
RĂ©forme des rĂšgles budgĂ©taires europĂ©ennes : un dĂ©but de consensus s’esquisse, mais la route est encore longue.
En amont de la PrĂ©sidence française de l’Union europĂ©enne (PFUE) qui a dĂ©butĂ© le 1er janvier dernier, Paris avait pris soin d’annoncer que le dossier de la rĂ©forme du cadre budgĂ©taire europĂ©en ne serait pas bouclĂ© pendant le semestre, mais avait affichĂ© son ambition de faire avancer les discussions sur ce sujet crucial. MĂȘme si « on ne rĂšglera pas tous les dĂ©tails » pendant le semestre en cours, dĂ©gager « un cadre politique commun serait une avancĂ©e importante », considĂ©rait ainsi le ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance Bruno Le Maire le 18 janvier.

Pour apporter sa pierre Ă l’Ă©difice des discussions, le Haut Conseil des finances publiques, prĂ©sidĂ© par le Premier prĂ©sident de la Cour des comptes Pierre Moscovici, organisait hier Ă Paris, conjointement avec le rĂ©seau europĂ©en des institutions budgĂ©taires indĂ©pendantes, un colloque intitulĂ© « Gouvernance Ă©conomique europĂ©enne : de nouvelles rĂšgles du jeu ? ».
« Garant de la stabilitĂ© de la zone euro, le pacte budgĂ©taire et monĂ©taire qui lie les Etats membres depuis trente ans est une condition nĂ©cessaire de la puissance Ă©conomique europĂ©enne, et, in fine, de nos modes de vie. Deux objectifs cardinaux doivent guider sa refonte: prĂ©server l’investissement public et garantir la soutenabilitĂ© des dettes publiques. Au-delĂ , les rĂšgles budgĂ©taires, devenues illisibles, doivent ĂȘtre considĂ©rablement simplifiĂ©es », a-t-il estimĂ©.
Il n’est pas raisonnable de demander en effet aux pays les plus endettĂ©s de la zone euro de revenir Ă marche forcĂ©e vers les 60 points de PIB de dette. Outre l’approche pays par pays, les futures rĂšgles europĂ©ennes devraient prĂ©server les dĂ©penses de croissance et d’investissement.

D’abord celui de « l’adaptabilité ». Il a ainsi Ă©tĂ© Ă©voquĂ© la nĂ©cessitĂ© d’adapter les rĂšgles Ă la situation de chacun des pays, parlant de rĂšgles modulĂ©es pour prendre en compte l’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des situations. Si l’on considĂšre la dette publique, les situations sont de fait trĂšs diffĂ©rentes d’un Etat Ă l’autre. A la fin 2021, la dette publique de la GrĂšce Ă©tait de 193,3 % du PIB et celle de l’Italie de 150,8 % du PIB. Aux niveaux voisins de la France (112,9 % du PIB), la Belgique avait une dette Ă 108,2 % du PIB. Si sept pays de la zone euro avaient une dette supĂ©rieure Ă 103 % du PIB, douze autres avaient une dette infĂ©rieure Ă 83 % du PIB. Parmi eux l’Allemagne (69,3 %) et les Pays-Bas (52,1 %).

L’illusion d’une dette « sans limites et sans coĂ»t » « est aujourd’hui notre plus grand
danger », selon le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau. Il a soulignĂ© que la dette « devait rester un sujet Ă©conomique de premier plan ». Si le « quoi quâil en coĂ»te » Ă©tait justifiĂ© en 2020 et en 2021 face Ă la crise sanitaire, celui-ci a eu un effet secondaire problĂ©matique, que jâavais dĂ©jĂ dĂ©noncĂ© en termes de pĂ©dagogie. Beaucoup de nos concitoyens, de bonne foi, ne comprennent pas pourquoi Bercy refuserait des dĂ©penses d’un milliard, alors qu’on a su facilement en trouver soudain des centaines. La dette serait devenue sans limites et sans coĂ»t. Cette double illusion, si sĂ©duisante, est aujourd’hui notre plus grand danger.

La France devrait se fixer, afin d’assurer la soutenabilitĂ© de ses finances publiques, l’objectif d’ici dix ans, d’un retour de la dette publique sous 100 % du PIB, et sous le niveau prĂ©- Covid. Ceci devrait notamment passer par une augmentation des dĂ©penses en volume ramenĂ©e chaque annĂ©e Ă 0,5 % contre plus de 1 % sur la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente. il ne s’agit pas de prĂŽner une baisse gĂ©nĂ©rale des dĂ©penses, mais leur moindre augmentation : on est loin de cette fameuse « austĂ©rité » que nous Français aimons tant dĂ©noncer sans l’avoir pourtant jamais vraiment pratiquĂ©e. Cela signifierait quâaucune nouvelle baisse d’impĂŽt ne soit engagĂ©e, ce qui nâest pas conforme aux engagements Ă©lectoraux rĂ©cents. Ce point devra donc ĂȘtre examinĂ© avec attention. Plus que jamais, le plafonnement du taux de croissance des dĂ©penses publiques doit ĂȘtre sanctuarisĂ© dans une rĂšgle dâor constitutionnelle Ă la fois ferme et souple, en cas de situation exceptionnelle, qui nous obligerait.