⚫️ Agriculture et ruralité, tout notre modèle est remis en cause : Les multiples raisons de la colère des agriculteurs.
🔳 Michel Houellebecq, auteur notamment en 2019 de Sérotonine, est sans conteste le meilleur sociologue anticipateur de notre époque. Nous vivons aujourd’hui sa description du malaise du monde paysan, la révolte désespérée du pan essentiel de notre ruralité. C’est la conséquence d’une inquiétante vision décroissante qui s’appuie sur une contre vérité que l’on veut nous imposer : « l’Europe serait la première coupable du réchauffement climatique », et sur une immense prétention : « nous serons la région du monde la plus vertueuse ». D’où l’ivresse normative pour le pacte vert ou la restauration de la nature, qui semble vouloir ignorer l’homme, et la première de ses activités qu’est l’agriculture, pourtant partie essentielle du vivant. Conséquence, les agriculteurs ont commencé par retourner les pancartes des villes et des villages pour nous dire que l’on marche sur la tête, que certains mettent notre pays à l’envers. Ce message était sans doute trop discret, trop lointain pour être entendu, mais voilà que la colère prend de m’ampleur et que l’affolement gagne le gouvernement alors que l’impuissance semble régner, tant qu’il restera là aussi prisonnier d’un « en même temps » mortifère. Souhaitons que le nouveau Premier Ministre saisisse ici l’opportunité d’en sortir…
🔳 Baisse du revenu, restriction de l’accès à l’eau, multiplication des normes, épidémie, les agriculteurs manifestent leur exaspération. Il est encore temps de les entendre pour garder notre souveraineté alimentaire, mettre en place une protection européenne, reconnaître des libertés et différenciations nationales, leur permettre de vivre de leur travail et admettre enfin qu’ils sont les meilleurs acteurs de nos paysages, de notre biodiversité et de l’équilibre de notre environnement.
🔳 La crise traverse tous les pays européens et il est urgent d’y répondre. Les raisons de la colère sont nombreuses, toutes renvoient d’abord à un choix de société, à une reconnaissance de cette profession essentielle et pourtant aujourd’hui vilipendée, mal aimée. Il est en effet temps que notre pays remette là comme ailleurs sa tête à l’endroit.
🔳 D’abord la baisse des revenus agricoles est inacceptable. Les agriculteurs redoutent une remise en cause de la loi Egalim, censée protéger leurs revenus, alors que les discussions entre industriels de l’agroalimentaire et distributeurs s’achèvent le 31 janvier. Dans le cadre de la loi, le coût des matières premières agricoles doit être sanctuarisé. Mais pour faire baisser l’inflation, les distributeurs mettent la pression. Au final, les agriculteurs craignent de faire les frais de cette guerre des prix. Selon l’Insee, le revenu agricole devrait reculer de 9 % en 2024, après deux années de hausse liée surtout à l’envolée du prix des céréales, donc qui ne concerne pas ou peu nos éleveurs. Dans le même temps, les Français refusent de payer plus cher leur alimentation, après un pic de l’inflation de plus de 20 % sur deux ans, et on peut le comprendre. La réponse politique doit donc être double : garantir les prix en intégrant bien les coûts de production et augmenter enfin le salaire net de chacun par une modification du financement de notre protection sociale reposant moins sur le travail. C’est un autre sujet essentiel.
🔳 La pression environnementale est sans solution, il faut l’adapter. L’utilisation de produits phytosanitaires est plus restrictive en France que dans le reste de l’Europe. Pour protéger la santé humaine, l’Agence nationale de sécurité sanitaire interdit ou réduit leur usage, alors qu’ils restent parfois autorisés dans le reste de l’Europe. Producteurs de cerises, betteraviers, céréaliers y ont été confrontés. Les agriculteurs réclament d’autres solutions, avant toute interdiction. On ne peut plus imposer en France des règles plus strictes qu’ailleurs en Europe, donc plus aucune surtransposition ne doit être opérée. D’autres questions touchant à l’équilibre entre l’environnement et l’agriculture, comme la limitation de la protection du loup ou de toute autre espèce protégée prédatrice de troupeaux, doivent aussi trouver de nouvelles réponses qui protègent les éleveurs. De même, l’évolution de la taxation du GNR doit être reconsidérée, les engins agricoles ne disposant pas d’alternatives décarbonées.
🔳 La crise de l’eau concerne l’agriculture en premier chef. Les agriculteurs sont en effet les premières victimes du changement climatique. Le manque d’eau est une forte préoccupation. Mais deux ans après le « Varenne de l’eau », un plan lancé par le gouvernement, rien n’a avancé. Combien de mètres cubes supplémentaires sont stockés depuis ? Quasiment aucun ! L’accès à l’eau reste un sujet polémique, comme l’a montré la violente manifestation « anti-bassines » de Sainte-Soline. Si des évolutions de pratiques sont nécessaires, il faut respecter le bon sens paysan en revoyant la réglementation de l’environnement pour permettre de stocker de l’eau quand elle tombe, pour pouvoir de nouveau intervenir sur les cours d’eau, nous évitant en outre par là même des catastrophes naturelles.
🔳 Les crises locales et sectorielles s’ajoutent à cet ensemble de difficultés. La grippe aviaire a fragilisé toute la filière des volailles. Les producteurs de foie gras, de poulets et d’œufs ont été fragilisés, avec la disparition de plus de 25 millions de volatiles. La vaccination devrait limiter les dégâts, mais les abattages continuent, car le vaccin, s’il réduit la contagion, ne supprime pas le risque d’infection. Les éleveurs de bovins font, eux, face à la maladie hémorragique épizootique. La crainte est qu’elle se généralise à toute la France. Le Bordelais est, lui, face à une crise viticole sans précédent, due, en partie, à un changement des modes de consommation. La liste est longue…
🔳 La complexité administrative qui est présente là comme ailleurs rend parfois insupportable pour les agriculteurs cette France à deux vitesses qui pénalise ceux qui travaillent. Des normes qui s’empilent, des procédures de plus en plus lourdes : les agriculteurs dénoncent la complexité administrative. Installation d’un jeune agriculteur, construction d’un nouveau bâtiment, demande d’aides de la PAC, encaissement des aides dues, les démarches sont de plus en plus lourdes, et l’exigence ne fonctionne que dans un sens. Elles demandent beaucoup de temps, qui s’ajoute à leurs heures de travail. Ce week-end, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a promis une loi de simplification pour le printemps. Peut-on encore y croire ? C’est pourtant essentiel de débureaucratiser notre agriculture, comme toute notre société. Chaque jour on découvre une nouvelle aberration du système.
🔳 L’Europe et la souveraineté alimentaire sont enfin au cœur des griefs. Le Pacte vert européen pourrait aboutir à un recul de 15 % de la production. Ce qui va nécessiter d’importer des pays tiers ne respectant pas les mêmes normes que l’Europe. C’est une aberration totale imposée par la commission européenne sur laquelle il est urgent de revenir. On veut du vert, de l’environnemental, du bien-être animal et, en même temps, on ouvre les vannes de l’importation, à l’impact carbone des importations qui polluent bien plus que nos productions. Cela ne peut plus être compris. Les agriculteurs réclament des mesures miroirs dans le cadre de l’accord de libre échange et en particulier entre l’UE et le Mercosur, autrement dit : les mêmes standards de production pour les produits importés, traités avec des substances bannies parfois depuis plus de vingt ans en Europe. Dans le même temps, les NBT, ces nouvelles techniques génétiques qui permettent de sélectionner des plantes consommant moins d’eau et résistantes à certains insectes, ne sont toujours pas autorisées par la commission européenne. L’Europe doit protéger notre agriculture et accompagner nos agriculteurs, dans une vision moins productiviste et plus respectueuse de l’environnement bien-sûr mais aussi soucieuse de préserver notre souveraineté alimentaire et surtout en laissant vivre l’intelligence du terrain. Nos zones de montagne en particulier où il n’y a guère d’alternative à l’élevage doivent faire l’objet d’un regard et d’un soutien particulier. La baisse des montants versés au titre de la PAC enclenchée en octobre dernier et les retards dans les paiements pénalisent nos agriculteurs et les négociations sur les prochains budgets européens font craindre que nos intérêts ne soient pas préservés pour l’avenir. C’est une ligne de fracture inacceptable qui nécessite de sortir de l’ambiguïté pour faire le choix de notre agriculture et donc de notre ruralité.
🔳 Il faut que la France, grande puissance agricole, pèse sur l’Europe et décide de son avenir. L’agriculture, la ruralité, sont aujourd’hui les vigies d’une démocratie agonisante. Il est temps de respecter ceux qui nous nourrissent, comme ceux qui font vivre le pays profond. Pour cela, il faut une agriculture forte et respectueuse d’une ruralité vivante qui dispose de services publics de l’éducation et de la santé en particulier dignes de ce nom. Seule la reprise de possession de notre avenir à chaque niveau peut le permettre dans une approche décentralisée et de vraie subsidiarité.
➡️ Révision de la politique agricole commune de l’UE qui contraint nos moyens de productions.
➡️ Stop aux sur transpositions.
➡️ Accès aux facteurs de production compétitifs : innovation, eau …
➡️ Stop à la paperasse
➡️ Valorisation des services environnementaux rendus par l’agriculture.
➡️ CONSIDERER avec respect nos agriculteurs.
➡️ En Mai 2023, nous votions au Sénat la PPL pour un choc de Compétitivité de la Ferme France.
Et si nous étions enfin écoutés ?
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