Débat au Sénat sur le programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 et l’o…

30 avril 2024

🏛️ Débat au Sénat sur le programme de stabilité pour les années 2024 à 2027 et l’orientation des finances publiques : un triple renoncement.

🚩Depuis 2011, les programmes de stabilité budgétaire sont transmis à la Commission européenne au plus tard à la fin du mois d’avril. L’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 du 28 décembre 2010, introduit à l’initiative du Sénat, dispose qu’« à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne (…), le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».
Ce débat, depuis la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, est désormais fusionné avec le débat d’orientation des finances publiques, qui avait traditionnellement lieu en juillet.

🚩Le présent projet de programme de stabilité, présenté en conseil des ministres le 17 avril 2024, porte jusqu’à la fin du quinquennat, en 2027 ; il réactualise fortement les prévisions de la loi de programmation des finances publiques, adoptée il y a quatre mois seulement, le 18 décembre 2023.

🚩Une semaine avant la publication de la note de la France par les agences Moody’s et Fitch Ratings, ce programme de stabilité était particulièrement attendu, suite à l’annonce par le Gouvernement d’une dégradation beaucoup plus forte qu’attendue de nos comptes publics en 2023. Le rétablissement de nos finances publiques, promis par Emmanuel Macron, semble, plus que jamais, compromis et l’écart avec nos voisins européens ne cesse de se creuser.
Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dans son avis rendu le 16 avril, tire la sonnette d’alarme sur cette « situation préoccupante ». Nous en avons débattu ce matin en commission des finances et cet après midi en séance au Sénat.

🚩La prévision de croissance pour 2024 est fortement revue à la baisse, de 1,4 à 1 %. Nous avions dénoncé, lors du PLF 2024, cette prévision surestimée par rapport au consensus des économistes. Il convient de souligner que, bien que révisée, cette prévision de 1 % « demeure optimiste », selon le HCFP, le consensus étant actuellement à 0,7 %. De même, si les prévisions ont été révisées à la baisse en 2024 et 2025, elles demeurent inchangées en 2026 et 2027, reposant sur une conjonction de facteurs favorables. Cette critique est partagée par le HCFP, qui estime que « la trajectoire de PIB (…) est surévaluée ».

🚩En 2023, alors même que nous étions sortis du choc de la crise, le déficit public de la France s’est aggravé fortement, de 0,7 point, de -4,8 % en 2022 à -5,5 %, constituant désormais le 4ème pire déficit de l’UE (après l’Italie, la Hongrie et la Roumanie). A titre de comparaison, en 2023, l’Espagne a un déficit de -3,6 %, l’Allemagne de -2,6 %, la Grèce de -1,6 % et le Portugal est en excédent de +1,2 %.
La moyenne européenne est déjà proche des 3 % en 2023 (-3,6 % pour la ZE et -3,5 % pour l’UE). 16 Etats-membres sur 27 sont déjà sous les 3 % en 2023 et 4 sont en excédent budgétaire (Chypre, Danemark, Irlande et Portugal).
De surcroît, l’affichage d’un retour sous les 3 % en 2027 (qui serait déjà une contre-performance, car nous serions le dernier pays européen à y parvenir) ne semble pas du tout réaliste.
L’effort budgétaire d’ici à 2027 s’élèverait à 2,3 points de PIB, soit plus de 60 Md€.
Le HCFP estime que cette trajectoire manque de « crédibilité » et de « cohérence ». Elle nécessite un effort en dépenses jamais réalisé par le passé et dont la documentation « reste à ce stade lacunaire ».
Cela semble d’autant moins crédible qu’Emmanuel Macron a déclaré que « nous n’avons pas un problème de dépenses excessives mais un problème de moindres recettes ».
Dans sa prévision du 17 avril 2024, le FMI est tout aussi pessimiste : au lieu de -2,9 %, il prévoit -4,3 % en 2027, puis -4,1 % en 2028 et -3,9 % en 2029.

🚩Selon Emmanuel Macron, la dégradation de nos comptes est uniquement liée à un « choc conjoncturel », alors même que nous sommes sortis de la crise liée à l’inflation. Cette assertion est d’autant plus fallacieuse que nous constatons une aggravation importante du déficit structurel en 2023 et 2024, par rapport aux prévisions de la loi de programmation il y a quatre mois : -0,7 point en 2023 et -0,5 point en 2024. L’effort structurel à accomplir sera beaucoup plus important que prévu ; ce qui fait douter de sa réalisation.

🚩Le déficit de l’Etat et de ses organismes est révisé à la hausse sur l’ensemble du quinquennat. Il constitue l’essentiel du déficit public. Les collectivités territoriales (et plus généralement les APUL) alimentent très peu le déficit public et leurs finances seraient même excédentaires en 2026 et 2027, grâce à la « baisse attendue de l’investissement des collectivités territoriales en raison du cycle électoral municipal » et « des prélèvements obligatoires des administrations publiques locales qui augmenteraient moins vite que l’activité ». Il leur est cependant demandé un effort particulier, bien supérieur en proportion à celui de l’Etat, ce qui n’est pas acceptable. Le Haut Conseil des finances publiques locales, qui s’est réuni le 9 avril dernier, prévoit que les collectivités locales contribuent dès 2024 au redressement des comptes publics, en limitant de 0,5 point la hausse de leurs dépenses de fonctionnement par rapport à l’inflation. Celle-ci étant prévue à 2,4 %, la hausse ne devrait donc pas dépasser 1,9 %. Cela représenterait un effort de 2,5 Md€.
Le Gouvernement prévoit toujours une contribution positive des ASSO (financement de la sécurité sociale), tenant compte de la réforme des retraites et de celle de l’assurance-chômage, qui serait de surcroît renforcée. Il fait également le pari d’une amélioration conjoncturelle qui pèserait positivement sur les cotisations sociales.

🚩Le taux de dépenses publiques en France est révisé à la hausse et demeure le plus élevé d’Europe (50 % en moyenne dans la ZE et 49,4 % dans l’UE ; 48,6 % en Allemagne). A contrario des affirmations de Bruno Le Maire, le quoi qu’il en coûte n’a jamais cessé. L’annonce par le Gouvernement de la nécessité d’une économie de 10 Md€ supplémentaires en 2024, en plus des 10 Md€ annulés par le décret du 21 février 2024, ne se fera pas par un PLFR. Pourtant, le décret d’annulation avait atteint le plafond annuel maximal autorisé (1,5 % des crédits ouverts en LF 2024). Pour y parvenir, le Gouvernement entend trouver ces 10 Md€ grâce aux collectivités territoriales (effort de 2,5 Md€) et en puisant dans la réserve de précaution.

🚩Par ailleurs, d’après Eurostat, la France a le plus haut taux de PO de l’UE, après la Finlande (mais cette dernière a -2,7 % de déficit et 75,8 % d’endettement seulement).

🚩 En 2027, le taux d’endettement serait supérieur de 1,4 point au taux actuel, alors qu’il y a quatre mois, dans la loi de programmation, il était prévu une baisse de 1,6 point. Notre niveau de dette demeurera très élevé, ce qui est particulièrement préoccupant.
La France va demeurer le plus mauvais élève de l’UE avec la Grèce et l’Italie. Selon les chiffres publiés par Eurostat le 22 avril dernier, en 2023, la France a un taux d’endettement de 110,6 %, contre 63,6 % en Allemagne, 81,7 % en moyenne dans l’UE et 88,6 % dans la zone euro (ZE).
☞ En 2007, la France avait 0,8 point de moins d’endettement que la moyenne de la ZE.
☞ En 2012, la France avait 0,4 point de plus d’endettement que la moyenne de la ZE.
☞ En 2017, la France avait 10,3 points de plus d’endettement que la moyenne de la ZE.
☞ En 2023, la France a 22 points de plus d’endettement que la moyenne de la ZE.

🚩Je n’ai cessé, avec d’autres, ces dernières années de dénoncer le risque lié à ce niveau trop élevé d’endettement, notamment en cas de remontée des taux d’intérêt. Nous avons à plusieurs reprises mis en garde contre l’effet « anesthésiant » de taux extrêmement bas, voire parfois négatifs (entre 2019 et 2021). Ce qui était à craindre s’est produit, avec des taux OAT 10 ans qui ont dépassé les 3 %.
Avec cette remontée des taux, la charge de la dette, aujourd’hui deuxième poste budgétaire le plus important après l’enseignement scolaire, va devenir d’ici la fin du quinquennat notre premier poste de dépenses.
Selon le programme de stabilité, la charge de la dette représente 46,3 Md€ en 2022 et serait de 39 Md€ en 2023. Cette baisse est justifiée par le Gouvernement par leur prévision de baisse de l’inflation. Pour rappel, la part d’obligations indexées sur l’inflation représente environ 12 % de l’encours de titres de la dette négociable d’État : selon le programme de stabilité, 1 point d’inflation en plus induit une augmentation de la charge d’intérêt d’environ 2,6 Md€. Quand bien même l’inflation diminuerait, la hausse des taux d’intérêt est problématique pour nos finances publiques : une hausse de 1 point représente un coût de 2,6 Md€ la 1ère année et de 17,2 Md€ la 5ème année.. De ce fait notamment, la charge de la dette va exploser : 39 Md€ en 2023, 46,3 Md€ en 2024, 54 Md€ en 2025, 62,7 Md€ en 2026, 72,3 Md€ en 2027.
Cela signifie qu’en 2027, presque la totalité de l’impôt sur le revenu payé par les contribuables français ne servirait qu’à rembourser les intérêts de la dette.

🚩Hélas l’optimisme forcené du Gouvernement ne saurait masquer le faible dynamisme de l’économie française.
Un seul chiffre y suffit : plus de 1000 milliards de dette supplémentaire en 7 ans.
La trajectoire de finances publiques qui nous est ainsi proposée, dans une présentation pour le moins « lacunaire » selon les mots mêmes du Haut Conseil des Finances Publiques, est le reflet des renoncements du Gouvernement :
📍renoncement à sa propre loi de programmation des finances publiques,
📍renoncement à une trajectoire de désendettement,
📍renoncement à redresser les comptes par un projet de loi de finances rectificative soumise au Parlement.
Ainsi, les scénarios proposés semblent bien peu cohérents et d’autant moins crédibles.

🚩Décrochage (par rapport à tous les autres pays européens), Dissimulation (chacun l’a désormais bien compris) et Démission (aucune réelle réforme profonde engagée et la poursuite d’un « en même temps » qui montre chaque jour ses incohérences; sont les trois mots qui caractérisent le mieux notre situation.

🚩De plus nous sommes les seuls à cumuler les deux déficits budgétaires et commerciaux qui se tiennent et s’entretiennent.
Je ne m’en réjouis pas, au contraire je m’inquiète de ses conséquences pour notre pays et en particulier pour les jeunes français qui vont devoir payer la dette de notre pays sans bénéficier d’une réelle croissance, ce d’autant plus que l’impact du vieillissement de la population sur nos finances publiques n’est en rien anticipé alors qu’il est certain.
Nous ne pouvons continuer à différer des décisions fortes, courageuses, essentielles pour retrouver notre souveraineté, la prospérité qui ne saurait n’être nourrie que de la dépense publique (notre croissance est fictive depuis 3 ans), une efficacité de la dépense publique et une parole forte à l’échelle européenne. Par ces manquements, nous plombons l’avenir car il n’y a aucune rupture et donc guère de perspectives. En effet, comment susciter la confiance, comment être crédible, quand on parle du fond abyssal dans lequel nos finances publiques et plus largement l’état de notre pays sont plongés ? Le cancre de l’Europe ne peut donner des leçons aux autres, il peut en revanche afin écouter, apprendre, corriger ses erreurs, pour cesser d’entraîner la France et les Français sur une pente qui inquiète et risque de renforcer une crise démocratique déjà bien présente.

🚩N’oublions jamais la formule de Napoléon, je cite : « lorsqu’un gouvernement est dépendant des banquiers pour l’argent, ce sont ces derniers, et non les dirigeants du gouvernement, qui contrôlent la situation, puisque la main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit. »





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