
Après l’accord de gouvernement signé lundi avec les sociaux-démocrates, le chef de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) Friedrich Merz devait être investi, mardi 6 mai, chancelier de l’Allemagne. Bien que disposant d’une majorité absolue sur le papier, il a cependant échoué à être élu lors du premier tour de vote au Bundestag, créant la stupéfaction dans le pays qui s’enfonce ainsi dans la crise politique.

Friedrich Merz n’a obtenu que 310 voix sur 621 exprimées et 630 députés au total, a annoncé la présidente du Bundestag. Il lui en aurait fallu 316 pour être élu. Le vote, qui devait au départ n’être pour lui qu’une formalité, a tourné à l’humiliation publique. Il aura une nouvelle chance lors d’un deuxième tour dans l’après-midi, ont annoncé les responsables de son camp et des sociaux-démocrates. Et il sera sans doute élu, mais déjà affaibli! Un « camouflet » qui va affaiblir Friedrich Merz.

Dans le système parlementaire allemand, ce sont les députés qui élisent le chef du gouvernement. Un tel échec pour un candidat chancelier est sans précédent dans l’histoire politique d’après-guerre de l’Allemagne. Il illustre la fragilité du dirigeant démocrate-chrétien et de la coalition avec laquelle il entend gouverner la première économie européenne, aux côtés des sociaux-démocrates, sous pression d’une l’extrême droite en plein essor. « Non reçu – une défaite historique », a commenté le site du magazine Spiegel, comparant Friedrich Merz à un étudiant passant un examen.

Ce contretemps fâcheux est un « camouflet » et aura forcément un impact sur ses débuts en tant que chancelier et ensuite sur la période gouvernementale à venir. Et au niveau international aussi, c’est vraiment pas bon signe. C’est hélas un signe de plus de l’affaiblissement des démocraties occidentales.
L’évènement retarde en tout cas la prise de fonction prévue du nouveau gouvernement, attendu avec anxiété par l’Europe entière après des mois d’instabilité politique en Allemagne, d’abord avec la chute du gouvernement d’Olaf Scholz fin 2024, puis des législatives anticipées fin février difficilement remportées par les conservateurs de Friedrich Merz.

Friedrich Merz savait qu’il ne bénéficierait d’aucun état de grâce mais ne s’attendait pas à essuyer une telle humiliation, comme l’a laissé transparaître son visage fermé, dans les travées de l’assemblée, à l’issue du vote. Sur l’ensemble des forces de sa coalition, qui rassemble conservateurs et sociaux-démocrates, il lui a manqué 18 voix.

Friedrich Merz fait probablement les frais, dans son propre camp conservateur, de sa décision récente d’assouplir les règles budgétaires très strictes du pays pour pouvoir financer son vaste programme de réarmement et de modernisation du pays à hauteur de centaines de milliards d’euros. De nombreux élus conservateurs s’en sont émus ces dernières semaines, faisant valoir que leur parti avait promis l’inverse durant la campagne électorale. De même, les concessions faites aux sociaux-democrates, ont sans doute fait perdre des voix au candidat à la chancellerie, montrant les limites des coalisions, en Allemagne comme ailleurs, pour gouverner, décider et agir.

Friedrich Merz a promis un nouveau « leadership » en Europe, qui passe par un resserrement des liens avec Paris mais aussi Varsovie. Partisan d’un soutien sans faille à l’Ukraine, il s’est dit ouvert, sous conditions, à la livraison de missiles longue portée Taurus à Kiev, malgré les menaces de la Russie.

Parmi ses chantiers prioritaires, la remise à niveau de l’armée nationale, à la fois pour assurer la défense du pays et sa contribution à l’Otan, mais aussi des infrastructures aussi essentielles que les routes et écoles, en mauvais état après des années de sous-investissement.
Sur le plan intérieur, Friedrich Merz entend faire reculer l’AfD en se montrant dur sur l’immigration.
S’il est finalement élu, son succès dépendra aussi de l’alignement des vues avec les alliés sociaux-démocrates. Avec les portefeuilles des Finances, revenu à Lars Klingbeil, et de la Défense où reste le sortant Boris Pistorius, le Parti social-démocrate a les moyens de peser sur la politique du prochain gouvernement.