Notre crise politique menace de se transformer en crise de régime, puis en crise d’État….

8 octobre 2025

🔲 Notre crise politique menace de se transformer en crise de régime, puis en crise d’État.

▪️La démission de Sébastien Lecornu, acceptée par l’Élysée avant qu’Emmanuel Macron ne le charge de mener de nouvelles tractations, prouve que nous sommes dans une impasse politique totale. Continuer ainsi, en nommant un quatrième premier ministre dont le destin sera le même, ou bien dissoudre, ou encore compter sur la démission du président de la République ne sont, hélas, que des solutions apparentes, vaines. Chacune d’elles est susceptible d’entraîner de nouveaux problèmes, peut-être d’une nature différente, mais tout aussi capables d’aggraver l’état des choses. Voter, pour faire quoi ? Pour décider quoi ?

▪️En effet, il n’y a pas à proprement parler de solution électorale à notre situation, parce que les décisions auxquelles se heurtent les gouvernants, la classe politique et presque toute la population concernent des problèmes cruciaux appelant des réponses inévitablement très impopulaires. C’est la raison pour laquelle, depuis un demi-siècle, gouverner est devenu non seulement l’art d’éviter soigneusement les problèmes pour ne pas risquer l’impopularité, mais, plus encore, celui de les aggraver dans l’espoir de se maintenir au pouvoir : à l’obligation d’équilibrer les comptes, on a systématiquement répondu par la hausse des prélèvements obligatoires – ils sont passés de 30 % du PIB en 1960 à 46 % aujourd’hui – tout en refusant de réduire les dépenses publiques, qui atteignent 57 % du PIB pour une moyenne européenne de 49 %.

▪️Nous voilà dans ce moment qui ne pouvait qu’advenir, où il n’est plus possible de différer la réponse à des déficits qui mettent désormais en péril notre régime politique et l’avenir du pays. Là est la cause de l’impasse. Ce qui éclate aujourd’hui ne résulte pas d’un défaut de compréhension, mais d’une abdication de la volonté, chez nos élus comme dans l’ensemble de la population.
Et pourtant, aussi invraisemblable que cela paraisse, on ne peut exclure ce matin le recours à un gouvernement de gauche qui viendrait aggraver encore la situation financière du pays plutôt que de répondre aux multiples défis qui sont les nôtres. Nous verrons…

▪️On ne peut pas reprocher à Sébastien Lecornu d’avoir tenté de rafistoler les pièces incomplètes et dispersées d’un système que la dissolution du 9 juin 2024 a brisé. On ne voit pas ce qu’il pouvait faire d’autre, puisque, si la droite et la gauche n’ont pas disparu, elles sont l’une et l’autre minoritaires, au point que, même réunies, elles ne formeraient qu’une force d’appoint. Le bloc central est en voie d’effondrement, on le voit chaque jour davantage, et les deux forces protestataires semblent avoir le vent en poupe – dans les urnes pour le RN, dans la rue pour LFI.

▪️Le gouvernement Lecornu détient le record du plus bref de l’histoire de France, surpassant même celui d’Henri Queuille, qui n’avait tenu que deux jours sous la IVe République, en 1950. La situation actuelle n’est pour autant pas comparable à celle de la IVe République. Car, si ce régime est connu – et souvent caricaturé – pour son instabilité gouvernementale, commentée jusqu’à l’excès, ou pour son effondrement dans la crise algérienne, on peut songer à toutes les ressources que lui offrait l’époque : une population jeune, en pleine renaissance, un pays meurtri, mais renouant avec l’optimisme, tiré par la reconstruction, la modernisation de l’État et un attachement croissant au régime démocratique ; une économie irriguée par une croissance annuelle de 5 %, la mise en place de la Sécurité sociale, une ambition scientifique et technologique couronnée de succès, etc.

▪️Revisitée en ce mois d’octobre 2025, la comparaison entre la IVe et la Ve République fait apparaître les ­richesses, la vision et l’énergie qu’avaient les classes dirigeantes de la IVe République – élus, industriels, scientifiques et hauts fonctionnaires – et que nous semblons avoir perdues, contrastant avec une instabilité institutionnelle et politique dont ne souffrait pas la Ve République, mais qui la frappe désormais.

▪️La dissolution pourrait être utile si elle permettait de donner le jour à une majorité absolue capable d’impulser les grandes réformes de l’État, à commencer par la réduction de la dépense publique. Mais on semble en être bien loin. Parmi ceux qui assurent que la dissolution est inévitable, trop nombreux sont ceux qui le disent non parce qu’ils en espèrent une solution de majorité, mais parce qu’ils en attendent la continuation du chaos. Le résultat le plus probable d’une nouvelle dissolution serait une manifestation d’hostilité massive envers le président de la ­République.

▪️Une démission du président de la République est toutefois un scénario plausible, et d’abord par sa faute, car les dégâts provoqués par la dissolution du 9 juin 2024 sont bel et bien irréparables, et le président a montré depuis qu’il était incapable de trouver une solution. Ensuite parce que ses concurrents et tous les « présidentiables » – dont la multiplication signe la dégradation de la « fonction suprême » – ont vu dans l’erreur de la dissolution une occasion inespérée de raccourcir le mandat en cours, de précipiter la présidentielle et de tenter leur chance en tirant profit d’une accélération du calendrier électoral.

▪️Pourtant, la démission du président, si elle n’était pas la seule à permettre d’espérer desserrer le noeud gordien, ne serait bien sûr pas une décision souhaitable. Elle constituerait en effet un dangereux précédent donnant le jour à une sorte de « mandat impératif de fait ».
La démission du président de la République sous la pression politique serait de fait un saut dans l’inconnu. Compte tenu de la gravité de nos difficultés économiques et financières, de la faiblesse de nos forces politiques et de l’état de l’opinion publique – entre colère et découragement -, rien ne permet de penser qu’une élection présidentielle précipitée déboucherait sur une solution. Nous aurions une nouvelle personne à la tête de l’État, mais qui peut être sûr que les élections législatives donneraient au nouveau titulaire une majorité absolue ? Pourtant cela semble être la seule issue porteuse d’espoir à condition de laisser le temps à une réelle campagne, projet contre projet, pour un vote d’adhésion et non d’opposition.

▪️En réalité, les institutions de 1958 ne sont pas fautives. Pour soutenir la thèse d’institutions défaillantes, il faudrait expliquer par quel mécanisme un autre système institutionnel nous permettrait de réduire le niveau des dépenses publiques, d’équilibrer nos comptes, de réformer notre système de retraite, de réduire le maquis réglementaire qui asphyxie un peu plus chaque jour la vie des entrepreneurs, décourage ou délocalise l’investissement et la création, tout en alourdissant sans cesse, à force de vouloir tout régir jusqu’à l’intrusion, la vie de chaque citoyen.

▪️Même si l’on peut considérer – c’est mon cas – que l’élection présidentielle est devenue un poison pour notre pays, les institutions sont moins responsables de la crise actuelle que l’usage qui en est fait. La dissolution de 2024 est tragiquement emblématique d’une utilisation déraisonnable d’institutions souveraines.

▪️Cela fait longtemps que l’on constate la disparition de toute confiance dans la classe politique, sans exception. Si l’on ajoute le rejet du président, plus massif que jamais, on peut dire que, pour l’opinion, il n’y a plus rien ni personne sur qui compter.

▪️ Il y a toujours des partis, mais il n’y a plus de forces politiques. Dimanche soir, le gouvernement que Sébastien Lecornu s’est efforcé de former a permis de constater l’épuisement de ce monde politique, que chacun pressentait. Après Michel Barnier et François Bayrou, Sébastien Lecornu échoue à son tour, parce que le problème n’est pas une affaire de personnes : il s’agit de décisions à prendre. Elles ne trouvent pas de majorité parce qu’elles sont terriblement difficiles, et qu’elles se placent sous le commandement impérieux d’une froide réalité. C’est parce que cette réalité est plus financière que politique qu’elle menace de transformer notre crise politique en crise de régime, et la crise de régime en crise de l’État.
C’est alors que nous devrons redouter la violence.

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