🧮 Les contours du budget 2025 notifiés aux différents ministères reposent donc sur 10 milliards d’économies dans un contexte inédit qui ne peut qu’inquiéter quant à nos fondamentaux budgétaires.
📍Le gouvernement démissionnaire a envoyé cette semaine les « lettres plafonds » qui détaillent les enveloppes de crédits pour chaque ministère l’année prochaine. Ce texte socle que le nouvel exécutif pourra bien-sûr revoir, je reviendrai sur cette interminable parenthèse estivale qui pose bien des questions quant à notre démocratie et à nos institutions, est indispensable pour que le budget soit discuté à l’automne. Le calendrier exigeait ce travail même si le contexte ne va pas faciliter le travail parlementaire sur le PLF 2025, en particulier au niveau de la commission des finances du Sénat.
📍Le prochain Premier ministre ne partira donc pas d’une page blanche, le calendrier dans lequel le Président de la République nous a précipité depuis le 9 juin au soir ne le permettant pas. Alors que la nomination du nouveau chef de l’exécutif paraît sans cesse repoussée, l’Elysée a annoncé mardi que les consultations avec les chefs de partis prévues vendredi s’étireront jusqu’à lundi, et alors que le périmètre d’une majorité relative reste improbable, l’élaboration du budget 2025 connaît de fait et par nécessité un petit coup d’accélérateur.
📍Le Premier ministre démissionnaire Gabriel Attal a ainsi envoyé mardi les « lettres plafonds », le document administratif qui donne aux différents ministères leurs enveloppes de crédits pour l’année qui vient. Une initiative « républicaine », indispensable pour espérer le vote d’une loi de finances dans les temps, mais qui suscitera nécessairement des critiques au regard des 10 milliards d’économies sur le train de vie de l’Etat prévues. On notera au passage que le ministre de l’économie Bruno le Maire plaidait pour une économie supplémentaire de 5 milliards d’euros. Il n’a pas été suivi dans les arbitrages alors qu’il entendait se parer d’une rigueur plus forte, lui qui restera comme le ministre de l’économie et des finances de la Veme République ayant le plus creusé le déficit et accru la dette, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes pour aujourd’hui s’ériger en donneur de leçon. Pour autant il est d’ores et déjà clair que les 10 milliards d’économie préconisées ne suffiront pas au regard de la dégradation de nos comptes.
📍D’ordinaire, ces plafonds de dépenses par ministère sont plutôt envoyés début août. Mais la situation politique a changé la donne et la paralysie des institutions depuis le second tour des législatives du 7 juillet a grippé la machine administrative. Pourtant le sablier budgétaire s’écoule inexorablement : avec toutes les contraintes pesant sur un projet de loi de finances -envoi préalable au Conseil d’Etat et au Haut Conseil des finances publiques – il faut absolument que celui-ci soit élaboré début septembre pour être examiné à l’Assemblée nationale puis au Sénat à partir du premier mardi d’octobre, soit le 1er octobre même cette année, comme la Constitution le prévoit.
📍Pour éviter un « crash », Gabriel Attal s’est donc résolu à envoyer ces « lettres plafonds » malgré son statut très précaire de Premier ministre démissionnaire. « Cela répond à un objectif républicain, la préoccupation principale du Premier ministre est que celui qui lui succédera ait les moyens de présenter un budget dans les temps », explique-t-on à Matignon. C’est juste mais c’est la situation politique actuelle qui elle est inextricable. Le nouveau gouvernement pourra certes faire les ajustements nécessaires avant la présentation du texte en Conseil des ministres ou pendant le travail parlementaire. Mais quand aura-t-on un nouveau gouvernement qui disposera de la confiance du Parlement et qu’elle sera sa ligne politique ? Mystère !
📍Ce travail technique révèle pourtant des choix politiques forts. Gabriel Attal a décidé de renouveler pour 2025 le montant de l’enveloppe des crédits de l’Etat prévus lors du projet de loi de finances pour 2024, soit 492 milliards d’euros de dépenses. C’est donc légèrement supérieur aux 487 milliards préconisés par le ministre de l’Economie chargé des affaires courantes, Bruno Le Maire. On pourra aussi arguer que ce montant de 492 milliards n’est pas forcément le bon comparatif, car entre-temps l’équipe gouvernementale avait dégainé deux plans d’économies de 10 milliards en février (il est déjà entré en vigueur) et en avril (celui-là reste à concrétiser par le prochain exécutif). Mais l’effort préconisé notamment par la Cour des Comptes et auquel je souscris depuis des mois, devrait plutôt être de l’ordre de 50 milliards !
📍Il n’empêche : tenir cette enveloppe stable dans le temps demande déjà un réel effort car l’inflation entraîne automatiquement une hausse de la dépense publique. Cela représente donc à ce stade pour les ministères une économie de l’ordre de 10 milliards par rapport à l’évolution spontanée des crédits. Tous les ministères ne sont pas logés à la même enseigne. La loi de programmation militaire est préservée, de même que d’autres budgets qui font l’objet d’augmentation ou de stabilité, comme la Culture ou les Sports. En revanche le ministère du Travail pourrait à nouveau être mis à contribution, avec des coupes autour de 600 millions, selon nos informations. Les collectivités territoriales sont aussi inquiètes car semblent appeler encore à contribuer à l’effort alors qu’elles sont déjà écangués après des années d’efforts soutenus alors que ce sont les budgets sociaux et surtout de l’Etat qui n’ont cessé de creuser la dette et le déficit.
📍La nécessité de ramener le déficit sous les 3 % du PIB en 2027 si elle est admise, semble donc encore bien peu documentée et bien peu volontaire. A noter que l’objectif de ramener le solde public à -4,1 % en 2025 comme l’équipe sortante s’y était engagée, ne semble plus figurer dans la feuille de route actuelle. Et pour cause : dans les couloirs de Bercy, plus personne ne croit, si tant est qu’ils y aient vraiment cru à un moment, que cet horizon soit encore atteignable. On l’a dénoncé depuis des mois au Sénat.
📍Pour y parvenir, il faudrait déjà tenir l’objectif de -5,1 % cette année, ce qui n’est pas évident au vu de l’évolution très dynamique des dépenses des collectivités, selon une source ministérielle, qui peste contre leur manque de coopération dans le rétablissement des comptes publics. Il faudrait ensuite que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 en préparation prévoie également des économies fortes pour espérer contenir le déficit. Une perspective qui semble relever de la science-fiction au vu du débat politique actuel, bien avare en propositions de réduction des dépenses.


