Le choc des empires imposé par Donald Trump fragilise une Europe divisée et affaiblie

21 janvier 2025
🆘 Le choc des empires imposé par Donald Trump fragilise une Europe divisée et affaiblie.
💢Donald Trump, fort de sa victoire totale ainsi que de sa maîtrise du Congrès et de la Cour suprême, confirme qu’il n’est plus l’homme de la protestation mais qu’il entend s’imposer comme le leader de la révolution de l’Amérique et du monde. Contrairement à 2017, il a planifié sa prise du pouvoir, effectué les nominations de ses fidèles aux postes clés, arrêté un impressionnant programme d’« executive orders » immédiats pour défaire l’héritage de Joe Biden, renvoyé pour l’histoire à une simple parenthèse entre ses deux mandats.
💢Avant même son investiture, Donald Trump a commencé à redessiner le capitalisme et le système international : fusion de son Administration avec la finance et la Big Tech ; abandon des normes ESG ( ensemble de facteurs et de normes utilisés pour évaluer les pratiques et la performance des entreprises en matière de développement durable et de responsabilité sociale) et des politiques de diversité ; réorientation des échanges et des paiements mondiaux ; lancement du projet d’une grande Amérique, de Panama au pôle Nord ; mise au point avec la Russie d’un agenda de négociations sur un arrêt de la guerre en Ukraine ; cessez-le-feu à Gaza qui est mis à son seul crédit pour avoir réussi à forcer la main de Benyamin Netanyahou et du Hamas, cessez-le-feu qui lui vaut la reconnaissance inattendue du Sud, où il est perçu comme un pacificateur et un homme du dialogue entre les grandes puissances du XXIe siècle.
💢Donald Trump s’est associé avec Elon Musk pour créer une mécanique de choc, de tension et de vitesse lui permettant de réaliser une rupture majeure dans l’histoire des États-Unis. Il vise à refermer l’identification des États-Unis à la liberté politique et au primat de la Constitution, comme le cycle de la réassurance du monde libre qui s’ouvrit en 1917 avec Woodrow Wilson et s’est refermé en 2024 avec Joe Biden. L’Amérique du XXIe siècle ne sera pas démocratique, ouverte et universaliste, mais oligarchique, protectionniste et impériale.
💢Le leader du peuple Maga (Make America Great Again) risque de couper le lien existentiel de l’Amérique avec la démocratie libérale. Il scelle une alliance inédite et dangereuse entre un homme fort au tempérament despotique, les milliardaires de Wall Street et de la Silicon Valley, les industries de la finance – au moment où les États-Unis concentrent la moitié des flux de capitaux mondiaux – et de la technologie – en confortant le monopole de l’IA par le retour à l’absence de régulation du secteur numérique qui fonde les attaques contre l’Union européenne. La diminution drastique des impôts pour les plus riches, des dépenses fédérales, des agences et des normes, sur fond de confusion systématique entre l’intérêt national et les intérêts privés, ouvre la voie à un capitalisme de prédation où tout se « deal ». Ces évolutions marqueraient la transformation des États-Unis en une démocratie illibérale, que seules l’autonomie des États et la vitalité de la société civile peuvent enrayer.
💢L’impact sur l’économie et la géopolitique du monde n’est pas moins fort. La généralisation du protectionnisme, avec la très forte hausse des droits de douane mais aussi la dérégulation massive qui créera une divergence majeure avec les autres pays développés, implique une forte chute mais aussi une profonde réorientation des échanges et des flux de capitaux, allant jusqu’à un risque d’effondrement comparable à celui provoqué dans les années 1930 par le tarif Hawley-Smoot de juin 1930. Il confortera la fragmentation et l’arsenalisation du monde, avec la transformation des échanges, de la technologie, de l’énergie, de l’alimentation, de la santé ou des flux migratoires en armes.
💢Le refus de tout principe et de toute règle nie le principe même d’un ordre international, laissant le champ libre aux ambitions impériales et à la pure politique de puissance. Les revendications sur le Panama, le Canada ou le Groenland, au nom de la sécurité nationale des États-Unis, s’inscrivent dans cette logique, qui se refuse à exclure le recours à la force armée, au mépris non seulement de la souveraineté nationale, de l’inviolabilité des frontières et du droit de peuples à disposer d’eux-mêmes mais aussi d’alliances de très longue date, au premier rang desquelles l’Otan.
💢Donald Trump assume ainsi une Amérique impériale qui se réclame des mêmes principes que les tyrannies et les régimes autocratiques du XXIe siècle : constitution d’une sphère d’influence, sanctuarisation de l’étranger proche, recours à tous les moyens de la guerre hybride y compris au détriment des pays alliés moins puissants. Il raisonne, décide et agit comme Xi Jinping, Vladimir Poutine ou Recep Erdogan,. L’Amérique de Trump est un empire autoritaire, qui partage la vision impériale de la Chine tout en étant engagée dans une féroce rivalité avec elle, et qui, comme elle, ne fixe aucune limite à la mise sous tutelle des nations démocratiques, à commencer par l’Europe.
💢Samuel Huntington avait placé le XXIe siècle sous le signe du choc des civilisations. Il a eu raison sur le retour en force de la guerre et de la violence. Mais il s’est trompé sur la nature de la confrontation et des risques. Le choc n’oppose pas des blocs religieux mais des empires. Le risque majeur ne provient pas d’une alliance entre l’Asie et le monde musulman contre l’Occident mais de la corruption et de la division de l’Occident. Loin d’être en déclin, l’Amérique redevient une hyperpuissance mais se détache de la liberté politique et partage avec les autocraties asiatiques, russe et moyen-orientales comme avec les émergents du Sud le primat de la force sur le droit. L’Europe se veut le conservatoire des valeurs et des institutions libérales mais ne dispose ni de la volonté ni des moyens de les défendre face aux empires du XXIe siècle.
💢Donald Trump et les oligarques des Gafam placent l’Europe et les Européens devant un moment de vérité : soit la tutelle géopolitique et économique des États-Unis, sans même une garantie de sécurité effective ; soit la transformation en puissance pour défendre face aux empires notre souveraineté, notre liberté et notre civilisation, mais au prix d’une transformation radicale : l’acceptation du monde du XXIe siècle, multipolaire, volatil et violent ; la réconciliation avec le travail, le risque et les armes.
💢 « L’ouragan américain va se déployer à un moment où les Européens n’ont jamais été aussi faibles et divisés », cingle Bruno Alomar, ancien haut fonctionnaire à la Commission. L’Europe a passé toute l’année 2024 à se livrer, à coups de rapports successifs (Letta, Draghi), au diagnostic de ses faiblesses et de son décrochage économique par rapport aux États-Unis et à la Chine. Après des mois de procédure pour mettre sur pied la nouvelle Commission, la stratégie du sursaut tarde à se mettre en place.
💢 Sur le plan commercial, les chose semblent déjà bien mal engagées. La présidente de la Commission a déjà dévoilé ses cartes, en proposant d’acheter davantage de gaz naturel liquéfié aux États-Unis, dans l’espoir de s’octroyer les faveurs de l’hôte de la Maison-Blanche. Une démarche soutenue par le Parti populaire européen (PPE, droite), premier groupe au Parlement européen, qui préconise d’entrer avec lui dans une relation transactionnelle pour lui proposer des « deals » dans lesquels il aurait l’impression d’avoir l’avantage. Outre le gaz, cela pourrait concerner l’aéronautique ou les armements, au risque d’obérer les velléités d’autonomie stratégique européenne de la France. Vice-président de la Commission, Stéphane Séjourné plaide pour que l’Europe donne des gages aux États-Unis sur sa défense, à condition de ne pas subir « en plus une guerre commerciale ». Une majorité d’États membres privilégient cette ligne conciliatrice. « Les Allemands sont terrorisés, Meloni et Orban courtisent Trump, les autres ne voient pas de raison de s’énerver et espèrent toujours un retour à la rationalité à Washington », confie un haut responsable européen. Bref cela semble bien mal engagé.
💢 Le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, devenu réalité avec son investiture lundi à Washington, n’en finit donc pas de susciter des inquiétudes en France et dans de nombreux pays en Europe. On ne compte plus les responsables politiques tirant la sonnette d’alarme, appelant la France et l’Europe à réagir, mais sans pour l’instant trouver la formule miracle face aux mesures annoncées par le président américain (droits de douane, retour aux énergies fossiles…). Au gouvernement, on n’hésite pas à tirer la sonnette d’alarme. « Les Etats-Unis ont décidé d’une politique incroyablement dominatrice. […] Si nous ne faisons rien, notre destin est très simple, nous allons être dominés, écrasés, marginalisés. C’est une décision qui ne tient qu’à nous, Français et Européens », a averti le Premier ministre, François Bayrou. Il a appelé au « ressaisissement », à l’unité et à la stabilité.
Sans doute nécessaire mais pas suffisant!

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