L’avance industrielle de la Chine semble quasiment irrattrapable

7 mai 2025
❗️Il ne suffit pas d’assouplir les lois sur l’urbanisme et la protection de l’environnement (et encore bien timidement) et d’offrir des incitations financières (même si nous n’en avons plus guère les moyens) pour que les filières industrielles renaissent. L’industrie de pointe nécessite de vastes réserves d’expérience et de compétences que la Chine a acquises au fil du temps et que l’Europe et la France, dans de nombreux domaines, n’ont pas développé ou ont perdu. Les Etats-Unis également Mme si c’est dans une moindre mesure. Avons-nous la volonté d’investir massivement pendant des années pour recréer des filières et des compétences et attirer les talents face aux obstacles et aux oppositions inévitables ? Il est permis d’en douter.
❗️La réindustrialisation a beau revenir dans tous les discours, que ce soit en France, en Europe et aux Etats-Unis, sa traduction concrète demande autre chose que des mots. Personne ou presque ne mesure réellement les efforts nécessaires pour que les engagements et les promesses se concrétisent et le temps qu’il faut pour créer ou recréer des filières compétitives et des compétences. En deux décennies, la Chine est devenue l’usine du monde avec la complaisance et l’aveuglement des élites politiques, économiques et intellectuelles occidentales. Elle possède aujourd’hui des avantages décisifs dans presque tous les domaines à commencer par ceux de la transition énergétique : du raffinage des minéraux critiques aux cellules de batteries en passant par les véhicules électriques, les panneaux photovoltaïques, les composants des éoliennes, les électrolyseurs… et même le nucléaire.
❗️Et tout cela se fait avec une énergie abondante et bon marché… contrairement à l’Europe. L’Arabie Saoudite, la Russie et les Etats-Unis ne sont pas les premiers producteurs au monde d’énergie. Ils sont loin derrière la Chine, premier producteur au monde d’hydroélectricité, d’électricité solaire, d’électricité éolienne et surtout de charbon. Cela illustre de façon saisissante pourquoi aujourd’hui la transition énergétique n’est pas entre les mains des occidentaux… mais dans celles de la Chine.
❗️En un quart de siècle, en une génération, la Chine s’est totalement transformée, d’une société pauvre et essentiellement rurale en une superpuissance industrielle qui a supplanté les Etats-Unis et parfois les domine en matière de technologies tout en contrôlant des ressources stratégiques essentielles. Elle est ainsi indirectement impliquée dans les succès électoraux de Donald Trump et dans l’affaiblissement économique de l’Europe.
❗️Au tournant du siècle, la transition de la Chine a été dopée par l’accélération sans précédent du commerce mondial dans les décennies qui ont suivi la fin de la guerre froide et son admission dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Avec une énorme main-d’œuvre bon marché et compétente, un marché intérieur en constante expansion et un gouvernement autoritaire ayant accès sa stratégie de développement sur les exportations, elle est devenue l’usine du monde.
❗️Elle a aspiré dans des quantités sans équivalents dans l’histoire les ressources du monde, les transformant en mégalopoles et en gigantesques projets d’infrastructure, ainsi qu’en produits manufacturés expédiés en quantités toujours plus grandes dans le reste du monde. Entre 1995 et 2021, la part de la Chine dans la production manufacturière mondiale est passée de 5 à 30%. Tandis qu’un Chinois sur cinq vivait dans une ville au début du siècle, ils sont aujourd’hui plus de trois sur cinq.
❗️ En début d’année, le commissaire européen Stéphane Séjourné, en présentant ses orientations pour le secteur automobile en particulier, avait décrit une industrie « en danger de mort ». Ce secteur est symbolique de tout ce qui frappe notre industrie. Les patrons de Renault et Stellantis veulent croire que ce sentiment d’urgence sera suivi d’effets et ont tiré la sonnette d’alarme en ce début de semaine. « 2025, c’est un moment charnière. Le marché chinois va dépasser ceux de l’Europe et des États-Unis réunis. L’Europe doit choisir si elle veut encore être une terre d’industrie automobile ou un simple marché. Dans cinq ans, à ce rythme de déclin, il sera trop tard. Le sort de l’industrie automobile européenne se joue cette année », dit John Elkann. « Le niveau actuel du marché est un désastre, insiste Luca de Meo, il y a là un enjeu stratégique, y compris pour les États pour qui le secteur représente 400 milliards d’euros de rentrées fiscales par an en Europe. »« À ce rythme, si la trajectoire ne change pas, nous devrons prendre dans les trois ans qui viennent des décisions douloureuses pour l’appareil de production, explique John Elkann. À l’inverse, s’il y a une mobilisation autour d’un choix politique clair, si nous recréons un marché et des volumes, nous sommes l’un et l’autre convaincus que nous pourrons continuer à produire en Europe, y compris en Europe de l’Ouest. »
❗️ Renault et Stellantis souhaitent que ce sujet soit à l’agenda des réformes attendues de la Commission européenne. Les deux patrons réclament d’urgence que le mot d’ordre de simplification annoncé par Ursula von der Leyen soit effectivement mis en œuvre. Pour le moment, ce ne sont encore que des mots et les résultats ne sont pas là. Les deux dirigeants regrettent ainsi que l’engagement de la Commission de modifier les règles dites « Cafe », qui menacent d’amendes dès 2025 les constructeurs dont le mix de ventes serait en moyenne trop émetteur de CO2, ne soit pas encore traduit dans les textes. Cette incapacité à passer rapidement de la parole aux actes est « déroutante ». « Les clients aussi sont perdus, explique le patron de Renault. Avant, pour choisir une voiture, c’était simple. Celui qui roulait 25 000 km par an prenait un diesel, celui qui en faisait 10 000 prenait une essence. Facile. Aujourd’hui, il faut faire tourner un algorithme avec 18 critères ! »
❗️ « L’Union européenne s’est focalisée, dans sa légitime ambition environnementale, sur le seul sujet des voitures neuves, et sur la seule cible des véhicules zéro émission. Mais ce qui est important pour notre environnement, c’est de remplacer les 250 millions de voitures en circulation qui sont polluantes et dont la moyenne d’âge ne cesse d’augmenter : elle est de 12 ans en Europe, de 17 ans en Grèce !, explique John Elkann, la décarbonation peut vraiment accélérer en renouvelant le parc avec des technologies variées, innovantes, compétitives, revitalisant ainsi la demande. »« Si l’objectif, c’est la réduction globale des émissions de carbone, il faut dire les choses : l’Europe a encore du pain sur la planche. Elle a cru, à tort, que la voiture électrique serait à elle seule la solution miracle », affirme Luca de Meo.
❗️ Le patron de Renault plaide pour la neutralité technologique et pour changer la méthodologie. Il faut calculer les émissions, non plus du réservoir à la roue, une approche « qui a déjà atteint sa limite », mais sur l’ensemble du cycle de vie. Ce qui changerait la hiérarchie entre de grosses voitures électriques et de petits véhicules à essence ou hybrides.
❗️2035 : La date est devenue un totem en Europe. L’Union européenne doit-elle changer son fusil d’épaule sur l’interdiction des voitures thermiques neuves à cette date ? Luca de Meo s’agace de l’alternative dans laquelle on veut souvent enfermer le débat. Ce n’est pas pour ou contre 2035, pour ou contre l’électrique. Il faut rouvrir le champ des possibles, ­affirmer la neutralité technologique. « Nous, industriels, nous fonctionnons avec des plans à dix ans qu’on revoit ré­gulièrement parce qu’il se passe des tas de choses qui ne sont pas prévues. On ­ajuste en permanence. On s’adapte. »« Ne croyez pas que nous soyons des nostalgiques du XXe siècle. Nous sommes des industriels du XXIe siècle, capables d’offrir au plus grand nombre une gamme de produits complète, du tout-électrique à l’hybride et au thermique de nouvelle génération, comme le montrent les produits que nous avons récemment lancés (Citroën C3, Fiat Grande Panda, Peugeot 3008) », argumente le patron de Stellantis. « Telle qu’elle est écrite, la directive 2035 induit un marché divisé par deux. Parce qu’il faut être clair, le marché n’achète pas ce que l’Europe veut que nous lui vendions. Remplacer la totalité des volumes actuels par de l’électrique, dans ces conditions, nous n’y arriverons pas », explique de Meo.
❗️« Ce qu’il nous faut, c’est un objectif, de la rapidité de décision, et des certitudes, affirme Elkann. Nous ne demandons pas d’aide, seulement qu’on nous laisse travailler, innover, et apporter aux gens les véhicules plus propres, mais aussi abordables, dont ils ont envie et besoin ! » Le patron de Stellantis constate que le reste du monde bouge vite ces derniers temps. Le politique décide. Donald Trump signe des décrets à la chaîne, la Chine s’organise. « En Chine, aux États-Unis et dans les pays émergents, ils construisent des politiques industrielles fortes.En Europe, nous discutons avec des États qui ont malheureusement peu de marge de manœuvre, et une Commission européenne qui a peu de capacité à faire. »« Tous les pays dans le monde qui ont une industrie automobile s’organisent pour protéger leur marché. Sauf l’Europe », décrit le patron de Renault. Il demande que l’Europe mette à la même table les régulateurs, les industriels et les scientifiques pour élaborer les futures normes. La guerre commerciale qui se déchaîne à l’échelle mondiale pousse à la régionalisation et doit inciter le Vieux Continent à se reconcentrer sur sa demande intérieure.
❗️Ce qui touche aujourd’hui l’automobile concerne en fait tous les secteurs industriels, on le voit avec les difficultés économiques qui se multiplient sous le double choc de la compétitivité chinoise et des initiatives américaines.

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