
Trop de responsables politiques s’étaient persuadés que l’international n’intéressait pas assez les électeurs pour qu’ils s’y investissent. Depuis ce vendredi d’affrontement jamais vu entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, plus rien n’existe d’autre que l’international. La politique française est écrasée. Les responsables se taisent ou se montrent prudents, sidérés et impuissants.
Un mois après l’entrée en fonction de Donald Trump, une troisième étape s’est engagée. Mais laquelle? Ce fut d’abord le déni : le monde changeait d’ère géopolitique, nous restions largement dans notre bulle, déconnectés. Vendredi a ouvert une vague d’indignations sans précédent sur internet. Une sorte de réveil, mais ne dépassant pas les quelques lignes d’un tweet. Et maintenant ? Le silence ou quasi, avant les débats au Parlement de ce lundi et de demain, et après un sommet européen à Londres ce dimanche encore bien cacophonique.

Commençons par déplorer le comportement du président des États Unis et de son vice-président. Leur agressivité et leur violence à l’égard du président de l’Ukraine, victime depuis 3 ans de l’agression russe avec ses centaines de milliers de morts, ses déportations d’enfants et ses viols, sans même parler des destructions matérielles sont inqualifiables.
L’attitude héroïque de l’Ukraine, des ukrainiens et de leur chef d’Etat mérite respect et soutien.
Au delà comment ne pas être extrêmement inquiets de voir la première Nation du « monde libre », celle qui a toujours été aux côtés de l’Europe, celle qui a été de tous les combats pour la Liberté se rapprocher de la Russie de Vladimir Poutine ?
La gravité de ces événements doit bien être perçue par delà même la situation ukrainienne. Nous sommes sans doute à un tournant de l’histoire.

Depuis des années s’est installée l’idée que l’international n’intéresse pas le citoyen. Il est désormais évident que la France ne peut rien seule, sans l’Europe. Chacun sait, un peu comme avec le Covid, que ces moments de grande peur collective peuvent agir comme révélateurs des tempéraments, ou des contradictions. Les ambiguïtés vis-à-vis de l’Ukraine et de la Russie tiennent mal. La question de la dissuasion nucléaire européenne revient au premier plan. Seules s’entendent pour l’heure les grandes voix militaires et diplomatiques pour tenter d’éclairer, minimiser ou s’inquiéter, mettre à sa juste place, nommer ce qui se passe. « Les Etats-Unis, des amis qui ne nous veulent plus de bien », résume Bourlanges sur LCI.

Nos dirigeants préparent le terrain pour l’étape d’après, « existentielle » selon le mot du moment : l’action. « Face à l’anxiété, il faut de l’action », dit devant la presse dominicale le Président Macron, dont la tâche est immense et l’activité est à ce stade à saluer. Avant d’ajouter : « Il est minuit moins le quart. » Pas besoin de dramatisation cette fois, tout le monde a bien saisi cette urgence. Le Bureau ovale peut clore la période de confusion désespérante ouverte depuis trop longtemps en France et en Europe, et ouvrir une séquence nouvelle. Mais à quel prix? Et avec qui?

En attendant, l’Europe fait face à une triple épreuve de volonté : avec la Russie, avec les Etats-Unis et, plus décisive encore sans doute, avec elle-même. Comment faire comprendre aux Européens, aux Français, qu’au-delà des questions migratoires et de pouvoir d’achat, leur avenir se joue d’abord sur le plan géopolitique dans les immenses plaines ukrainiennes ? S’opposer à la progression impériale de la Russie, résister au chantage (de type quasi mafieux ?) américain, c’est pour l’Europe définir son identité, en retrouvant seule (au moins pendant la parenthèse Trump, mais est-ce vraiment une parenthèse ?) les racines de son projet humaniste.

Cette fois, les pays du vieux continents n’ont d’autre choix que celui de s’unir face à la menace militaire russe et à la menace économique américaine. Ils en ont les moyens objectifs. Nos adversaires sont plus faibles que nous ne le pensons. Et nous sommes plus forts que nous ne le croyons.
Il nous faut la Grandeur.