, visiblement ému par l’évocation de ce drame, a répondu par ces quelques mots, entrecoupés de longs silences : « Je ne vous dirai pas tout ce que j’ai pensé d’ailleurs sur cette affaire. Ni même ce que j’ai fait. Quant à ce que j’ai ressenti, comme beaucoup, eh bien, comprenne qui voudra ! Moi, mon remords, ce fut la victime raisonnable au regard d’enfant perdu, celle qui ressemble aux morts qui sont morts pour être aimés. C’est de l’Eluard. Merci. »

Le poème cité est « Comprenne qui voudra » qui figure dans l’anthologie de la poésie française qu’il a établie. Le poète avait, pour situer son œuvre inspirée par les séquelles de la libération, placé en exergue cette phrase :  » En ce temps-là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait des filles. On allait même jusqu’à les tondre.  » Le texte du poème est la suivant:

Comprenne qui voudra

Moi mon remords ce fut

La malheureuse qui resta

Sur le pavé

La victime raisonnable

À la robe déchirée

Au regard d’enfant perdue

Découronnée défigurée

Celle qui ressemble aux morts

Qui sont morts pour être aimés

Une fille faite pour un bouquet

Et couverte

Du noir crachat des ténèbres

La plus aimable bête

Si Georges Pompidou avait traduit politiquement ses émotions d’homme, nous aurions plus vite, plus tôt, modernisé notre pays. Gabrielle Russier serait devenue ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. La professeur de français de Marseille, à 32 ans, était tombée amoureuse de l’un de ses élèves, âgé de 17 ans. Incarcérée huit semaines pour « détournement de mineur », elle s’est suicidée à la rentrée scolaire suivante.

Modifier notre regard sur l’autre, accepter la différence, reste d’une actualité brulante.

A suivre…

 

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