l’ensemble du territoire national par un décret du 8 avril 2020. Conformément à ce décret, les dérogations ne peuvent intervenir que dans un nombre limité de matières et doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et l’existence de circonstances locales. Toutefois, seules des règles « formelles » peuvent faire l’objet d’une dérogation, puisque celle-ci doit « avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de réduire les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques ». Et aujourd’hui, cette possibilité n’est pas sécurisée par la loi.
– Subventions, concours financiers et dispositifs de soutien en faveur des acteurs économiques, des associations et des collectivités territoriales ;
– Aménagement du territoire et politique de la ville ;
– Environnement, agriculture et forêts ;
– Construction, logement et urbanisme ;
– Emploi et activité économique ;
– Protection et mise en valeur du patrimoine culturel ;
– Activités sportives, socio-éducatives et associatives.
Aujourd’hui dans 90 % des cas, ce sont les collectivités territoriales qui ont bénéficié d’une dérogation et, dans la plupart des cas, celle-ci a concerné l’attribution d’une subvention publique.
– la liste des matières dans lesquelles peuvent intervenir les dérogations demeure limitée et exclut, par exemple, les domaines du transport, de la fonction publique territoriale ou encore la santé publique ;
– le pouvoir de dérogation se heurte fréquemment à l’existence de normes législatives et européennes ;
– le principe même de « dérogation » peut parfois sembler contre-intuitif pour l’administration, qui demeure attachée au principe d’égalité devant la loi ;
– des réticences ont été exprimées par les préfets, qui identifient un « risque pénal » inhérent aux décisions dérogeant à la règle commune.
Les freins sont surtout culturels. Déroger va à l’encontre de toute la culture de l’administration (…)
Dans cette perspective, il reprend pour partie la rédaction du décret du 8 avril 2020 précité, assortie de plusieurs modifications ayant pour objectif d’en élargir la portée :
– d’abord, le préfet est habilité à déroger non seulement aux normes arrêtées par l’administration de l’État relevant de sa compétence, mais également à celles relevant de la compétence des agences et autres services déconcentrés de l’État ;
– ensuite, le pouvoir de dérogation est étendu à certaines normes « de fond » puisque, s’agissant des collectivités territoriales, l’article 1er précise que la dérogation peut être mise en œuvre si elle a « pour effet de faciliter la conduite des projets locaux » ;
– enfin, la liste limitative de matières auxquelles est aujourd’hui cantonné le pouvoir de dérogation n’est pas reprise, permettant son extension à toutes matières.
L’article introduit, par ailleurs, une dualité dans les finalités de la dérogation, selon que celle-ci bénéficie « à une collectivité territoriale » ou « à une entreprise ou un particulier ».
adopté, lors de l’examen de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d’ouvrage pour les communes rurales.
Enfin, le Sénat a créé, contre l’avis du Gouvernement, une faculté de dérogation en matière d’attribution du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) à l’article 4bis. Ainsi, lorsqu’une collectivité réaliserait un investissement d’un montant particulièrement élevé au regard de sa capacité financière, elle pourrait demander au préfet que la compensation correspondante lui soit versée au titre de l’année en cours (année « N », au lieu de « N+2). Il n’est pas certain que cette mesure demeure au terme de l’examen parlementaire…
– associer les élus locaux à l’exercice du pouvoir de dérogation à l’échelle du département, en leur permettant d’émettre des avis sur les projets d’arrêtés préfectoraux de dérogation ;
– évoquer les difficultés locales liées à la complexité d’application et d’interprétation de certaines normes, et formuler des propositions de simplification ;
– se voir notifier les déférés préfectoraux engagés à l’encontre de certains documents d’urbanisme.
D’autre part, l’article 6 vise à sécuriser, au plan pénal, l’exercice par le préfet de son pouvoir de dérogation. Il prévoit, à cet effet :
– de compléter l’article 121-3 du code pénal pour préciser les conditions dans lesquelles, dans le cadre d’une infraction non intentionnelle résultant de l’exercice du pouvoir de dérogation, la responsabilité pénale du préfet peut être engagée ;
– à l’article 122-4 du même code, d’étendre la cause objective d’exonération de responsabilité pénale en cas d’acte commandé par l’autorité légitime à l’hypothèse où l’acte serait « expressément autorisé » par la hiérarchie.
Ainsi, le préfet ne pourra voir sa responsabilité engagée à raison de l’exercice de son pouvoir de dérogation que « s’il est établi, soit qu’il a violé de façon manifestement délibérée les conditions de cet exercice, soit qu’il a commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d’une particulière
gravité qu’il ne pouvait ignorer. »
normes de valeur législative.
Soulignant que l’introduction d’un dispositif de portée générale qui permettrait au préfet de déroger à des normes de nature législative ne serait pas conforme aux exigences constitutionnelles, le Sénat a salué la démarche consistant à octroyer, au cas par
cas et pour des objectifs précisément définis, des facultés de dérogation à certaines dispositions législatives.
Il conviendra maintenant de s’assurer qu’il soit inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Le fait que le Gouvernement est décidé « l’urgence » sur ce texte est plutôt rassurant mais il conviendra de suivre cela avec attention….



