Europe : la contrainte budgétaire rend difficile le financement de l’effort de guerre

4 mars 2025
🌎🇫🇷🇺🇦🇫🇷 Europe : le sursaut passe par la volonté de puissance, même si la contrainte budgétaire rend difficile le financement de l’effort de guerre.
🌎 Emmanuel Macron a présenté un projet de trêve en Ukraine pour les seules opérations navales et aériennes. Mais au Royaume-Uni, le gouvernement de Keir Starmer a rappelé qu’aucun accord entre les deux capitales n’avait encore été finalisé. Par sa brutalité, Donald Trump a réussi à réveiller l’Europe – tant mieux ! Avant le nouveau sommet de jeudi, à Bruxelles, le défi du Continent est maintenant de ne pas se rendormir. C’est-à-dire de ne pas céder, sous les coups de la division, du confort ou de l’aveuglement, à l’ultime démission : le renoncement à la volonté de puissance.
🌎 La volonté ? Elle compte autant, si ce n’est plus que les moyens. La promesse technocratique d’un recyclage des milliards d’euros des fonds de cohésion pour financer notre sécurité vaut moins que l’ambition de (re)faire de l’Union européenne une zone de croissance et de compétitivité, au prix d’une réhabilitation de l’effort (de guerre, en l’occurrence). Le risque de division, du fait de membres illibéraux traités avec trop de complaisance, ne doit pas freiner l’élan d’Etats volontaristes, un cercle restreint prêts à opposer la singularité européenne à l’exceptionnalisme américain.
🌎 La puissance ? Sans rien renier de ses valeurs, l’UE devrait s’inspirer des Etats-Unis trumpistes : défendre sans complexe ses intérêts économiques et géopolitiques par une force militaire autonome. Ce réarmement sera de longue haleine. Sortir de la vassalisation sera coûteux. Mais il est temps d’adopter le discours de notre pouvoir – nos atouts ne nous empêchent ni d’espérer, ni de nous battre. Moins d’exemplarité et de moraline, plus de cynisme et de rapports de force.
🌎 Par son comportement imprévisible et ses réponses inattendues, Donald Trump est déjà parvenu à obtenir beaucoup d’anciens alliés désormais rivaux. Cette « stratégie du fou », à l’UE de s’en inspirer ! Car au-delà des incantations habituelles, des lenteurs trop connues et des différends paralysants, la meilleure des dissuasions serait que les Vingt-sept surprennent, à leur tour, par des actes. Des actes dont Washington, Pékin ou Moscou ne nous croient plus capables.
🌎 Je partage l’avis d’Edouard Philippe, ancien premier ministre, qui estime que l’on «n’est pas loin d’un effondrement des bases sur lesquelles l’ordre du monde est fondé depuis 1945». «Le multilatéralisme était la façon de régler les conflits, l’alliance atlantique garantissait la paix avec des moments de tension… Mais c’était le monde dans lequel on vivait. Aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’il reste de l’alliance transatlantique.»
🌎 L’Europe est «confrontée à elle-même», ce qui n’est, pour les Français, «pas un effondrement intellectuel» puisqu’ils insistent depuis des années sur l’importance d’une souveraineté économique et politique. En revanche, les décisions de Trump sont un bouleversement pour beaucoup d’autres Européens, parmi lesquels les Polonais, les Allemands et les Danois. «Pour eux, le parapluie américain était la garantie de sécurité depuis 1989. C’est donc une rupture complète du système politique de sécurité et de défense.»
🌎 Il nous faut donc prendre une initiative européenne sur le terrain, en Ukraine. Soit, on envoie des troupes pour se battre. Personne ne le souhaite. Soit, on envoie des troupes pour installer des garanties de sécurité.
🌎 Face aux menaces, l’Union européenne semble vouloir muscler son jeu. La Commission européenne a dévoilé en effet ce mardi 4 mars un plan pour «réarmer l’Europe» qui ambitionne de mobiliser près de 800 milliards d’euros pour sa défense, dont 150 milliards de prêts, et fournir une aide immédiate à l’Ukraine. «L’Europe fait face à un danger clair et immédiat d’une ampleur qu’aucun d’entre nous n’a connue dans sa vie d’adulte», a affirmé sa présidente Ursula von der Leyen, dans une lettre adressée aux dirigeants des 27. «L’avenir d’une Ukraine libre et souveraine, d’une Europe en sécurité et prospère, est en jeu», a-t-elle assuré dans cette lettre, qui présente un plan en cinq volets destiné à renforcer la défense européenne.
🌎 Le premier «pilier» de ce plan prévoit de mettre quelque 150 milliards de prêts à disposition des 27 pays de l’UE pour financer le renforcement des capacités de défense en Europe. Ces fonds doivent servir en priorité à investir dans les domaines où les besoins sont les plus urgents comme la défense anti-aérienne, les missiles, les drones et les systèmes anti-drones ou encore les systèmes d’artillerie. Ursula von der Leyen a également confirmé sa volonté d’encourager les États membres à dépenser plus pour leur défense, sans souci du respect des règles budgétaires qui les obligent à limiter leur déficit public à 3% de leur Produit intérieur brut (PIB). «Cela permettra aux États membres d’augmenter de manière significative leurs dépenses de défense sans déclencher la procédure de déficit excessif», a-t-elle déclaré.
🌎 Cette exemption concernera les prêts prévus par l’enveloppe globale de 150 milliards d’euros, selon sa lettre aux États membres. La Commission entend aussi utiliser des fonds d’aide aux régions les plus défavorisées de l’UE, les fonds dits de cohésion, pour financer des projets de défense. Le total de ces fonds pour la période 2021-2027 est de 392 milliards d’euros, mais Ursula von der Leyen n’a pas précisé les montants qui pourraient être disponibles pour des investissements dans la défense.
🌎 La présidente de la Commission européenne entend également faciliter le recours à la Banque européenne d’investissements (BEI) pour le financement de projets de défense. Cette banque n’est pour le moment pas autorisée à financer des projets directement liés au secteur de la défense. Enfin, la Commission européenne veut davantage mobiliser le secteur privé pour le financement de la défense en Europe. Le total de ces mesures doit permettre de mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros en faveur de la défense, a expliqué Ursula von der Leyen. Les dirigeants des 27 vont en discuter jeudi à Bruxelles à l’occasion d’un sommet extraordinaire.
🌎 En matière de défense, il faut enregistrer une autre évolution majeure du côté de l’Allemagne. Friedrich Merz, le nouveau Chancelier, a désormais les yeux fixés sur l’Europe. « Tous les signaux que nous recevons en provenance des Etats-Unis indiquent que l’intérêt pour l’Europe y faiblit de manière significative », a déclaré le chef des conservateurs, au lendemain de sa victoire aux élections allemandes. Dans ce contexte, le dirigeant juge plus que jamais nécessaire de se préparer « au pire scénario si ceux qui, aux Etats-Unis, ne parlent pas seulement de ‘America First’ mais presque de ‘America Alone’, prennent le dessus ». Le dirigeant allemand estime que les Européens doivent très rapidement organiser leurs propres capacités de défense.
🌎 Atlantiste convaincu, Friedrich Merz aura paradoxalement pour défi historique de contribuer à la construction d’une Europe capable de voler de ses propres ailes. Après avoir échangé avec la nouvelle administration américaine lors de la Conférence sur la sécurité de Munich mi-février, le leader des conservateurs n’a cessé de distiller des petites phrases dans ses meetings, afin de préparer les esprits aux bouleversements en cours. « Les choses sont en train d’évoluer chaque jour et il est probable que nous ne comprendrons l’ampleur de ces changements que dans quelques années […]. Nous sommes aujourd’hui les témoins d’un mouvement quasi-tectonique des centres de pouvoir politiques et économiques de la planète. » a-t-il déclaré.
🌎 Cet atlantiste convaincu en remettait une couche sur la chaîne de télévision ZDF. « Nous devons nous préparer à la possibilité que Donald Trump ne respecte plus inconditionnellement l’engagement de défense mutuelle de l’Otan », déclarait l’ancien président du lobby pro-américain Die Brücke. « C’est pourquoi il est crucial que les Européens fassent les plus grands efforts possibles pour s’assurer d’être capables de défendre le continent par eux-mêmes. »
🌎 Dans ce contexte, Friedrich Merz est prêt à parler d’un sujet qui a longtemps fait figure de tabou à Berlin : la dissuasion nucléaire. « Nous devons discuter avec les Britanniques et les Français – les deux puissances nucléaires européennes – pour savoir si un partage du nucléaire, ou du moins de la sécurité nucléaire du Royaume-Uni et de la France, pourrait également s’appliquer à nous », a expliqué Friedrich Merz vendredi. Une révolution culturelle !
🌎 L’idée d’une dissuasion nucléaire européenne, évoquée depuis quelques jours, n’a aucun sens. Depuis 1962 et l’expression de la doctrine par le général de Gaulle, rien n’a changé. L’arme nucléaire est un outil français : conception, mise en œuvre et décision française autonome. Ce constat n’empêche pas de repenser complètement «l’architecture de défense européenne».

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