Hydroélectricité : un rapport parlementaire explore les pistes pour sortir de l’impasse juridique avec Bruxelles

15 mai 2025
🏛️ Hydroélectricité : un rapport parlementaire explore les pistes pour sortir de l’impasse juridique avec Bruxelles.
👉 Depuis longtemps j’interpelle, avec plusieurs collègues, le Gouvernement sur la question du renouvellent de nos concessions des barrages hydroélectriques, essentiels à la production d’une électricité decarbonnée mais aussi aux finances de nos collectivités. J’interpellerai le Gouvernement via une nouvelle question orale sur ce sujet mardi prochain. Ce sera l’occasion de préciser ses intentions suite au travail parlementaire rendu par les députés cette semaine.
👉 En effet, dans ce cadre, les rapporteurs de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’avenir des barrages hydroélectriques ont rendu cette semaine leurs conclusions. Rappelons que lesdits barrages font l’objet d’un bras de fer depuis plus de vingt ans entre la France et Bruxelles autour de leur ouverture à la concurrence, privant la filière de visibilité au moment où elle représente plus que jamais un enjeu énergétique national. Ces installations constituent, entre autres, un moyen de stockage de l’électricité, crucial dans un mix énergétique qui accorde une part croissante aux renouvelables. Le régime des concessions hydroélectriques est l’objet d’un « entre-deux juridique qui perdure et s’aggrave au fil du temps », pointe le rapport, alors que la France est actuellement visée par deux procédures précontentieuses initiées par Bruxelles en 2015 et 2019. Des procédures « liées à des enjeux concurrentiels », portant spécifiquement sur « la position dominante d’EDF » et l’absence de
remise en concurrence des concessions hydroélectriques lors de leur renouvellement. Nous
sommes totalement unanimes pour dire que la mise en concurrence n’est pas la solution. Mais pour la Commission européenne, le maintien ou le renforcement d’une position dominante ne serait pas acceptable, même sans abus caractérisé. Une telle situation est singulière en Europe, car la France est le seul pays européen encore concerné par une procédure précontentieuse. D’autres Etats membres, mis en demeure en 2019 pour des raisons similaires, ont depuis vu leur procédure classée. Ce gel de la situation traduit plus fondamentalement la frilosité des gouvernements français successifs à mettre en œuvre cette ouverture à la concurrence, ou à lui trouver des alternatives.
👉L’incertitude juridique qui en découle a des conséquences économiques directes, en bloquant les investissements nécessaires au maintien et au développement du parc hydroélectrique. Et de
rappeler que la Cour des comptes soulignait dès 2022 la nécessité de débloquer rapidement la situation « afin d’éviter que la gestion d’ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu’il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique ». Face à une telle impasse, la mission a exploré différentes options pour mettre fin aux précontentieux, et définir un régime juridique sécurisé de l’exploitation des ouvrages hydroélectriques.
👉Trois pistes principales ont été analysées : la quasi-régie, le passage à un régime d’autorisation, et la révision de la directive européenne.
1️⃣ La solution de la quasi-régie, qui consiste à confier l’exploitation des ouvrages à une entité contrôlée par l’Etat sans mise en concurrence, a été écartée par une très large majorité des membres de la mission. Bien que compatible sous certaines conditions avec la directive « Concessions », cette option présente des inconvénients majeurs aux yeux des rapporteurs. Pour répondre aux exigences de contrôle, elle impliquerait de fait la création d’une « muraille de Chine » entre l’activité hydroélectrique et le reste du groupe EDF. De quoi « perdre d’importantes
synergies », notamment « l’optimisation conjointe des parcs nucléaire et hydroélectrique ». Le modèle
économique de l’entité dédiée s’en trouverait fragilisé, et cette solution est dès lors « largement
refusée », notamment par les exploitants et certaines organisations syndicales. En outre, une
séparation des activités hydroélectriques du reste des activités d’EDF réveille les craintes qu’elle
marque le début d’une fragmentation de notre champion national.
2️⃣ Le passage d’un régime de concession à un régime d’autorisation, couramment utilisé pour d’autres moyens de production d’électricité en France et dans plusieurs Etats-membres, est quant à lui jugé réaliste par le rapport. Il est « plus adaptable » et permettrait de définir unilatéralement par la
puissance publique des prescriptions pour l’opérateur, inspirées des cahiers des charges actuels. Un tel schéma est évalué comme compatible avec le respect des critères relatifs à la sûreté, à la
sécurité d’approvisionnement et au partage de la ressource en eau. C’est la solution qui recueille
la plus forte adhésion parmi toutes les personnes auditionnées par la mission d’information, y compris EDF et la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Pour autant, le passage à l’autorisation soulève la question sensible du « transfert de la propriété des ouvrages aux exploitants actuels », et donc la perte de leur propriété publique. Notant que le droit européen et français n’impose pas que l’exploitant soit propriétaire, le rapport souhaite « idéalement, ne pas céder les ouvrages » afin de préserver la propriété publique, et donc la souveraineté. Si des cessions
intervenaient néanmoins, il faudrait définir un prix conforme au droit européen des aides d’Etat, et
encadrer strictement toute cession ultérieure, par exemple via un régime de quasi-domanialité
publique..
La bascule vers ce régime – inédite à cette échelle – nécessiterait un « encadrement strict », avec des
prescriptions législatives et réglementaires pour garantir la sécurité d’approvisionnement, la sûreté,
la gestion de l’eau, le maintien de la qualification d’ouvrage public et la préservation des
redevances locales. De plus ces solutions ne seraient que partielles, car il faudrait lever le
deuxième contentieux de la position dominante d’EDF, et probablement proposer des mesures
compensatoires.
3️⃣ Pour une révision de la directive « Concessions »
Si aucune option ne fait l’unanimité, la mission appelle surtout « à défendre absolument » à Bruxelles la
révision de la directive « Concessions », en partant du principe que « le régime concessif – sans remise en
concurrence – demeure le plus adapté à l’exploitation des ouvrages ». La Commission européenne a
elle-même engagé fin 2024 un processus de consultation en ce sens. Le rapport estime la reconnaissance des spécificités de l’hydroélectricité « plus que légitime », au même titre que les activités du secteur de l’eau qui ont été exclues du champ de la directive. « L’hydroélectricité ne peut être traitée comme n’importe quelle activité économique. Comme l’eau, les ouvrages hydroélectriques
sont des biens communs », insistent les rapporteurs. Selon eux, cette dernière solution présente « le plus
haut degré de sécurité juridique pour les exploitants » et « préserverait la propriété de l’Etat sur les
ouvrages […] et ne changerait rien au fonctionnement des entreprises en place ». Cependant, son « issue
est incertaine » et prendrait du temps, est-il admis.
Pour faciliter la clôture des procédures et « amoindrir le risque d’une contestation ultérieure par les
concurrents », la mise en place de contreparties pourrait être déterminante pour la Commission
européenne, avance aussi le rapport.
👉 Le statu quo n’est plus tenable si l’on souhaite relancer les investissements, et la sortie de cette impasse juridique apparaît indispensable pour l’avenir du secteur hydroélectrique en France, comme pour les collectivités qui sont victimes des aléas des redevances.
Il importe donc désormais qu’à partir de ce travail parlementaire le Gouvernement prenne une initiative et pèse enfin à Bruxelles pour sortir du dogme de la concurrence « pure et parfaite » qui est plus que jamais un l’heure. L’hydroélectricité est un bien commun qui ne doit pas rester dans le champ d’une concurrence économique totale. Il en va de notre souveraineté énergétique et de l’aménagement de notre territoire.
J’interrogerai le Ministre mardi prochain à ce sujet.

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