🏛️ Audition de François Baroin, ancien Ministre, ancien Président de l‘AMF.
👉 Dans le cadre du groupe de travail Décentralisation du Sénat, et sous la houlette des rapporteurs généraux, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, nous avons eu la chance d’auditer Francois Baroin, Maire de Troyes, à la riche expérience politique (tour à tour Ministre de l’Interieur et de l’aménagement du territoire, des Finances et de l’Economie, du Budget, des Territoires d’Outre-mer, mais aussi ancien député et ancien sénateur), pour qu’il nous fasse part de sa vision de notre système institutionnel d’organisation territoriale et en fait de son sauvetage.
👍Ce fut un moment fort, avec le développement clair et ambitieux d’une une vision à la fois empreinte de hauteur et de pragmatisme, une vision à 360 degrés, comme peu de responsables politiques en ont aujourd’hui. Merci aussi à lui pour sa simplicité et son humilité.
💬 Notre pays a besoin d’une grande loi de liberté locale pour permettre à la fois la réforme de l’Etat, aujourd’hui en proie à l’impuissance, le Covid l’a particulièrement révélé, et de renouer avec le contrat social qui nécessite une proximité et une responsabilité locale accrue.
💬 Culturellement l’Etat n’a en fait jamais accepté la décentralisation dont l’ambition a toujours été depuis 1982 de libérer les énergies. L’Etat est resté cantonné dans une approche d’imposition et non de coordination. La dégradation des finances publiques n’a fait qu’accélérer ce mouvement, l’Etat appelant à l’effort de tous les acteurs publics, cherchant à renforcer, surtout à partir de 2015, la course à la taille (des communes, des intercommunalités, des régions) pensant qu’elle était source d’économie, mais en fait confondant taille et puissance. Pourtant 51% de la population française habite dans des communes de moins de 10.000 habitants.
💬 A partir de 2015, une recentralisation massive et accélérée s’est engagée, avec une rationalisation de la fiscalité locale et un État plus producteur de normes que jamais. Ce même État devenu opérateur fiscal, en supprimant pratiquement toute fiscalité locale, a engagé une régulation budgétaire par le haut, considérant les collectivités comme des « filiales » ou des opérateurs. L’Etat ne cesse depuis de recentraliser, de réduire l’autonomie fiscale et d’imposer des schémas directeurs d’actions.
Cette voie est manifestement inefficace, mais plus encore constitue une faute constitutionnelle et un « péché » au regard de l’intérêt local.
💬 Plus que jamais, nous avons besoin de renforcer les libertés locales. Cela appelle un véritable choix politique sans remettre en cause ni les niveaux, ni les périmètres, de collectivités existants.
💬 La nécessité d’un grand texte de liberté locale, dont le pendant est la responsabilité de ces mêmes collectivités territoriales, est impérieuse. La crise sanitaire a encore amplifié son absolue nécessité. En outre, il s’agit à la fois de mettre un terme à l’impuissance de l’Etat et de répondre à une aspiration forte de la population. Cette crise a d’abord été une crise de logistique qui a montré le caractère inopérant de la centralisation et plus encore celui de ministères comme celui de la santé qui ne savent que normer et gérer les grands ensembles comme les hôpitaux.
💬 Quelques pistes de transferts de compétences qui semblent devoir s’imposer :
👉 La santé : avec un pilotage régional via des ARS placées sous la coprésidence des Présidents de Region ou via une nouvelle gouvernance ; avec le rétablissement du Maire comme Président du Conseil d’Administration des hôpitaux et un transfert des bâtiments hospitaliers et des personnels techniques aux communes ; avec une sortie du copilotage du médico social qui pourrait être intégralement confié aux Départements.
👉 Le logement : transfert intégral aux communes ou à l’intercommunalité de l’ensemble de cette compétence en lien avec le déploiement des PLUI, peut-être avec l’instauration de PLUI thématique et un renforcement des SCOT.
👉 La culture, le tourisme et le sport : transfert renforcé, en particulier au niveau du patrimoine, aux collectivités territoriales, avec un rôle de l’Etat limité à quelques orientations de politiques nationales.
👉 L’économie et l’emploi : intégralement transférés aux Régions.
(Bien d’autres clarifications de transferts de bloc entier de compétences seront sans doute nécessaires mais l’objet n’était pas d’épuiser le sujet).
💬 L’autonomie fiscale est une condition constitutionnelle de ce nouvel acte qui nécessite que chaque strate dispose d’une taxe affectée en lien avec sa vocation principale, par exemple : part de fiscalité additionnelle à la TVA ou à l’IS pour les Régions, part additionnelle de CSG en faveur des Départements, fiscalité économique pour l’intercommunalité, fiscalité résidentielle sur tous les habitants pour la commune.
A ce titre, une loi de finances (et non de financement) des Collectivités Territoriales s’impose pour créer les conditions d’un véritable pacte reconnu et défendu par le conseil constitutionnel en créant les conditions d’un équilibre garanti par la plus haute juridiction, avec un « article 40 inversé » qui interdirait de faire porter des charges nouvelles et non négociées, par la norme ou le transfert de charges, aux collectivités. Cette nouvelle gouvernance est indispensable, comme doit l’être l’instauration d’une véritable « règle d’or » pour l’Etat afin d’en finir avec les déficits endémiques.
💬 Aujourd’hui le discours souvent méprisant et hors sol de l’Etat n’est plus acceptable, d’autant que c’est cet État qui est responsable de 80% de la dette, alors que la sécurité sociale ne l’est qu’à hauteur de 10% et les collectivités territoriales de 9,5% (sont seulement 4,5% pour le bloc communal), alors qu’elles portent l’essentiel de l’investissement. Pourtant au cours de ces dernières années, l’effort a été porté à plus de 35 % sur les collectivités territoriales. En conséquence, soit l’Etat devient un acteur de cette évolution disruptive, soit il se la fera imposer. Tous les pays européens sont sur un schéma de type fédéral qui est aujourd’hui réclamé par nos concitoyens. Le nouveau modèle ne peut être ni tout à fait le même, ni tout à fait différent. Il devra prendre en compte la différenciation, la singularité, l’équité, mais ne saurait s’écarter de cette formule chère aux territoires d’outre mer : « Être soi même en étant ensemble ». De même que la formule désormais ancrée du « qui paye décidé et qui décide paye » doit être respectée. Il devra aussi être respectueux de notre histoire, de notre culture, même s’il devra résolument répondre à l’enjeu d’une véritable décentralisation politique.
💬 Une réforme constitutionnelle touchant aux articles 72, 73 et 74 de la Constitution en particulier, mais aussi au nouveau cadre financier qui doit être constitutionnalisé, est nécessaire. De même le recadrage des missions de la Cour des comptes et des Chambres régionales des comptes qui ne doivent exercer de ni contrôle à priori, ni de contrôle d’opportunité sur les collectivités, doit être assuré. De même encore, le rappel de l’origine des dotations qui ne sont pas des subventions, en particulier pour préserver l’investissement des collectivités, nécessité d’arrêter une définition constitutionnelle reconnue et garantissant avec l’autonomie fiscale la libre administration des collectivités.
👉 Cette audition sera précieuse pour construire nos propositions en faveur d’une ambition décentralisatrice qui est plus que jamais une nécessité.