⏹️ Entre déclin de l’occident et guerre de civilisation …
➿Partage de lectures, de réflexions et d’humeurs dominicales…
➡️ Est-ce Vraiment le déclin de l’Occident que nous avons aujourd’hui sous les yeux ? Cette interrogation n’est évidemment pas neuve, elle revient de façon récurrente depuis la Première Guerre mondiale ; le plus souvent, d’ailleurs, sous la plume des Européens eux-mêmes. Ce qui n’a rien de surprenant, puisque les puissances du Vieux Continent ont effectivement connu un « déclassement » par rapport au rang qu’elles tenaient dans le monde au temps des grands empires coloniaux. Cependant, une bonne partie de leur prépondérance perdue a été « récupérée » par cette autre puissance occidentale que sont les États-Unis d’Amérique. La grande nation d’outre-Atlantique s’est hissée à la première place il y a plus de cent ans ; c’est elle qui s’est chargée de barrer la route à tous les ennemis de son camp ; et elle conserve encore sa primauté par sa puissance militaire, par ses capacités scientifiques et industrielles, comme par son influence politique, culturelle et médiatique dans l’ensemble de la planète. Serait-elle aujourd’hui sur le point de tomber, elle aussi, de son piédestal ? Serions-nous en train d’assister au déclassement de l’Occident tout entier, et à l’émergence d’autres civilisations, d’autres puissances dominantes ?
➡️ Si le déclin semble bien réel et s’il prend parfois les allures d’une véritable faillite politique et morale ; tous ceux qui combattent l’Occident et contestent sa suprématie, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, connaissent une faillite tout aussi grave que la sienne. Ni les Occidentaux, ni leurs nombreux adversaires ne semblent aujourd’hui être capables de conduire l’humanité hors du labyrinthe où elle s’est fourvoyée. On ne peut que s’angoisser de cet égarement généralisé, de cet épuisement du monde, de cette incapacité de nos différentes civilisations à résoudre les problèmes si épineux auxquels notre planète doit faire face. Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres, et qu’aucune, non plus, ne veut être soumise, rabaissée ni marginalisée ; ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus serein, qui ne soit pas fait de guerres froides ou chaudes, ni de luttes interminables pour la suprématie ?
➡️ Gardons nous de chercher des lois universelles, mais constatons que chez tous ceux qui acquièrent une prééminence, existent un début d’aveuglement et un risque d’ivresse. Les dieux rendent arrogant celui dont ils veulent la perte, disaient les Grecs anciens. Dans leur mythologie, où les sentiments étaient représentés par des divinités allégoriques, l’arrogance s’appelait Hubris. Tous les hommes qui parviennent à s’élever au-dessus de leurs semblables, par le statut, par la richesse, par la puissance, par le talent, ou même par la sainteté, croisent, un jour ou l’autre, le chemin de cette tentatrice. Et rares sont ceux qui savent lui résister. La chose est vraie des individus, ainsi que des communautés humaines, et singulièrement des nations.
➡️ Les querelles entre les puissances se réglaient autrefois, en dernière instance, sur le champ de bataille. Mais aujourd’hui ? Avec tous les arsenaux que nous avons accumulés ? Ne voit-on pas qu’un duel entre les deux géants que sont les États-Unis et la Chine, se traduirait par une guerre d’extermination et par un anéantissement généralisé ? Considérer un tel épilogue comme inéluctable, ce n’est pas une vision réaliste, c’est une vision absurde, irréfléchie, irresponsable et même carrément suicidaire.
➡️ Le point de départ de « l’opération spéciale » ordonnée par Vladimir Poutine, c’était la frustration éprouvée par son pays, qui a été pendant un demi-siècle l’une des deux superpuissances globales, dominant la moitié orientale de l’Europe et redoutée par l’autre moitié. Du jour au lendemain, ce statut s’est volatilisé. La superpuissance s’est vue déclassée, démembrée, ruinée, ce qui ne pouvait être vécu par ses ressortissants dans la sérénité. S’agissant des dirigeants occidentaux, ils ont manqué de générosité, et manqué de vision à long terme. Ils auraient dû prévoir qu’une Russie blessée et diminuée serait, pour l’Europe, une bombe à retardement. Il fallait, à tout prix, l’aider à se démocratiser, à se développer, à se reconvertir ; l’aider à retrouver, au sortir de la guerre froide, un tout autre rôle dans le monde, une autre manière de s’épanouir, afin qu’elle puisse donner naissance à une autre génération de dirigeants, qui ne soient ni corrompus, ni prédateurs, ni assoiffés de vengeance. Hélas, rien de cela n’a été fait… Un grand gâchis, indéniablement. Mais qui ne justifie en aucune manière que l’on déclenche une guerre. Moralement indéfendable, cette guerre représente, de surcroît, une stratégie hasardeuse. Au lieu de sortir la Russie de son impasse historique, elle risque de l’y enfoncer davantage. Au lieu de démontrer la fragilité de la nation ukrainienne, elle est en train d’assurer pour longtemps sa place dans l’Histoire. Au lieu d’enfoncer l’Otan dans sa « mort cérébrale », elle lui a permis de sortir du coma, et de retrouver une raison d’être. Mais n’est ce pas le dernier sursaut d’un agonisant? Et au lieu de mettre fin à la prédominance des puissances occidentales, elle pourrait avoir pour conséquence de la « reconduire » pour quelques années de plus, comme une ultime réplique… Si c’est le cas, si l’Occident, dont on ne cesse de prédire le crépuscule, parvient à sortir de cette crise en ayant obtenu un sursis, il faut espérer qu’il saura l’utiliser à bon escient. Non pour régler des comptes, ni pour ostraciser les uns et récompenser les autres, mais pour construire une nouvelle légalité internationale, qui permette de prévenir les conflits et de propager, à travers tous les continents, la prospérité, les libertés fondamentales et la primauté du droit ; tout ce à quoi on aurait dû œuvrer dès la chute du mur de Berlin, et qu’on a omis de faire.
➡️ Si l’Europe et les États-Unis ne profitent pas du sursis que leur offre l’Histoire pour construire enfin un système international dans lequel l’humanité entière pourrait se reconnaître, il est possible que cette opportunité ne se représente plus. Demain, les rapports de force pourraient changer. Une « digue » pourrait céder. Celle de la supériorité militaire, celle du dollar comme monnaie de référence, ou une autre encore, liée à des percées technologiques inattendues. Si l’on est encore dans une logique d’affrontement et de domination, si l’on n’a pas mis en place un mécanisme de solidarité planétaire, les conséquences pourraient en être cataclysmiques. En dépit de toutes ces inquiétudes, le moment d’angoisse que nous vivons pourrait se révéler salutaire ; qu’il pourrait nous amener à concevoir, pour la suite de l’aventure humaine, un autre déroulement, qui ne soit pas simplement la reprise des mêmes tragédies avec d’autres acteurs. Il n’est pas trop tard. Nous avons parfaitement les moyens de sortir de ce « labyrinthe ». Encore faut-il commencer par admettre que nous nous sommes gravement égarés.
➡️ Ce n’est sans doute pas le hasard si le Hamas a choisi de frapper Israël à ce moment de l’histoire. Cette initiative dont on voit bien quels sont les pays qui l’inspirent ou la soutiennent plus ou moins directement, irradie la planète tout entière. L’ONU n’est pas au rendez-vous de l’histoire. C’est une bombe à fragmentation qui a été lancée le 7 octobre dernier, comme une réplique du 11 septembre 2001.
Elle détourne l’attention de la Russie, elle ravive un antisémitisme qu’on croyait disparu, elle fait émerger un front face à la démocratie occidentale en son sein même… Elle amorce une guerre de civilisation face à laquelle nous n’avons cessé de nous désarmer depuis 50 ans par l’incurie de nos politiques migratoires et le fantasme d’une mondialisation heureuse qui désormais devient un élément repoussoir et fédérateur d’une idéologie qui retrouve le chemin des croisades.
➡️ Le moyen âge est de retour, avec ses barbaries, ses replis identitaires et religieux, l’absence de toute tolérance, mais dans un monde ouvert, mobile, instantané, au sein duquel l’information, et surtout la désinformation, circule à la vitesse de la lumière. Le danger est là, il est grand. Notre planète est certes malade de mains dérèglements, mais plus encore de la folie d’idéologies face auxquelles nous ne devons montrer aucune complaisance. Nous devons nous protéger et sortir de tout angélisme face à ceux pour qui l’antisémitisme n’est qu’un symbole, qu’une étape. Ne nous y trompons pas.