🧮 Risque de dérapage du déficit et de retard du projet de loi… l’urgence budgétaire monte d’un cran.
📍Il n’y a aucune corde de rappel ! Alors que le gouvernement démissionnaire prépare tant bien que mal un budget pour l’année prochaine et un plan de réduction de la dette, qu’il a largement creusée ne l’oublions jamais, à présenter à Bruxelles d’ici le 20 septembre, les ambitions sur le front de la baisse du déficit public s’amenuisent à vue d’œil. Cette semaine encore, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel, a déclaré à l’issue d’une rencontre avec le ministre démissionnaire des Comptes publics, Thomas Cazenave, que les recettes de l’État sont moindres qu’espéré. Et c’est vrai aussi bien sur les rentrées d’impôt sur le revenu que d’impôt sur les sociétés ; et sans doute aussi de TVA. Une situation qui inquiète bien au-delà du gouvernement sortant et que nous dénonçons au Sénat depuis longtemps. Le parlement n’est toujours pas destinataire des documents budgétaires traditionnellement envoyés à cette période. C’est anormal et les commissions des finances de l’Assemblée nationale comme du Sénat les exigent. C’est parfaitement dans notre droit conformément aux misions de contrôle de nos commissions. Nous devrons l’exercer sur place et sur pièce, à Bercy, comme l’a déjà fait notre Rapporteur général du budget Jean-François Husson, l’a déjà fait en début d’année pour montrer l’insincérité du PLF 2024, si nous devions en rester là.
📍En attendant, au sommet de l’État, on martèle toujours que tout est fait pour tenir la trajectoire budgétaire qui porterait le déficit en dessous de la barre symbolique des 3 % d’ici à 2027. Qui peut encore le croire ? La France, sous le coup d’une procédure de déficit excessif de la Commission européenne, est en effet encore bien loin de cet objectif. En 2023, du fait de recettes en berne, le déficit public a dérapé à 5,5 % du PIB, bien au-delà des 4,9 % prévu par le gouvernement soit un « trou » de 13 milliards d’euros supplémentaires. Du fait de cet accident, Bercy a revu au printemps l’ensemble de sa trajectoire budgétaire jusqu’en 2027. Pour cette année, le nouvel objectif de déficit a été fixé à 5,1 %, après des tractations tendues entre Matignon et le ministère de l’Économie qui souhaitait établir une cible en dessous des 5 %.
📍Pour l’heure, les 5,1 % de déficit restent l’objectif affiché. Bercy a ainsi pris dans l’urgence et hors tout projet de loi de finances rectificatif, c’est à dire hors tout contrôle parlementaire, deux plans de réductions des dépenses de l’État. Le premier, adopté par décret en février, a supprimé 10 milliards d’euros de crédits dans les enveloppes des ministères pour cette année. Ces économies sont donc acquises. Le deuxième plan, de 10 milliards d’euros d’économies également, en revanche, correspond simplement à un gel de crédits que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, pourra parfaitement dégeler si bon lui semble. Dans ce cas, la cible de déficit cette année risque de rester hors d’atteinte.
📍À Matignon, la cible de déficit pour 2024 et celle de 2025 (4,1 %) ont, d’ores et déjà, disparu des éléments de langage. La réalisation de la trajectoire budgétaire dépendra en effet des hypothèses retenues pour les comptes des collectivités locales et du budget proposé pour les administrations de Sécurité sociale.
📍En réalité, derrière le discours officiel, le fait que la France ne parviendra probablement pas à limiter son déficit à 5,1 % cette année (éloignant de ce fait la perspective d’un déficit à 4,1 % l’an prochain) relève du secret de polichinelle. L’abandon de la réforme de l’assurance-chômage – laquelle aurait permis de dégager un peu d’économies mais aussi des recettes grâce aux cotisations – ne va pas y aider. Pire, d’autres mesures d’économies auraient dû être mises en place cet été, mais, tout ça, c’était avant la dissolution. ❗️Preuve encore une fois que cette décision était particulièrement mal venue, même si on peut de plus plus penser qu’elle était réfléchie et peut-être liée au fait que le budget 2025 s’avérait déjà « impossible ». Il va en effet y falloir beaucoup de courage pour redresser la barre de nos finances publiques tant mises à mal depuis 7 ans.
📍Les nouvelles sur le front économique auraient pu laisser penser que la cible budgétaire serait plus facile à atteindre que prévu. La croissance, notamment était anticipée plutôt favorablement. Pour cette année, le gouvernement prévoyait une croissance à 1 %. Bruno Le Maire se targuait il y a encore peu, et comme depuis trop longtemps, de la bonne performance de notre économie et se montre depuis déjà longtemps trop optimiste malgré nos nombreux rappels à l’ordre en commission des finances du Sénat. Hélas, l’Insee vient de revoir à la baisse à 0,2 % la croissance du deuxième trimestre ce vendredi, confirmant « la panne de moteur » de la France. Et l’inconnue dans laquelle nous sommes précipitées ne va pas améliorer la croissance d’ici la fin de l’année.
📍Et c’est sans compter sur le probable dérapage budgétaire de deux composantes du déficit public : la Sécurité sociale et dans une moindre mesure les collectivités territoriales.
Pour la Sécurité sociale, la sortie de route est annoncée. Fin mai, la Commission des comptes de la Sécurité sociale a révisé sa prévision de déficit à 16,6 milliards d’euros, bien loin des 10,5 milliards d’euros inscrits dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024, adoptée au Parlement en fin d’année dernière. Comme en 2023, deux des cinq « branches » de la « Sécu » devraient creuser le déficit. La situation budgétaire de l’Assurance-maladie devrait ainsi être encore plus dégradée que dans les prévisions puisqu’elle atteindrait 11,4 milliards d’euros contre 8,5 milliards d’euros prévus initialement. La branche retraite, malgré la réforme que j’ai toujours dénoncé comme inadaptée et insuffisante, edevrait pour sa part culminer à 8,3 milliards d’euros cette année, contre 5,8 milliards prévus dans la loi de finances.
📍Enfin, le « besoin de financement », qui n’est pas un déficit, des collectivités territoriales risque lui aussi dêtre moins favorable que prévu. En effet, les communes, départements et régions financent leurs besoins, la conséquence en est seulement qu’elles contribuent moins à l’infléchissent du déficit de l’Etat. L’année dernière, le besoin de financement s’est établi à 5,5 milliards d’euros en augmentation par rapport à 2022 (4,7 milliards). En 2024, cette dégradation devrait se poursuivre tant leurs efforts passés arrivent à des limites, même si la situation entre elles est très hétérogène. Cela représente quoiqu’il en soit une goutte d’eau dans l’océan du déficit public, de 154 milliards d’euros.
📍Pour autant, les collectivités locales qui multiplient leurs efforts pour maîtriser la dépense publique, assurer les services publics de proximité et, rappelons le, sont dans l’obligation d’équilibrer leurs comptes contrairement à l’Etat, et hélas depuis quelques années à la sécurité sociale, ne peuvent être celles vers qui l’Etat se retourneraient pour faire payer la note de ses errements. Contribuer à l’effort sans doute, mais surtout enfin leur faire confiance dans un véritable acte de décentralisation pour rendre efficace la dépense publique.
📍Par-delà le choix d’un Premier ministre, d’un Gouvernement, c’est donc surtout à une remise en ordre de nos comptes publics et donc à des choix forts et courageux de nos politiques publiques, que nous devons nous employer sans délai. On en est bien loin dans les débats du moment et le réveil va être bien douloureux pour la France et les Français, tant la majorité sortante a tardé à prendre des décisions responsables et s’est depuis des années réfugiée dans le déni et l’insincérité. Si seulement là comme ailleurs, il avait écouté le Sénat et sa commission des finances, nous ne serions pas dans cette impasse qui nous précipite de plus en plus vers le chaos.



