
Dans le contexte inĂ©dit que nous connaissons, tant du point de vue politique avec une absence de majoritĂ© absolue, quâen termes de crises internationales, le MinistĂšre des Finances a proposĂ© aux bureaux des deux commissions des finances de lâAssemblĂ©e et du SĂ©nat, une sĂ©rie de rencontres de concertation et de dialogue en amont de la prĂ©sentation du Projet de loi de finances (PLF) 2023 en Conseil des Ministres et de son dĂ©pĂŽt au Parlement.
En fait, trois textes seront présentés simultanément : le PLF, le PLFSS (projet de loi de finances de la sécurité sociale) et la loi de programmation des finances publiques (pour les 5 ans qui viennent).
Jâai assistĂ© cet aprĂšs midi Ă la premiĂšre des 4 rĂ©unions prĂ©vues sur le sujet consacrĂ©e au cadre macro-Ă©conomique dans lequel sâinscrit le PLF. Nous aborderons ensuite les dĂ©penses, puis les recettes (qui restent dynamiques en particulier au niveau de lâimport de les sociĂ©tĂ©s confirmant quâun bon impĂŽt est un impĂŽt Ă assiette large et Ă taux limitĂ©), avant une sĂ©ance conclusive.
Si on peut saluer la mĂ©thode qui permet dâanticiper lâapproche du PLF, il nâest pas certain que cela permette dâinfluer sur son contenu. Nous aurons lâoccasion de le faire lors de son examen au cours de lâautomne au Senat.
Aux cÎtés de
Jean-François Husson, rapporteur général du budget, et de
Christine Lavarde, whip de la commission des finances, mais aussi de mon collĂšgue
Bernard Delcros (Ă©galement membre du bureau de la commission), nous avons entendu les prĂ©sentations des Ministres Bruno Le Maire et Gabriel Attal, avant dâintervenir dans le dĂ©bat.

La France rĂ©siste plutĂŽt mieux que dâautres dans le contexte que nous connaissons mais au prix dâun effort public consĂ©quentpour protĂ©ger les français qui a dĂ©gradĂ© nos finances publiques et qui ne pourra pas ĂȘtre prolongĂ©. Lâacquis de croissance 2022 sâĂ©tablit Ă 2,5%, mais dĂ©jĂ les risques dâune rĂ©cession effective aux Etats-Unis et Ă venir en Allemagne, sâajoutant aux difficultĂ©s dâapprovisionnement en Chine, nous rattrapent. Pourtant le budget 2023 est construit sur une croissance ramenĂ©e de 1,3 Ă 1% et une hypothĂšse dâinflation de 4% en 2023. Elle est de 5,3% en 2022, contre plus de 8% si le bouclier tarifaire qui a coĂ»tĂ© plus de 50 milliards dâeuros nâavait pas Ă©tĂ© mis en place.
Lâobjectif demeure de maintenir le dĂ©ficit public Ă 5% du PIB pour garder la trajectoire sur laquelle le pays est engagĂ©. En consĂ©quence, la suppression de la CVAE se fera en deux ans (23 et 24) et non en une seule fois. Ce serait dâabord la part dĂ©partementale qui serait supprimĂ©e. La hausse des dĂ©penses publiques est limitĂ©e Ă 0,6% en affichage. Nous aurons lâoccasion de revenir sur ce point lors de la prochaine sĂ©ance.
Ces objectifs renvoient aussi Ă la rĂ©forme engagĂ©e de lâallocation chĂŽmage et Ă la rĂ©forme de la retraite, sans que la moindre prĂ©cision nâait Ă©tĂ© donnĂ©e Ă ce stade ni sur la portĂ©e, ni sur le calendrier, ni sur les modalitĂ©s.

La question de la dette, sur laquelle je suis notamment intervenue, reste une inquiĂ©tude majeure. Les taux dâintĂ©rĂȘt, aprĂšs une premiĂšre hausse des taux directeurs de la BCE de 0,75 points, qui en appelle dâautres, sont anticipĂ©s Ă 1,8% en 2022 et 2,5% Ă 2,6 % en 2023, avec un maintien du spread (Ă©cart avec lâAllemagne). La charge de la dette serait de 51 milliards dâeuros en 2023 (contre 36 au PLF 2022), ce qui nâest sans doute pas encore un niveau suffisamment anticipĂ©.

Si la France a mieux amorti le choc en protĂ©geant les français, face Ă une crise du gaz comparable au choc pĂ©trolier de 1973 (la charge pour un foyer se chauffant au gaz aurait Ă©tĂ© supĂ©rieure de 2200 ⏠en moyenne et de 1450 ⏠pour celui se chauffant Ă lâĂ©lectricitĂ©), cela nâaurait pas Ă©tĂ© supportable pour beaucoup, il convient dĂ©sormais de trouver dâautres rĂ©ponses Ă la fois responsabilisantes (le ministre a voulu se montrer rassurant quand au fait de pouvoir passer lâhiver sans difficultĂ©s majeures, sauf situation extrĂȘme).
Les pistes de travail portent dĂ©sormais sur la reconduction dâun bouclier gaz et Ă©lectricitĂ©, mais Ă un niveau plus Ă©levĂ©, donc avec un coĂ»t plus consĂ©quent pour les mĂ©nages, le maintien de la TICFE et un dispositif exceptionnel pour les mĂ©nages modestes.

Parmi les points que nous avons fait valoir devant trouver des solutions dans le PLF dâici fin dĂ©cembre figurent les Ă©lĂ©ments principaux qui suivent .

Mise en place dâun dispositif fiscal permettant de rĂ©cupĂ©rer « lâargent des rentes » des Ă©nergĂ©ticiens (et non taxe sur les superprofits des entreprises) dont les modalitĂ©s pourraient ĂȘtre europĂ©ennes, validĂ©e par le Gouvernement.

Mise en place dâun mĂ©canisme de compensation de la perte de la CVAE pour les collectivitĂ©s Ă partir dâune fraction de TVA et mĂ©canisme de territorialisation pour maintenir un lien au territoire, sans doute selon les bases de la CFE. Ă dĂ©battre encoreâŠ

La rĂ©vision des valeurs locatives commerciales sera sans doute renvoyĂ©e au delĂ de 2023, tant ses effets « pervers » semblent chaque jour plus Ă©vident. Cela pose plus largement la question de la rĂ©vision des valeurs locatives sur les rĂ©sidences particuliĂšres devant intervenir dâici 2026. La question de la fiscalitĂ© locale devra ĂȘtre reposĂ©e.

La refonte du taux dâusure pour faciliter le crĂ©dit immobilier est engagĂ©e et doit trĂšs vite aboutir. Si cela permet un recours plus aisĂ© au crĂ©dit, aujourdâhui particuliĂšrement bloquĂ© et mettant en danger tout le secteur de lâimmobilier, cela aura une consĂ©quence Ă la hausse sur le prix du crĂ©dit. Lâaccroissement des moyens pour la rĂ©novation Ă©nergĂ©tique, mais avec une dĂ©marche globale qui ne traiterait pas que des ouvrants, est en dĂ©bat.

Les mesures dâaccompagnement pour les entreprises sont assouplies jusquâĂ la fin de lâannĂ©e. Celles qui consacrent 3% de leur chiffre dâaffaires Ă lâĂ©nergie, qui ont une baisse de bĂ©nĂ©fice sur un mois et une facture dâĂ©nergie qui a doublĂ©, pourront en bĂ©nĂ©ficier. PrĂ©sentation dĂ©taillĂ©e Ă venir.

Pour ce qui concerne les collectivitĂ©s territoriales, il convient dâabord de noter que le relĂšvement des bases des valeurs locatives sera bien maintenu Ă hauteur de 6% environ pour 2023 et ne sera pas capĂ©. ïżŒAucune rĂ©duction dâenveloppe des dotations nâest dĂ©sormais prĂ©vue les concernant, mais un objectif de rĂ©gression des dĂ©penses sur 5 ans de -0,5%, comme pour lâEtat, soit une volontĂ© de maĂźtrise de la dĂ©pense. Lâindexation de la DGF sur lâinflation nâest pas proposĂ©e par le Gouvernement mais la question reviendra lors des dĂ©bats. Nous avons soulignĂ© que la situation des collectivitĂ©s Ă©tait hĂ©tĂ©rogĂšne et quâil fallait prĂ©voir des dispositifs pour les plus fragiles. Nous aurons des propositions Ă faire en la matiĂšre mais la perspective de lâapplication du tarif rĂ©glementĂ© de lâĂ©lectricitĂ© aux collectivitĂ©s sera un combat, dâautant plus quâĂ ce stade celui-ci doit disparaĂźtre en juillet 2023. Dâautres mesures seront traitĂ©es lors des prochains rendez-vous.

La question des relations avec lâUE quant au programme de stabilitĂ© de la France que le Haut conseil aux finances publiques avaient jugĂ© « alĂ©atoire » reste dâactualitĂ© dans la perspective du nouveau pacte europĂ©en. Celui-ci peut en outre conditionner, comme je lâai soulignĂ©, le soutien de lâUE Ă nos grands investissements ferroviaires par exemple, dont nous avons tant besoin. Plus largement nous devrons examiner comment renforcer notre effort dâinvestissement.

Si le Gouvernement semble attachĂ© Ă maintenir les trajectoires sur lesquelles il sâest engagĂ© tant au niveau des finances publiques que de la transition Ă©cologique, la question du rythme et de lâaccompagnement des plus Ă©loignĂ©s pour en permettre la soutenabilitĂ© et lâacceptabilitĂ© est clairement posĂ©e.

Lâobjectif de rĂ©duction de la dĂ©pense publique reste limitĂ©, alors quâen dehors de la CVAE, aucune baisse dâimpĂŽt ne semble Ă ce stade prĂ©vue, mĂȘme si on nous promet un toilettage des niches fiscales quâil ne faudra pas faire aveuglĂ©ment. De sorte que la question de la sincĂ©ritĂ© de ce budget risque encore de se poser comme en 2022.

Nous aurons aussi dĂšs octobre un dĂ©bat sur la politique Ă©nergĂ©tique qui va sâavĂ©rer crucial et impactant pour les finances de tous.

Lâexercice de lâĂ©laboration de ce PLF est difficile. Il lâest dâautant plus que la situation de nos finances publiques est dĂ©gradĂ©e et que ni Bruxelles, ni surtout les marchĂ©s financiers, ne permettent de ne pas se conformer Ă une trajectoire pourtant encore peu ambitieuse de rĂ©duction de la dĂ©pense publique, mais en tendance incontournable. Nous aurons Ă dĂ©battre des choix possibles en la matiĂšre pour Ă la fois rĂ©pondre Ă cet enjeu, prĂ©server nos services publics et notre amĂ©nagement du territore, assurer la nĂ©cessaire solidaritĂ© en faveur des plus fragiles, valoriser davantage encore le travail et moderniser le financement de notre systĂšme public et en particulier de notre protection sociale, dans un souci dâefficacitĂ© et de justice.