PPL visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur

2 juillet 2025
🏛️ Les dérogations à l’interdiction générale d’utilisation de certains néonicotinoïdes (NNI) dans la PPL visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur.
👉 Alors que je m’étais abstenu en première lecture au regard de la réintroduction des néonicotinoïdes, tout en partageant les objectifs de simplification poursuivis, j’ai voté le texte issu de la CMP au regard du travail accompli et des avancées obtenues.
Je rappelle d’abord l’essentiel du contenu :
– Titre Ier : Mettre fin aux surtranspositions et surrèglementations françaises en matière de produits phytosanitaires (PPP),
– Titre II : Simplifier l’activité des éleveurs : Simplifications du régime ICPE pour les bâtiments d’élevage, Procédure de réévaluation du calcul des pertes de production fondées sur des indices,
– Titre III : Faciliter la conciliation entre les besoins en eau des activités agricoles et la nécessaire protection de la ressource,
– Titre IV : Mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole.
⤵️Explications :
1️⃣ Qu’est-ce que les NNI ?
Les NNI sont une famille de substances insecticides qui peuvent être utilisées dans des produits phytopharmaceutiques (PPP) destinés à l’agriculture. Ces substances sont dites «systémiques», c’est-à-dire qu’elles se diffusent dans toute la plante pour la protéger des ravageurs. Elles peuvent être utilisées en granulés, en traitements de semences ou en pulvérisation. En agriculture, 5 substances sont répertoriées dans la famille des néonicotinoïdes :
• la clothianidine ;
• l’imidaclopride ;
• le thiaméthoxame ;
• l’acétamipride ;
• le thiaclopride.
2️⃣ Quel est le cadre légal des NNI en Europe ?
L’UE a progressivement restreint l’usage des NNI, compte-tenu notamment de leurs conséquences sur les pollinisateurs. Les travaux de l’EFSA ont débouché en 2013 sur un moratoire de la Commission européenne, imposant des restrictions sur l’usage de la clothianidine, de l’imidaclopride et du thiaméthoxane, puis de la thiaclopride en 2019.
Seule l’acétamipride est autorisée dans l’UE jusqu’au 28 février 2033, l’approbation de son utilisation ayant été renouvelée en janvier 2018.
Dans son dernier avis en date de mai 2024, l’EFSA, qui considère que des données complémentaires concernant les éventuelles propriétés neurotoxiques de l’acétamipride doivent être recueillies pour parvenir à une évaluation complète des risques induits par son utilisation, recommande d’abaisser les limites maximales de résidus existantes pour 38 produits, sans en interdire l’utilisation complète, validant ainsi son maintien au niveau européen.
3️⃣ Quel est le cadre légal des NNI en France ?
L’article 125 de la loi biodiversité (2016), codifié dans le code rural, a interdit à partir du 1er septembre 2018 l’emploi de PPP contenant une ou plusieurs substances de la famille des NNI.
La loi Egalim 1 (2018) a interdit les substances présentant des modes d’action identiques à ceux de la famille des NNI, soit le flupyradifurone et le sulfoxaflor. Ces deux substances sont toujours autorisées dans l’UE, jusqu’au 9 décembre 2025 (flupyradifurone) et au 18 août 2025 (sulfoxaflor).
Conséquence de cette interdiction, l’Anses ne peut plus délivrer des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour des produits contenant de l’acétamipride, substance active pourtant autorisée partout dans l’UE.
Le législateur français, au titre de la clause de sauvegarde, est donc intervenu dans le processus normal d’approbation des substances et d’AMM des PPP défini par le règlement (CE) n°1107/2009. L’Anses ne peut donc plus appliquer les principes uniformes d’évaluation et d’autorisation de mise sur le marché définis par le règlement d’exécution. L’évaluation scientifique a donc été écartée au profit d’une appréciation politique.
4️⃣ Quelle est la situation dans les autres pays européens ?
L’acétamipride dispose toujours d’une AMM dans les 26 autres États membres de l’UE.
5️⃣ La France a-t-elle déjà prévu des dérogations pour l’utilisation de NNI ?
Oui, en 2020, alors que la filière betterave était confrontée à un fort épisode de jaunisse, le législateur a prévu une possibilité de déroger, par arrêté, à l’interdiction générale d’utilisation des NNI. Cette dérogation courait jusqu’au 1er juillet 2023.
La loi du 14 décembre 2020 a ainsi prévu que ces dérogations pouvaient être accordées dans les conditions prévues à l’art.53 du règlement européen de 2009, soit par des AMM d’une durée maximale de 120 jours. La même loi instaure un conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux PPP contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des NNI, ainsi que le principe de plans de recherches sur les alternatives aux NNI. Sur ce fondement, un plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été mis en place pour la filière betterave en 2023.
Sur ce fondement, deux dérogations ont été accordées en 2021 et 2022 pour l’utilisation de deux semences enrobées de NNI expressément interdites au niveau européen, et une troisième était envisagée pour 2023. Par une décision du 19 janvier 2023, la CJUE a cependant jugé qu’il n’était pas permis « à un État membre d’autoriser la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques en vue du traitement de semences, ainsi que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces produits, dès lors que la mise sur le marché et l’utilisation de semences traitées à l’aide de ces mêmes produits ont été expressément interdites par un règlement d’exécution ». Le système de dérogation mis en place en France ne concernant pas l’acétamipride, seule substance autorisée par le droit de l’Union européenne, la dernière dérogation n’a donc pu être accordée.
A cadre législatif constant, de nouvelles dérogations à l’interdiction générale des NNI ne semblent ainsi plus possibles.
6️⃣ Pourquoi certaines filières réclament-elles une évolution du droit français ?
L’autorisation de l’acétamipride dans toute l’UE sauf en France pénalise fortement certaines filières, confrontées à des distorsions de concurrence significatives.
L’Association nationale des producteurs de noisette fait état d’une perte de 70% des rendements sur les vergers l’année suivant l’interdiction de l’acétamipride, pourtant nécessaire pour lutter contre la punaise diabolique ou le balanin de noisette (efficacité d’environ 95% contre ces parasites).
Pour la betterave, les pertes de rendement dues aux épisodes de jaunisses sont estimées par la CGB à 700M€, compensées à hauteur de 60M€ en raison du plafond des aides de minimis.
Les filières concernées par des pertes de rendement liées à l’interdiction des NNI considèrent que les alternatives à l’acétamipride ne sont pas efficaces (multiplication des passages pour une efficacité moindre, surcoûts trop importants pour être adaptés, doutes sur les effets pour la santé humaine et l’environnement). Par exemple, les pyréthrinoïdes, utilisées comme alternatives aux NNI, seraient davantage néfastes pour les insectes. Des alertes ont été émises par l’Anses en février 2025 pour ses effets sur la santé humaine.
7️⃣ Face à cette situation, que prévoit la PPL de Laurent DUPLOMB ?
L’accord de CMP sur la PPL Contraintes prévoit, en son article 2, de maintenir l’interdiction de principe d’utiliser des PPP contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des NNI.
Cependant, la PPL permet, pour faire face à une menace grave compromettant la production agricole, de déroger à cette interdiction générale, par décret, pour un usage déterminé et une durée limitée :
• La dérogation ne peut être accordée que si les alternatives sont inexistantes ou manifestement insuffisantes et qu’il existe un plan de recherche sur les alternatives ;
• La dérogation peut être accordée à titre exceptionnel et « sans préjudice de la nécessité d’obtenir une AMM ou une autorisation accordée dans les conditions prévues à l’article 53 du règlement CE n°1107/2009 du 21 octobre 2009 » (durée maximale de 120 jours) ;
• 3 ans après la publication du décret, puis chaque année, le conseil de surveillance rend un nouvel avis public sur le respect des conditions (alternative insuffisante et existence d’un plan de recherche). Le décret est abrogé sans délai lorsque l’une des conditions n’est plus remplie ;
• Le décret est pris après avis du conseil de surveillance mentionné précédemment. L’avis porte notamment sur l’existence d’une menace grave pour la production agricole et la satisfaction des conditions mentionnées ci-dessus ;
• Le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d’insectes pollinisateurs sont temporairement interdits après l’emploi de NNI ;
• Le conseil de surveillance remet chaque année au Gouvernement et au Parlement un rapport public relatif à chaque dérogation exceptionnelle, qui décrit les conséquences et indique l’état d’avancement du plan de recherche.
Dans les faits et compte-tenu des règles européennes, la dérogation ne pourrait concerner que l’acétamipride, le flupyradifurone et le sulfoxaflor, seules substances approuvées au niveau européen.
La PPL prévoit par ailleurs que « Lorsque l’État interdit des produits phytopharmaceutiques contenant une substance active ou une famille de substances actives déterminées, approuvées en application de la règlementation européenne, il accompagne les professionnels dans la recherche et la diffusion de solutions alternatives et se fixe pour objectif d’indemniser les exploitants agricoles subissant des pertes d’exploitation significatives tant que les alternatives disponibles à l’utilisation de ces produits sont inexistantes ou manifestement insuffisantes. »
La CMP a enfin introduit deux dispositions dans cet article :
➢ L’interdiction, à compter de 2026, de la production, du stockage et de la circulation des substances actives interdites au niveau européen ;
➢ La création d’un « comité des solutions », chargé de recenser les usages pour lesquels des méthodes de lutte contre des nuisibles ou des végétaux indésirables affectant la production agricole ne sont pas disponibles et de recenser les méthodes de lutte potentielles et leurs perspectives de développement.
👉 Voilà pourquoi j’ai voté ce texte et que je vais poursuivre mon engagement pour mieux prendre en compte le vivant avec comme valeur cardinale la santé de chacun.

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