Debut de l’examen en séance publique du PLF 2023 au Sénat

18 novembre 2022

🏛️ Debut de l’examen en séance publique du PLF 2023 au Sénat.
👉 J’intervenais dans le cadre de la discussion générale qui porte sur l’ensemble du texte avant d’engager l’examen article par article et des 1703 amendements déposés qui va nous occuper dans les 20 jours qui viennent , jusqu’au vote du texte le 6 décembre prochain.
👉 Les Ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal ont présenté le budget proposé par le Gouvernement qui vise à répondre à l’urgence tout en garantissant la préparation de l’avenir et une certaine discipline budgétaire. Si on peut partager certaines orientations, nous proposerons des inflexions importantes rappelées notamment par le Rapporteur Général du Budget, Jean-Francois Husson, rappelant notamment les inégalités sociales et territoriales accrues par l’inflation énergétique.
👉 Retrouvez par écrit 📑 ou en vidéo 🎥 mon intervention.
Je reviendrai sur les avancées obtenues, notamment pour nos collectivités : renforcement des ressources (DGF et FCTVA), bouclier énergétique, retour à la libre gestion de la taxe d’aménagement par les communes, maintien du niveau favorable d’augmentation des bases…
A suivre.
💬 Nous voilà donc face à cet Everest ! Ce budget impossible et pourtant nécessaire, un budget qui doit encore faire face à l’urgence et qui devrait aussi répondre à sa fonction première, celle de préparer l’avenir, de proposer un cap.
En ce sens il doit s’inscrire dans une trajectoire, celle de la programmation pluriannuelle de nos finances publiques dont j’espère notre pays disposera avec le cadre que le Sénat a retravaillé en responsabilité.
Dans le contexte particulier du rejet à l’Assemblée Nationale de ce texte, nous avons décidé d’adopter un projet réécrit, qui semble hélas déjà dépassé, avec enfin un effort des administrations centrales calqué sur celui demandé aux collectivités territoriales (inflation moins 0,5), pour aboutir à une trajectoire plus ambitieuse, que vous nous avez dit vouloir désormais partager, et retrouver en 2025 des niveaux de déficit et de dette plus acceptables, bien qu’encore élevés.
Si nous pouvons partager la volonté de mieux coordonner politique monétaire et politique budgétaire, veiller à un meilleur partage de la valeur en faveur du travail, renforcer notre indépendance énergétique, nous ne pouvons ni souscrire à des hypothèses macroéconomiques trop optimistes, ni à l’absence de réformes structurelles qui limite la crédibilité de l’exercice comme l’a rappelé ma collègue Christine Lavarde.
Nous vous proposerons donc plusieurs voies pour y remédier sans renoncer à une ambition pour notre pays, en vous proposant 4 milliards d’économie et sortir enfin du « quoi qu’il en coûte ».
L’examen des principaux éléments de l’équilibre, ou plutôt du déséquilibre, du PLF 2023 que vous nous présentez MM les Ministres ne manque en effet pas d’inquiéter à cet égard. Un scénario macroéconomique incontestablement trop optimiste, une inflation durable, estimée à 5,4%, pour 2023 et peut-être sous-estimée, un niveau de déficit exceptionnellement élevé (qui est passé de 67 milliards en 2017 à 158,5 milliards en 2023), une explosion de la dette et de son coût. La charge de la dette va en effet atteindre 57 milliards contre 38,6 en 2022 avec des taux d’intérêt qui vont dépasser les 3% pour la première fois depuis 10 ans et encore avec des doutes sur sa réelle sincérité …
La dette : son poids, son évolution, ses flux comme son stock, ses fondements qui ne prennent racines que dans nos dépenses de fonctionnement, est la source majeure des inquiétudes et du manque de lisibilité qui frappent notre pays, comme l’a rappelé notre Rapporteur Général Jean-François Husson.
Son niveau fixé à 111,2% du PIB dans le PLF 2023, et sans doute plus haut encore, va nous contraindre d’emprunter le montant record de 270 milliards d’euros sur les marchés financiers. 2023 est bien le rendez-vous que nous avions annoncé avec le mur de la dette.
Nous n’avons cessé de vous alerter sur ce risque. Un point de taux d’intérêt en plus, c’est au bout de 10 ans un coût supplémentaire de 40 milliards d’euros, soit quasiment le budget actuel de la Défense !
Face à ce mur, une structure de nos finances publiques déjà dégradée qui les rendent confiscatoires et trop souvent inefficace. 2 chiffres déjà dégradés par rapport au PLPFP :
44,7% de taux de prélèvement obligatoire,
56,6% de taux de dépenses publiques.
Des mesures plus radicales, des choix tranchés et lisibles sont donc nécessaires.
Vous le savez, nous partageons avec vous la nécessité de réduire les prélèvements obligatoires déjà trop élevées dans notre pays. Au regard du contexte, nous vous proposerons, sans la remettre en cause, des aménagements quant à la suppression de la CVAE, pour garder un lien au territoire et assurer une dynamique de la ressource pour les collectivités via une compensation efficiente ou un dégrèvement. Alors que la réindustrialisation de notre pays est lourdement remise en cause par la hausse de l’énergie en Europe, la baisse de nos impôts de production et le pari de baisser les taux pour voir le rendement s’améliorer, comme on l’a constaté pour l’IS, est bien nécessaire. Mais cela ne suffira pas.
Pour ma part, je proposerai des amendements pour engager un réel effort sur la dépense fiscale et sociale qui pèse prés de 130 milliards d’euros dans notre pays pour d’une part rendre toute niche fiscale bornée dans le temps, et d’autre part engager une trajectoire de baisse de 10% par an de la dépense fiscale. De même, je porte l’idée qu’il faut s’interdire toute baisse de TVA dont l’effet sur les prix et le pouvoir d’achat est plus qu’aléatoire, alors qu’elle prive l’Etat et désormais les collectivités de ressources.
Quant aux postes de dépenses, je peux m’attarder que sur deux d’entre eux : ceux liés à la mobilité et surtout les soutiens accordés aux collectivités territoriales, qui d’ailleurs ne sont pas une dépense, mais bien d’autres le nécessiteraient aussi (santé, éducation, économie…).
En qualité de rapporteur spécial aux transports, j’aurai l’occasion de m’exprimer plus largement lors de l’examen de cette mission. Si la trajectoire de la LOM est respectée grâce au plan de relance, nous savons tous ici, et nous l’avons dénoncé avec mon collègue Hervé Maurey dans notre rapport sur le système ferroviaire français, que nous ne répondons pas aux enjeux qui sont les nôtres : nos infrastructures ont besoin de 100 milliards d’euros d’investissement, notre matériel roulant attend encore des moyens de modernisation, nous vivons déjà une contraction de l’offre, qui risque de s’amplifier, alors que nous devrions susciter la demande pour améliorer notre trajectoire carbone, tout en répondant à des enjeux de pouvoir d’achat de tous.
Je sais, nous savons tous, que les réponses ne sont pas simples, mais désormais elles revêtent même une dimension démocratique avec l’instauration des ZFE par exemple, ou les usages en territoires périphériques, qui risquent d’exclurent nombre de français de notre société. Nous risquons d’accroître les fractures et de renforcer la cohorte des « dépossédés », de tous ceux qui se sentent exclus du monde qui advient alors qu’ils travaillent et constituent une majorité exclue d’un modèle qu’une élite bien-pensante veut lui imposer.
Alors oui, osons. Osons innover pour enfin investir, pour enfin moderniser nos voies ferrées, car bientôt toutes seront concernées, mais aussi certaines routes encore. Comment ? Grand emprunt ? Je crains que nous n’en ayons plus les moyens. Grand projet européen ? je crains que nos faiblesses ne nous le permettent plus. Société de projet ? Pourquoi pas, la SNCF nous promet des retours sur investissement à 3 ans et demi sur certains investissements majeurs. La débudgétisation, la sortie de l’annualité, les perspectives offertes à 10 ou 20 ans avec la mobilisation de fonds verts et des partenariats publics privés doivent pouvoir nous le permettre. Essayons, essayons vraiment !
Ce budget confirme aussi que le seul facteur de déséquilibre est constitué par le budget de l’Etat, alors que les collectivités sont à l’équilibre et que la sécurité sociale s’en rapproche, même si ses perspectives inquiètent.
D’où mon dernier point sur les territoires et les collectivités.
Commençons par rétablir la confiance. Nous avons supprimé l’article 23 du Projet de loi de programmation pluriannuel qui prévoyait un encadrement des dépenses des collectivités territoriales alors que celles-ci n’aggravent pas le déficit. L’attachement aux libertés locales n’est pas compatible avec un encadrement de leurs dépenses mais appelle plutôt à une lisibilité autour d’un pacte de confiance pluriannuel. Le système de contrôle et de sanction proposé n’est pas acceptable. Comment pouvez-vous le réintroduire dans ce PLF au détour du 49-3 à l’Assemblée, avec son avatar de l’article 40 quater ?
La première urgence est donc de revenir sur cette disposition si vous voulez confirmer que l’exécutif est «ouvert aux propositions» du Sénat comme le Gouvernement le déclare et faire confiance aux collectivités qui ont montré qu’elles en étaient dignes.
S’agissant des dépenses des collectivités, et sans entrer dans les chiffres, rétablissons quelques vérités :
🔜Les collectivités territoriales ne sont pas un problème pour les comptes de la nation. Les dotations ne sont pas des subventions de l’Etat, elles ne sont pas un don, mais un dû. Car elles sont la contrepartie à l’euro constant près, soit de la nationalisation d’une fiscalité jusqu’alors locale, soit d’un transfert de charges relevant de l’Etat vers les collectivités. C’est en cela que le principe constitutionnel (article 72) de libre administration des collectivités, essentiel à la vie démocratique, ne doit plus être bafoué.
🔜Au fil des années, plus l’Etat a prélevé dans les finances locales pour ses besoins, plus son propre déficit s’est accentué. Depuis 2014, 46 milliards d’euros ont ainsi été piochés dans les budgets des collectivités par un Etat dont le déficit est reparti à la hausse depuis 2018, soit avant la Covid. Ce qui est d’autant plus pernicieux que les excédents de fonctionnement des collectivités territoriales améliorent la présentation à Bruxelles des comptes publics de l’Etat.
🔜Mais au-delà des difficultés rencontrées à l’échelle « micro », par chaque commune, la désindexation des dotations générera au plan macro-économique un effet récessionniste, qui nous guette déjà à bien des égards. L’hypothèse de croissance en 2023 retenue par le gouvernement est de 1 %. Ce chiffre faible, et déjà optimiste, sera revu à la baisse si les collectivités territoriales, qui ne représentent en France que 19 % du total de la dépense publique (contre une moyenne européenne proche de 40 % selon le degré de décentralisation) mais assument plus de 70 % du total de l’investissement public, se voient privées de leur capacité d’autofinancement en raison de l’effet de ciseaux de la dynamique des charges qu’elles subissent et de l’atonie de leurs ressources. Car là est bien le véritable sujet, celui de l’autofinancement des collectivités.
🔜Ne pas garantir en euros constants les recettes supposées appartenir aux collectivités via le produit du résidu de fiscalité locale et surtout des dotations qui s’y sont substituées, remettra en cause leur vertu contracyclique de soutien à l’activité en période de difficulté, et donc générera un effet récessionniste. Cela nécessitera que nous l’examinions sans tabou.
Nous avions défendu lors des « Dialogues de Bercy » le maintien de la dynamique des bases fiscales sur la fiscalité locale (+7%) : c’est une mesure importante de stabilité des règles et de respect de l’autonomie financière des collectivités. Je me réjouis qu’à ce stade nous soyons entendus.
Côté dépenses, les collectivités devraient pouvoir bénéficier de dispositifs de soutien renforcés face aux prix de l’énergie, comme nous le demandons depuis des semaines, dans l’attente d’une révision à l’échelle européenne du prix de référence de l’électricité. J’insiste sur ce point qui me semble crucial, pour les particuliers, les entreprises et les collectivités, car il nous exonérerait de bien des efforts budgétaires, qui risquent d’aller bien au-delà de 2023, et je vous interroge pour savoir si le Gouvernement pense pouvoir obtenir de la part de l’Europe le régime ibérique.
Bruno Le Maire nous a dit que l’Europe doit faire bloc, il semble pourtant, hélas, que ce soit de moins en moins vrai…
A ce stade, vous avez confirmé pour les collectivités une enveloppe de 1,5 milliards d’euros, sans doute insuffisante, avec des simplifications dans sa mise en œuvre pour 2023. Des précisions doivent encore être apportés, et si pour les plus petites communes, des réponses existent avec le bouclier tarifaire pour celles qui achètent leur énergie en tarif réglementé, encore que des précisions doivent être apportées sur la question du seuil de 10 salariés en particulier, ce dispositif simple pourrait être transposé à toutes, plutôt que de conjuguer de manière bureaucratique bouclier, amortisseur et filet de sécurité, qui semblent bien complexe. Nous ferons pour le moins des propositions pour simplifier et rendre effectif ce filet de sécurité.
La discussion va s’engager de manière constructive et responsable dans cet hémicycle. Notre groupe y participera activement.
Nous allons pouvoir vérifier dans les jours qui viennent si vous voulez donner lisibilité et efficacité à notre dépense publique, pour renouer avec la confiance et l’espérance. 💬

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