
Attention danger. La charge d’intérêt de la dette publique française est « presque hors de contrôle », avertit le directeur des études économiques à l’Ieseg School of Management, Eric Dor, dans une étude publiée lundi. En s’appuyant sur les chiffres récemment publiés par la Commission européenne, l’économiste prend la mesure du fardeau toujours plus lourd qui pèse sur les finances publiques françaises, lesquelles se trouvent selon lui aujourd’hui dans une « situation dangereuse ». Une alerte de plus ! « Les performances budgétaires de la France sont moins bonnes que pour la plupart des autres pays de la zone euro », déplore encore Eric Dor.

La France qui doit composer avec des niveaux de croissance et d’inflation particulièrement faibles – respectivement 0,6 % et 0,9 % anticipés par la Commission en 2025 -, continue à avoir un déficit primaire (dépenses hors charges d’intérêt moins les recettes) conséquent qui mécaniquement alourdit la dette. Celle-ci se gonflera donc de 3 points cette année, à 116 % du PIB selon la Commission, en conséquence de ces 3 points de déficit primaire en trop. Pendant ce temps, les quatre pays pour lesquels la charge de la dette est supérieure à celle de la France, en part de leurs recettes fiscales, font des efforts bien plus importants. La Grèce, le Portugal et l’Italie afficheront cette année un excédent primaire, tandis que l’Espagne affiche un solde primaire quasiment à l’équilibre. Selon les prévisions de la Commission, la France présenterait encore un déficit primaire de 2,8 % du PIB en 2026. « La situation de la France est donc très critique », conclut l’économiste, pour qui « la possibilité de réaliser de tels efforts est une vraie question ». En effet, on semble toujours en être bien loin…

Lundi, la Cour des comptes a sonné elle aussi le tocsin sur la dérive des finances du système de protection sociale agitant même le spectre d’un défaut de paiement si des mesures de gestion de la dette et de redressement financier ne sont pas prises rapidement. Des mesures forcément douloureuses, qui promettent d’être très difficiles à faire adopter par un gouvernement sans majorité à l’Assemblée et qui n’a guère de cap, et pourtant… « Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à jouer avec notre déficit et notre dette, prévient encore le gardien des finances publiques, et ancien ministre socialiste. Ceux qui pensent que les problèmes de liquidité, de solvabilité, les problèmes de crédibilité, sont des problèmes théoriques se trompent. » Insistant sur la nécessité de limiter les dépenses, Pierre Moscovici a aussi mis en garde ceux qui, notamment à gauche, estiment que l’équilibre pourrait être retrouvé en augmentant les prélèvements, sachant qu’ils sont déjà très élevés et que la France ne brille pas par sa compétitivité. « Ne pensez pas non plus qu’un bon coup de fiscalité va tout résoudre », a-t-il prévenu.

Le temps des constats est donc dépassé, les Français sont bien conscients de la situation catastrophique de notre pays et de ceux qui en portent la responsabilité, même s’ils sont encore timides quant aux remèdes à prodiguer, et on peut les comprendre puisqu’ils vont devoir payer une note dont ils ne sont pas responsables ! Le temps de l’action courageuse, qui ne soit pas une austérité imposée, est peut-être lui aussi déjà dépassé. Les déclarations très générales du Premier ministre ne sont pas rassurantes et l’idée même du référendum semble hors de propos. Pourtant si nous n’agissons pas, d’autres nous imposeront des traitements qui n’auront rien d’homéopathique !

Rapportée à notre pays, cette description revient à énumérer tous les sujets que François Bayrou doit trancher ou affronter en ce printemps, sans en avoir les moyens, le pouvoir ou la volonté, voire les trois à la fois. Taxis et agriculteurs en colère sont dans la rue tout comme les maires des petites communes, la sortie du conclave sur les retraites approche (ça semble ubuesque de s’interroger encore sur cette question!), et ce ne sont pas les diversions sur l’aide active à mourir qui vont modifier notre situation d’affaissement général.

S’ajoutent au tableau quelques dossiers ouverts par Matignon ou l’Élysée, sans concertation et sans qu’on sache trop s’ils seront vraiment un jour d’actualité. Scrutin à la proportionnelle, grande conférence sociale et, pourquoi pas, organisation d’un ou plusieurs référendums sont autant de ballons d’essai lancés pour occuper le terrain. La France est un immense chantier sans issues clairement définies, qui se perd, cerise sur le gâteau, dans un dédale de commissions d’enquête parlementaires aux contenus très improbables. Le désordre est complet, l’immobilisme est en marche !

Depuis, l’habitué des Pyrénées a habilement, mais rien décidée en fait, passé le premier col, le vote du budget 2025, que son prédécesseur pourtant lui aussi montagnard n’avait pas su franchir. Mais il n’est pas encore arrivé au premier camp de base, d’où on commence à voir l’itinéraire qui mène aux sommets de l’assainissement budgétaire. Un assainissement de plus en plus urgent, comme le montre l’accumulation des alertes ces dernières semaines – agence de notation, FMI, Commission européenne, Cour des comptes, etc. J’en ai rappelé quelques unes.

Il n’est plus temps de méditer, de tergiverser, de louvoyer. Au fond, les Français savent qu’il va falloir faire des efforts pour grimper. Il est temps d’avancer, de proposer, de convaincre, en associant constamment efficacité (la TVA sociale est un facteur d’efficacité par exemple et qui n’entamera pas le pouvoir d’achat des travailleurs) et équité. Sinon, la France de Bayrou risque d’être une France qui descend en roue libre.

Le temps : le seul sujet. » Yasmina Reza, dans ces mots, songeait d’abord à la création littéraire, mais ils s’appliquent tout autant à la trajectoire politique. Celle du président de la République, après des années de « quoi qu’il en coûte » irresponsables, s’est fracassée sur une décision insensée – la dissolution -, et, depuis, le pronostic vital de ce quinquennat, qui est une gabegie d’argent public dilapidé et de dette accumulée, est engagé. De censures en nominations, de voyages diplomatiques en polémiques numériques, Emmanuel Macron met tout son talent à faire oublier ce mal incurable, mais, à la moindre tension, ressurgissent l’atomisation de l’Assemblée et la défiance de l’opinion.

Le premier ministre ne montre guère de ressort, comme si l’unique perspective était de pousser les jours jusqu’à l’heure certainement fatale du budget. Le macronisme finissant est aussi sombre que ses débuts furent éclatants. Toutes les ambitions qui venaient s’y accrocher s’en détachent, s’en éloignent, pour ne surtout pas être emportées dans un effacement programmé. Les partisans d’hier se montrent impitoyables avec ce qu’ils ont courtisé. Tout le monde part en campagne, mais pour une élection qui aura lieu dans deux ans. Vingt-quatre mois de promesses intenables et d’attente interminable : c’est un luxe que la France ne peut pas s’offrir. Les ombres qui s’étendent sur elle ne sont pas seulement celles d’une présidence en déshérence. La dette, l’immigration, l’insécurité, l’affaissement de l’école, en sont aussi une amplification même si le mal est plus ancien.
La période recèle décidément de la noirceur du crépuscule.
Pourtant, la majorité des Français, celle qui travaille, qui élève ses enfants, qui entoure ses parents, ne demande qu’à retrouver l’entrain collectif que seul peut faire naître un dessein politique. C’est un réflexe persistant et pénible de la plupart de nos acteurs publics : ils oublient de s’appuyer sur les forces qui portent malgré tout l’armée, la police, l’hôpital, l’école, l’entreprise, le territoire. Ces millions de gens qui ne regardent même plus le feuilleton du pouvoir, parce qu’ils ont trop peu de temps pour le perdre devant un spectacle aussi vain que stérile.
Et pourtant il est temps d’agir enfin qu’il soit minuit moins cinq ou minuit cinq !