Manuel des transitions justes », Éloi Laurent propose de répondre à la perplexité des étudiantes et étudiants qui ne cesse de grandir : comment peut-on continuer à enseigner une économie aveugle à l’écologie comme s’il s’agissait de mondes parallèles ? Ce manuel innovant propose en réponse une économie pour le XXIe siècle, qui intègre défis écologiques et enjeux sociaux : une économie qui part de la biosphère plutôt que de la traiter comme une variable d’ajustement ; une économie qui place au centre la crise des inégalités sociales plutôt que l’obsession de la croissance ; une économie organique, en prise avec le vivant dont nous dépendons ; une économie en dialogue avec les autres disciplines. En somme, une économie mise au service des transitions justes, qui ont pour but de préserver notre planète et nos libertés.
La première partie du manuel présente un cadre, une méthode et des outils pour insérer l’économie entre la réalité écologique et les principes de justice. La seconde partie applique cette approche social- écologique à toutes les grandes questions de notre temps : la biodiversité, les écosystèmes, l’énergie, le climat, etc., et donne à voir tous les leviers d’action pour mener à bien les transitions justes : Nations unies, Union européenne, gouvernement français, territoires, entreprises, communautés.
L’objectif de l’économie, c’est de donner de la valeur, de convenir de la valeur et de la mesurer. Lorsque Simon Kusnets inventa le PIB en 1934, il proposait de mesurer la crise et non le développement, admettant qu’il ne s’agissait pas d’un indicateur de bien-être humain. Il s’agit de mesurer le flux des échanges monétisés. En 1944, lors des accords de Bretton Woods, il fut décidé que le PIB serait l’étalon de la croissance économique qui est en fait la croissance du PIB en valeur réelle (hors inflation).
– l’effondrement de la biosphère : sujet le plus fondamental à l’échéance 2050 car il s’agit en fait de la destruction de l’habitat humain,
– les inégalités sociales car le PIB ne mesure que l’agrégat et non la répartition,
– la démocratie qui ne dit pas comment la richesse est créée.
L’indicateur est donc totalement dépassé aujourd’hui, de même que le circuit fermé de la croissance qui nourrit le budget de la nation, lequel alimente la croissance. En outre, l’illusion de l’augmentation a l’infini de cet indicateur est mortifère car elle détruit le premier grand élément productif qu’est la biosphère (nous savons déjà qu’on franchira les +1,5 degré en 2030.
Le 7 avril 2020, 4 milliards de personnes étaient bouclées dans le monde. Les liens sociaux c’est ce qu’on a de plus précieux, or à partir de 35 degrés en milieu humide, le corps humain ne supporte plus. Le confinement, l’isolement, risque de se généraliser si nous ne faisons rien. Le nouveau monde sera le monde de l’insoutenabilité écologique si nous n’agissons pas.
– la santé et ses trois composantes : individuelle, collectives (liens sociaux), écologique,
– la coopération qui revêt aussi trois composantes : les relations sociales, la justice sociale et la démocratie.
Dans cette économie du lien, la culture et le patrimoine entrent dans les relations sociales et génèrent une mémoire des liens adossée aux échanges. Cela constitue en quelque sorte un actif, qui vient équilibrer un passif constitué par la dette, ou les dettes plus exactement : dette financière et dette ecologique. La valorisation de la dette selon David Graeber peut prendre une forme très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. La dette est une promesse qui repose sur la confiance. Et une promesse, ce n’est pas la négation de la liberté, au contraire, c’est l’essence de la liberté ! Être libre, c’est justement avoir la capacité de faire des promesses. Les esclaves ne peuvent pas en faire, ils ne peuvent pas prendre d’engagements auprès d’autres personnes, car ils ne sont pas sûrs de pouvoir les tenir. Être libre, c’est pouvoir s’engager auprès d’autrui. Cette approche doit nous permettre de sortir de la financiarisation de la société qui ne fait que s’accélérer avec le numérique.
L’économie du lien, la capacité à coopérer, la transition juste, la lutte contre l’isolement social… doivent être au cœur d’un projet de post-croissance qui repose d’abord sur la santé.



