FOCUS : Habemus référendum

11 mai 2025
🛑 FOCUS : Habemus référendum.
🖍️ L’échec du référendum de 2005 relatif au projet de Constitution européenne reste une blessure pour le peuple français, la classe politique n’ayant alors pas respecté le vote populaire. Alors que l’idée du référendum semble revenir au-devant de la scène, ce dont on peut se réjouir au titre d’une conception gaullienne de la démocratie dont on n’a pourtant cessé de s’éloigner depuis 1986, il importe que cela ne soit ni une simple question de confort, ni un simple gadget de plus, faute de quoi celui qui aura voulu jouer avec se brulera une fois de plus sur ce rendez-vous.
🖍️ Le referendum peut-il être autre chose qu’une simple « excitation nationale » pour reprendre les mots de Michel Rocard, au cours de laquelle les électeurs répondent à la question qu’ils auraient aimé qu’on leur pose ? Le Président de la République pense avoir trouvé une réponse à cette interrogation et entend la livrer aux Français ce mardi soir en proposant une consultation. Il s’agirait de solliciter les électeurs, le même jour, sur deux ou trois questions inscrites sur un bulletin unique. Pourtant il semble bien qu’il y ait plusieurs obstacles à cela.
🖍️ Le premier écueil est juridique. L’article 11 de la Constitution prévoit que les Français ne sont pas consultés sur une question mais sur un projet de loi. En outre, chaque scrutin suppose une urne et un bulletin spécifique. Pour autant, le projet n’est pas totalement impossible. On peut d’abord imaginer qu’il puisse y avoir une interprétation large de la constitution par le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas à exclure même si cela semble peu souhaitable. Il pourrait aussi s’agir d’une consultation dans un cadre ad’hoc en dehors du cadre constitutionnel. Aussi pour un tel projet il ne serait pas possible de contraindre les communes à organiser le scrutin et de garantir un cadre contentieux sécurisé, ce qui peut néanmoins être dépassé dans un élan national. Une loi spéciale pourrait en outre être préalablement adoptée pour le permettre. Quoiqu’il en soit les résultats d’une telle consultation n’aurait aucune valeur contraignante. Il faudrait ensuite que législateur en tire les conséquences en votant une ou des lois pour le traduire en droit.
🖍️ Le second problème est politique. Le chef de l’Etat évoque les sujets du quotidien en les restreignant à ceux admis par l’article 11 de la Constitution. Pourtant si la procédure retenue devait s’échapper du cadre constitutionnel, rien ne l’interdirait. Il serait ainsi possible d’inclure les thèmes sur l’immigration ou les finances publiques. Le risque serait sinon de voir conduire une consultation dépourvue de portée juridique et centrée sur des sujets secondaires. A l’inverse, certains thèmes pourraient s’avérer hautement sensibles. Une consultation sur l’organisation territoriale, rappelant inévitablement 1969, risquerait ainsi de tendre les relations avec les collectivités territoriales, et par-delà avec les territoires, sans parler des enjeux partisans dans une période pleine d’instabilité. D’autres, sur des questions sociétales, par exemple sur le sujet de la fin de vie, pourraient avoir du sens mais nécessitent aussi de la nuance, de la subtilité, auxquelles le référendum ne permet pas toujours de répondre.
🖍️ Ces difficultés mettent en lumière l’obsolescence du cadre actuel du référendum. Les limites de l’article 11 découlent des réticences des partis au moment de l’élargissement en 1995. Elles empêchent cet outil de jouer pleinement son rôle : trancher les grandes questions qui divisent l’opinion. Le référendum d’initiative partagée mis en place en 2008 est aujourd’hui une usine à gaz génératrice de frustration car destinée à n’être jamais utilisé. Nous devons donc nous interroger sur l’évolution de ces dispositifs pour faire respirer notre démocratie et faire trancher par la majorité les sujets majeurs et non les questions gadgets. Il faut mieux articuler notre démocratie parlementaire, qui est précieuse mais incontestablement elle ne suffit plus, avec une participation citoyenne. Pour cela il faut réformer notre Constitution au titre de l’article 89 de la constitution. Il faut en effet organiser une meilleure concertation et aller vers des choix clairs sur des questions fondamentales, mais aussi éviter de faire « le café du commerce » dans un référendum. Il faut donc d’une part interroger sur des questions graves qui engagent l’avenir de la nation à l’échelle nationale, et d’autre part faciliter à l’échelle locale les votations, sur le modèle suisse, sur des sujets du quotidien.
🖍️ N’oublions pas que le courage politique c’est aussi celui de déplaire et donc de limiter le recours au référendum. Ainsi sur des sujets qui risquent des dérives populistes ou qui renvoient à des choix collectivement nécessaires mais individuellement difficiles, comme le sujet des retraites par exemple, c’est au législateur de trancher à partir de projets clairs exprimés lors des rendez-vous électoraux qui portent sur le fond, sur la vision, et non sur les seules personnes et encore moins sur le rejet de l’autre. D’où la nécessité d’avoir des rendez-vous électoraux où l’on parle du fond plutôt que de constituer des « fronts » qui conduisent au rejet et non à l’adhésion.
🖍️ N’oublions pas la formule de Talleyrand qui disait que « « oui » et « non » sont les mots les plus courts et les plus faciles à prononcer et ceux qui demandent le plus d’examen ».

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