🐮Crise agricole, le virus de la défiance.
▪️Je le dis d’emblée la piste de la vaccination, à condition de pouvoir lever au préalable, la possibilité de maintenir le commerce des animaux et l’exportation, est la seule susceptible de répondre à la crise de la DNC. Les solutions doivent être trouvées rapidement car l’inquiétude est là et nous devons tout faire pour préserver notre élevage et nos agriculteurs. Ils sont la fierté de notre territoire et de notre pays.
La vaccination est un chemin d’espoir pour empêcher l’abattage des troupeaux.
Sur le long terme nous devrons nous interroger sur le dérèglement climatique qui impacte le vivant dans son ensemble et notre agriculture en tout premier lieu.
▪️ Voilà deux ans que l’agriculture française est en crise, qu’elle crie son désarroi sans être vraiment entendue, sans être vraiment comprise. Aujourd’hui, là comme ailleurs, outrances et fake news se déchaînent sur le traitement sanitaire de la dermatose nodulaire contagieuse, qui touche les bovins. Il faut ramener la raison dans le débat et remettre au centre du jeu des arguments scientifiques, économiques et la défense de l’élevage sur le long terme.
Mais la dimension affective de chaque éleveur pour ses animaux, le drame vécu par ceux qui voient le travail de toute une vie disparaître brutalement, la sensibilité bien justifiée de nombre de français au bien être animal, l’incompréhension face à certaines images… ne peuvent être ignorées.
En fait, cette crise montre combien notre pays est inflammable, combien la confiance est rompue entre le pays et les dirigeants, combien on agit en réaction et jamais en anticipation.
▪️Pourtant la gestion de la crise sanitaire de la DNC a été élaborée et validée, en juillet, par le Cnopsav, le Comité national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale, réuni après le premier cas du 29 juin. Ce « parlement sanitaire » français réunit syndicats agricoles, coopératives, chambres d’agriculture, vétérinaires, Groupements de défense sanitaire (GDS) et des scientifiques, à chaque crise. Ses conclusions sur la DNC ont été revalidées à trois reprises, la dernière fois le 9 décembre. « On a entendu les arguments des meilleurs experts de la DNC, maladie jusqu’ici inexistante chez nous, rapporte Christophe Moulin, président des GDS. Il y a un consensus, nous nous y rangeons. Ce n’est pas facile, mais nous avons acquis la certitude que c’est la réponse adaptée, pour sauver le reste. »
❗️▪️Tous les participants, à l’exception de la Confédération paysanne, ont approuvé en juillet la stratégie française basée sur l’abattage total des lots d’animaux touchés par la maladie, la vaccination dans le périmètre de 50 km alentour, l’interdiction de déplacement de bétail. Y compris la Coordination rurale (CR), qui s’était rangée aux arguments scientifiques. Hélas certains ne s’y sont pas tenus mettant en cause la sécurité de tous.
▪️La vaccination ciblée et locale est essentielle pour dresser des cordons sanitaires. Mais une vaccination totale se heurterait à des obstacles majeurs. Vu la disponibilité des doses et des vétérinaires, il faudrait sept à douze mois pour y parvenir. La couverture minimale pour une immunité collective étant de 75 % nous pourrions avoir des difficultés à les atteindre.
▪️Pendant tout ce temps, la France ne serait plus considérée comme « indemne » de la DNC. Elle se verrait fermer les marchés à l’export pour ses bovins, pour au moins quatorze mois. Or, elle vend à l’Italie et à l’Espagne un million de broutards par an. Cela signifie 2 milliards d’euros de pertes pour la filière bovine. Qui est prêt à assumer ce désastre ? En danger aussi, le commerce des fromages au lait cru, un des derniers secteurs florissants de notre agriculture, et l’exportation de la génétique animale – un marché à 120 millions pour les bovins. Et ce n’est pas « la faute de l’Europe ». Les règles sanitaires nationales des clients, y compris extra-européens, suffisent à bannir les produits français.
▪️Il y a en France 125 000 élevages bovins. Les abattages ont concerné 111 lots sanitaires, dans 76 fermes, et un peu moins de 3 000 vaches, soit 0,17 % du cheptel national. De quoi ridiculiser les populistes qui prétendent que les abattages servent à faire de la place aux productions venues de pays du Mercosur. Mais on ne peut ignorer la souffrance de ceux qui sont frappés. On ne peut non plus ignorer la nécessité d’agir collectivement. On ne peut accepter d’envoyer nos forces de l’ordre contre nos agriculteurs.
▪️Déraillement de la raison. Où les arguments rationnels et scientifiques ont-ils déraillé ? Quand ils se sont heurtés à des réalités économiques et sociologiques différentes. En Savoie, dans le Jura, les éleveurs laitiers sont organisés en coopératives fromagères anciennes et prospères (AOP abondance, comté). A la survenue de la DNC, ils ont pensé collectif. Les dépeuplements ont été acceptés tristement avec raison, dans la certitude que le collectif aiderait à repartir. Seul accroc dans cette responsabilité, un dépeuplement retardé de quinze jours sous la pression de manifestations de la CR à Entrelacs, a propagé la maladie. La leçon a été apprise. Cela ne s’est pas reproduit.
▪️Dans les Pyrénées-Orientales, c’est différent. Comme souvent en France, les filières viandes n’y ont jamais réussi à s’organiser. Les crises successives (sécheresse, maladies MHE et FCO) ont frappé l’Occitanie, mais le collectif n’a pas joué, laissant les exploitants seuls et en difficulté. C’est ce qui explique les succès de la Coordination rurale aux élections professionnelles, une désespérance, à laquelle s’ajoute la haine de l’Europe, de l’Etat, du gouvernement, des autorités, y compris scientifiques. Tout explose au grand jour avec la DNC.
▪️Annie Genevard va lancer ce lundi en Occitanie la vaccination d’un million de bêtes. Une mesure réclamée par les éleveurs locaux en colère. La ligne de conduite. On peut sans doute reprocher un retard d’action face à la situation mais la réponse semble bien être la seule possible. La doctrine sanitaire et vétérinaire française a fait ses preuves et reste identique. C’est pour sauver le plus grand nombre qu’il faut appliquer un dosage entre abattage et vaccination, et respecter les limites de déplacement d’animaux. La ministre de l’Agriculture devra déployer des trésors de pédagogie. Mais la raison peut elle encore être entendue là comme ailleurs?
▪️Peut-on encore parler de DNC rationnellement ? Impossible sur les réseaux sociaux, torrents d’émotions et de fake news. Les images de charges de gendarmes autour d’une ferme ariégeoise n’aident pas : elles ont galvanisé tout ce que la France compte d’antisystèmes, alliés à la Coordination rurale, syndicat contestataire et radical. Difficile aussi de faire œuvre factuelle aussi dans les medias.
▪️Cette crise illustre la réalité de notre société qui échappe bien souvent à la raison, avec une violence latente et une perte totale de confiance.
Il sera difficile de remonter cette pente, surtout au niveau de notre agriculture si ce vendredi l’Europe valide le Mercosur dont notre élevage sera la principale victime.
❗️Solidarité totale avec la profession pour sauver leurs élevages et sauver notre agriculture.



